Résumé
Question Un jeune bébé suivi par votre clinique a reçu un diagnostic de perte auditive congénitale profonde. Ses parents envisagent un implant cochléaire pour leur enfant, mais ils s’inquiètent de son acquisition du langage avant et après l’intervention chirurgicale. Que devraient-ils savoir à propos de l’intervention, et comment peuventils améliorer les résultats sur le plan du langage?
Réponse La perte auditive congénitale est souvent détectée chez les nouveau-nés lors d’un dépistage par des tests auditifs. Les implants cochléaires peuvent améliorer dans l’ensemble les habiletés en langue parlée chez les enfants souffrant d’une déficience auditive profonde. Certains facteurs associés à la réussite de l’acquisition du langage après l’implantation cochléaire sont l’exécution de la procédure en bas âge et l’engagement de la famille dans des programmes d’intervention précoce. L’apprentissage de la langue des signes avant l’opération peut améliorer les résultats subséquents sur le plan du langage et contribuer au sain développement cognitif et socioémotionnel de l’enfant.
La perte auditive congénitale touche de 1 à 3 enfants par 1000 naissances vivantes1. Les troubles auditifs entravent le développement du langage et, par conséquent, peuvent nuire au développement social et à l’alphabétisation d’un enfant2. La plupart des pays à revenu élevé, dont le Canada, ont mis en place des programmes de dépistage auditif et d’intervention pour les nourrissons et les enfants peu après la naissance pour aborder la santé auditive de façon proactive3. Au nombre de ces programmes figurent le dépistage universel de l’acuité auditive chez les nouveau-nés, des soutiens à la communication, comme des cours en langue des signes, de l’aide aux familles qui ont des nourrissons ayant une perte auditive permanente et irréversible, des prothèses auditives et des implants cochléaires3,4.
Il importe de signaler que l’utilisation et la promotion des implants cochléaires sont des sujets de controverse chez les personnes sourdes ou malentendantes et leurs représentants5. Dans ce cas hypothétique, les parents ont déjà décidé de procéder à une implantation cochléaire chirurgicale pour leur enfant et, par conséquent, cet article ne se penche pas de manière détaillée sur la controverse. Par ailleurs, les cliniciens devraient se renseigner sur ces préoccupations et les reconnaître dans les discussions personnalisées avec les parents des patients.
Les implants cochléaires traitent les sons électroniquement et transmettent ensuite une stimulation électrique à la cochlée6. En général, les bébés souffrant d’une déficience auditive permanente allant de modérée à grave et chez qui il n’y a pas de contre-indications à subir une intervention chirurgicale sont des candidats admissibles à une implantation cochléaire4. Plus de 90 % des enfants souffrant de surdité ou de perte auditive sont nés de parents entendants, et la plupart de ces parents choisissent pour leurs enfants d’avoir accès aux sons et à la langue parlée7. Les implants cochléaires peuvent entraîner de meilleures habiletés en langue parlée chez les enfants ayant une perte auditive profonde8.
Il y a une variabilité statistiquement significative dans le taux de réussite du développement linguistique chez les enfants ayant une perte auditive congénitale qui reçoivent un implant cochléaire9,10. Les professionnels des soins primaires jouent un rôle pour augmenter la probabilité de réussite de l’acquisition du langage2 en utilisant des outils pour soutenir et améliorer les résultats après une implantation cochléaire.
Améliorer les résultats
Divers facteurs sont associés à la réussite de l’acquisition du langage chez les enfants après une implantation cochléaire chirurgicale.
Âge au moment de l’implantation. Les enfants atteints d’une déficience auditive congénitale considérable qui reçoivent des implants cochléaires en plus bas âge ont de meilleurs résultats sur le plan de l’allocution et de l’acquisition du langage11. La plasticité du cortex auditif est plus grande à la naissance et diminue avec le temps. La période critique de l’apprentissage et du développement du langage se situe durant les 3,5 premières années de la vie. Une implantation cochléaire précoce, idéalement avant l’âge de 12 mois, est associée au taux le plus élevé de faculté auditive et de production de la langue verbale après l’intervention chirurgicale12,13.
Une étude prospective auprès de 350 enfants australiens a signalé que les enfants de 5 ans qui avaient reçu des implants cochléaires à l’âge de 24 mois avaient des scores globaux moyens du langage, comportant des écarts types inférieurs de 1,4 point par rapport aux enfants qui avaient reçu leurs implants cochléaires à l’âge de 6 mois, selon 20 mesures des résultats langagiers (−21,4 points, IC à 95 % de −33,9 à −9,0)14. Une étude multicentrique auprès de 209 enfants ayant une perte auditive congénitale a fait valoir que les enfants dont les implants cochléaires avaient été placés avant l’âge de 12 mois avaient des habiletés en langage réceptif et des issues cognitives significativement meilleures sur le plan statistique lors de leur entrée à l’école (5 à 7 ans) que les enfants qui avaient reçu leurs implants cochléaires entre 12 et 60 mois15.
Une étude rétrospective sur 12 ans, menée au Centre universitaire pour enfants de l’Est de l’Ontario à Ottawa, a révélé que 118 de 187 enfants (63 %) avaient reçu leurs implants cochléaires après l’âge de 12 mois16. Près de 10 % des implantations qui avaient été exécutées plus de 12 mois après le diagnostic avaient été retardées en raison de l’indécision de la famille, ce qui met en évidence les difficultés de prendre une décision à propos de cette intervention chirurgicale17.
Implication de la famille. Les interventions centrées sur les interactions entre les parents et l’enfant peuvent améliorer les résultats langagiers des enfants porteurs d’implants cochléaires18. En Australie, une étude rétrospective de cohortes auprès de 42 enfants ayant eu une implantation cochléaire a constaté qu’une implication intensive de la famille dans des programmes d’intervention précoce était associée à des scores plus élevés d’après une mesure normalisée du vocabulaire réceptif d’un seul mot19.
Une méta-analyse portant sur 27 études auprès d’enfants porteurs d’implants cochléaires a rapporté que les effets des contributions linguistiques des parents, y compris tous les types de langages auxquels ils exposaient leurs enfants, représentaient le tiers (31,7 %) de la variation dans les résultats des enfants sur le plan du langage (r=0,564, p<,001, IC à 95 % de 0,449 à 0,660)20. Les auteurs ont conclu que les interactions de grande qualité entre les parents et l’enfant au niveau du langage après une implantation cochléaire chirurgicale revêtaient de l’importance pour la réussite dans l’acquisition du langage. Une situation socioéconomique plus favorisée8 et une scolarisation maternelle plus élevée8,21 étaient associées à de meilleures issues sur le plan du langage.
Incapacités. Le fait d’avoir une incapacité additionnelle était lié à de moins bons résultats langagiers chez les enfants porteurs d’implants cochléaires. Chez les enfants de 3 ans souffrant de perte auditive, le fait d’avoir d’autres incapacités expliquait de 15 à 21 % de la variation dans les résultats langagiers21. L’habileté cognitive non verbale était un facteur de prédiction statistiquement significatif des résultats langagiers réceptifs et expressifs chez les enfants ayant des incapacités qui avaient reçu des implants cochléaires, et elle était positivement corrélée avec toutes les mesures du langage et de l’allocution10. L’accès à une implantation cochléaire chirurgicale précoce et le rôle exercé par les équipes multidisciplinaires de soins étaient extrêmement importants pour assurer des issues favorables dans cette population21.
Apprentissage de la langue des signes
L’implantation cochléaire est habituellement prévue de 6 à 12 mois après le diagnostic d’une perte auditive congénitale16, et les enfants peuvent être à risque élevé d’une exposition limitée au langage (privation linguistique) durant ce temps, ce qui peut avoir pour résultat un retard du langage à long terme13.
Les données probantes de grande qualité ne sont pas assez nombreuses pour déterminer si l’apprentissage d’une langue visuelle, comme la langue des signes américaine, avant une implantation améliore l’acquisition d’une langue orale plus tard dans la vie22-24. Toutefois, l’accès à une langue des signes à un jeune âge offre aux enfants une langue initiale et soutient la réussite cognitive et socioémotionnelle25-27.
Conclusion
L’implantation cochléaire peut permettre aux enfants d’apprendre une langue orale ou une langue des signes. Cette intervention chirurgicale tôt dans la vie et l’implication de la famille dans les soins sont associées à des résultats favorables chez les enfants, tandis que la présence d’autres incapacités peut retarder le développement linguistique. L’apprentissage de la langue des signes avant l’implantation cochléaire peut aider à éviter une privation linguistique. Les professionnels des soins primaires et les équipes multidisciplinaires peuvent organiser le counseling, l’intervention chirurgicale et le suivi après l’implantation, et les familles peuvent chercher un soutien additionnel auprès des services provinciaux ou territoriaux.
Notes
Mise à jour sur la santé des enfants est produite par le programme de recherche en thérapeutique d’urgence pédiatrique (PRETx à http://www.pretx.org) du BC Children’s Hospital à Vancouver, en Colombie-Britannique. Sophie McGregor est membre et le Dr Goldman est directeur du programme PRETx. Le programme PRETx a pour mission de favoriser la santé des enfants en effectuant de la recherche fondée sur les données probantes en thérapeutique dans le domaine de la médecine d’urgence pédiatrique.
Avez-vous des questions sur les effets des médicaments, des produits chimiques, du rayonnement ou des infections chez les enfants? Nous vous invitons à les poser au programme PRETx par télécopieur, au 604 875-2414; nous y répondrons dans de futures Mises à jour sur la santé des enfants. Les Mises à jour sur la santé des enfants publiées sont accessibles dans le site web du Médecin de famille canadien (https://www.cfp.ca).
Footnotes
Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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