Abstract
Objectif Comprendre l’offre de services en clinique jeunesse, un lieu de service destiné à la santé sexuelle des jeunes, ainsi que les implications de ce modèle pour le bien-être des jeunes.
Type d’étude Un plan de recherche de nature qualitative, respectant les attributs de la théorisation ancrée.
Contexte Une clinique jeunesse située dans un quartier urbain de Montréal (Québec).
Participants Les participants de cette étude étaient de jeunes patients de la clinique âgés de 18 à 23 ans, ainsi que les intervenantes de la clinique jeunesse qui y travaillent. L’équipe interdisciplinaire de la clinique était composée de médecins de famille, d’infirmières, d’une sexologue, d’une travailleuse sociale et d’une réceptionniste. J’ai interviewé toutes les intervenantes de l’équipe (n=8) et 8 jeunes patients.
Méthodes J’ai employé des méthodes d’entretiens semi-dirigés auprès des jeunes et des intervenantes. J’ai recruté les jeunes en utilisant un échantillonnage de convenance.
Principales constatations Les résultats principaux se définissent sur trois axes. Premièrement, la composition de l’équipe interdisciplinaire, avec une attention particulière à la co-localisation des membres de l’équipe; ensuite, les fonctions particulières aux cliniques jeunesse, notamment la présence d’une réceptionniste propre à l’équipe, la couverture financière de certaines prescriptions, et un temps d’intervention plus long, permettant une composante éducative aux interventions. Finalement, je présente les impressions positives des jeunes sur ces services.
Conclusion Prises ensemble, les caractéristiques d’une clinique jeunesse favorisent l’accès aux soins à plusieurs niveaux pour les jeunes en matière de santé sexuelle. Mes réflexions encouragent les omnipraticiens à collaborer avec des services connexes à la médecine de famille lorsqu’il est question de la santé sexuelle des jeunes.
Les services de santé sexuelle au sein de cliniques jeunesse seraient plus efficaces à répondre aux divers besoins des jeunes1,2 et à assurer un changement de comportements sexuels3 comparés aux services courants ou non spécialisés. Or, il existe peu de services destinés aux jeunes au Canada et plusieurs jeunes auraient plutôt recours aux services courants en médecine de famille pour leurs besoins en matière de santé sexuelle4-6. Plusieurs études rapportent que les médecins omnipraticiens se sentent peu équipés pour répondre aux besoins des jeunes en matière de santé sexuelle7,8, et que les jeunes ressentent de la gêne et de l’inconfort en accédant à ce modèle de soins pour leur santé sexuelle9-11.
L’objectif de cette étude était de comprendre l’offre de services en clinique jeunesse, un lieu de service destiné à la santé sexuelle des jeunes, ainsi que les implications de ce modèle pour leur bien-être. Les caractéristiques de cette clinique jeunesse se définissent sur 3 axes : la composition et la co-localisation de l’équipe de service; les fonctions particulières à une clinique jeunesse, notamment une réceptionniste attitrée, la couverture de certains médicaments ainsi qu’une composante éducative à leur programmation; et l’acceptabilité de ce modèle de la part des jeunes. Ensemble, ces résultats permettent une réflexion sur la capacité de ce modèle à assurer l’accès aux services en matière de santé sexuelle pour les jeunes à plusieurs niveaux.
MÉTHODES
Mon plan de recherche qualitatif a été inspiré par les propos de la théorisation ancrée (grounded theory) qui prône l’analyse des facteurs contextuels du vécu des participants à une recherche12,13. Le contexte de cette étude était une clinique jeunesse située au centre-ville de Montréal (Québec) qui offre des services en matière de santé sexuelle à une clientèle âgée de 15 à 25 ans. Cette clinique représente un service situé au sein d’un CLSC (Centre local de services communautaires), c’est-à-dire, un plus grand centre de services en médecine de famille.
J’ai interrogé 2 groupes au sein de la clinique jeunesse : les intervenantes qui y travaillent et des jeunes patients. Discuter avec ces 2 groupes m’a permis de mieux saisir l’intervention en milieu clinique et d’interroger les jeunes sur leurs expériences à la clinique. J’ai interviewé les 8 intervenantes de la clinique, ainsi que 8 jeunes patients, 7 jeunes femmes et un jeune homme. Je maintiens le genre féminin lorsque je discute des membres de cette équipe puisqu’elle était composée uniquement de femmes. Il y avait 2 critères de sélection pour les jeunes : qu’ils soient âgés de 18 à 25 ans et qu’ils aient déjà fait recours aux services de la clinique jeunesse. Par la désignation « jeunes », je renvoie à une population dénommée « jeunesse », âgée de 15 à 24 ans, telle que la définit l’Organisation mondiale de la Santé (OMS); le terme « adolescent » ferait plutôt référence au groupe de jeunes âgés de 10 à 19 ans14. Puisque je me suis concentrée sur une part de ces 2 groupes, notamment des jeunes de 18 à 25 ans, je me suis inspirée davantage de la définition de emerging adulthood de l’OMS. Ce terme décrit la fin des années de l’adolescence (late teens), jusqu’à la fin des années de la vingtaine15. La période dénommée, emerging adulthood, ou la vie adulte émergente, caractérise la jeunesse comme une période charnière vers la vie adulte, à savoir la fin des études, le départ du foyer familial, l’obtention d’un emploi et/ou la constitution de sa propre famille.
J’ai recruté les jeunes en utilisant un échantillonnage de convenance (convenience sampling). J’ai privilégié des entretiens semi-dirigés pour la collecte de données en raison de leur très grande souplesse; ceux-ci me permettaient d’aborder des thèmes basés sur des recherches antérieures, tout en accordant la liberté aux répondants d’ajouter d’autres éléments qu’ils jugeaient pertinents16,17. Les entretiens, d’une durée de 45 à 60 minutes, ont eu lieu de février à juin 2015. J’ai enregistré et retranscrit les entretiens. Avec un processus de codage en 3 étapes — ouvert, axial et spécifique — j’ai regroupé mes données en thèmes englobants. J’ai cessé la collecte de données et les analyses lorsque la saturation des thèmes a été atteinte. Les noms des participants sont anonymisés pour respecter leur confidentialité.
CONSTATATIONS
La moyenne d’âge des jeunes était de 20,8 ans. La majorité des répondants étaient des étudiants au cégep; deux répondantes terminaient leurs études secondaires. Les caractéristiques des jeunes sont inscrites dans le Tableau 1.
Caractéristiques des jeunes
Une équipe interdisciplinaire sous le même toit
Définie comme un service de santé adapté aux besoins et aux problématiques de la jeunesse dans le domaine de la santé sexuelle18, cette clinique jeunesse comprend une équipe interdisciplinaire (médecins, infirmières, sexologues, travailleuses sociales, et une réceptionniste). Répondant aux besoins de jeunes tout en offrant des services curatifs et préventifs, une clinique jeunesse serait un lieu où l’on se concentre sur un aspect spécifique de la santé ou d’un groupe démographique en particulier, dans mon cas, la santé sexuelle des jeunes. De prime abord, cette clinique jeunesse est un service destiné à la santé sexuelle; toutefois, en adoptant une approche holistique à la santé sexuelle, telle que promue par l’OMS19, et en ayant une gamme de professionnelles de la santé au sein de l’équipe, les intervenantes de la clinique peuvent nécessairement intervenir pour d’autres ennuis sanitaires ou psychosociaux qui seraient en amont des problèmes d’ordre sexuel des jeunes.
L’équipe clinique serait interdisciplinaire et non multidisciplinaire puisque les membres de l’équipe fonctionnent en interaction et non en silos20,21 : les diverses spécialisations regroupées dans un même lieu travaillent ensemble en collaboration et se partagent les tâches d’intervention. Touchant aux domaines médicaux et psychosociaux, l’équipe de 8 intervenantes comptait des médecins de famille, des infirmières, une sexologue, une travailleuse sociale et une réceptionniste. Sans exception, toutes les intervenantes ont insisté sur l’importance de cette complémentarité de spécialisations dans l’offre de services : sur l’importance des « interactions » entre les intervenantes (Micheline, médecin de famille), que ce soit une équipe où domine l’esprit de « collaboration » (Linda, travailleuse sociale), et une équipe qui ne serait « pas hiérarchique » (Lysandre, infirmière) dans le partage des tâches et des responsabilités auprès des jeunes. Cette équipe travaille également dans un espace partagé, voulant dire qu’il y a une co-localisation de services. Un jeune pourrait donc consulter une ou plusieurs intervenantes lors d’un même rendez-vous.
Les intervenantes ont souvent souligné l’avantage de leurs spécialisations complémentaires et la proximité entre elles dans l’offre des soins. Par exemple, la sexologue illustre comment sa présence sur les lieux représente une complémentarité aux services cliniques. Elle suggère qu’un jeune patient qui serait « en état de crise » suite à un diagnostic clinique d’herpès aurait besoin immédiatement de conseils pratiques sur la gestion et le traitement de l’herpès au quotidien, un service souvent offert par la sexologue (Maryse, sexologue). De manière similaire, une omnipraticienne estime qu’en étant appuyée par une équipe interdisciplinaire, elle est mieux équipée pour offrir un service approfondi selon les problèmes du jeune : « Si, dans mon intervention, je soupçonne qu’il y a de l’abus sexuel ou de la violence psychologique à la base du problème vécu par le jeune, je peux envoyer le jeune immédiatement aux services de la travailleuse sociale » (Micheline, médecin de famille). En somme, cette complémentarité de services, adaptés aux caractéristiques cliniques et psychosociales de la santé sexuelle, permet aux intervenantes d’offrir rapidement des soins appropriés aux jeunes.
Outre les interactions entre spécialisations complémentaires au sein même de la clinique, l’équipe interdisciplinaire partage des liens importants avec des services connexes, à l’extérieur de la clinique. Puisque la clinique se retrouve au sein d’un CLSC, la clinique bénéficie de services en santé mentale et en toxicomanie pour les jeunes, ainsi que les services courants de médecine de famille. Les intervenantes de la clinique jeunesse peuvent donc assurer facilement des suivis à l’extérieur de la clinique pour des besoins particuliers des jeunes, ainsi que la transition vers les soins pour adultes.
Fonctions particulières d’une clinique jeunesse
Une clinique jeunesse retient certaines fonctions particulières à sa programmation en raison de son mandat de travailler avec les jeunes. Tout d’abord, un accueil central par une réceptionniste attitrée permet un tri initial des jeunes. L’entretien avec la réceptionniste m’a révélé que celle-ci se perçoit comme le « premier contact » avec les jeunes, qu’elle a un rôle qui consiste à « filtrer les demandes, [à] analyser rapidement les degrés d’urgence, [à] voir qui serait la meilleure personne [intervenante] pour le jeune, et si le cas peut attendre jusqu’à la semaine prochaine » (Carole, réceptionniste). Le fait de compter la réceptionniste au sein de l’équipe d’intervention rend possible une communication directe entre les intervenantes, permettant un rythme de service convenable pour les intervenantes et les jeunes.
Ensuite, certains médicaments, comme des moyens de contraception, sont financièrement couverts en clinique jeunesse. Les intervenantes partagent que cette fonction particulière permet un accès à certaines prescriptions aux jeunes qui n’en auraient autrement pas, en raison d’un manque d’argent ou d’assurance privée. Elles ajoutent également qu’elles cherchent souvent des solutions « moins coûteuses ou des échantillons », comme des prescriptions génériques pour éviter que les jeunes déboursent des sommes d’argent élevées (Sandra, médecin de famille). Une intervenante ajoute que la couverture financière d’une prescription assure la confidentialité des choix des jeunes, en voilant leurs choix aux yeux des parents qui seraient les détenteurs primaires d’une assurance privée (Lysandre, infirmière).
Finalement, les intervenantes ont l’avantage de travailler avec les jeunes à un rythme plus souple au niveau du temps et du contenu de l’intervention, dont disposent rarement les services courants. Pouvant se permettre des interventions allant de 15 à 60 minutes, les intervenantes ont la possibilité d’aller au-delà de la demande initiale du jeune pour expliquer en profondeur certains concepts aux jeunes. Selon les intervenantes, depuis plusieurs coupures au cursus scolaire en matière de santé sexuelle au Québec, on observe chez les jeunes une diminution des connaissances à cet égard : « Les jeunes ne savent plus les mots, ni pour désigner les ITSS [infections transmises sexuellement et par voie sanguine], ni pour nommer les parties du corps » (Micheline, médecin de famille). Selon les intervenantes, il est urgent d’intervenir avec une information juste auprès des jeunes pour remédier à cette situation critique. Marguerite (médecin de famille) explique comment elle termine chacune de ses interventions en offrant des informations pertinentes sur la santé sexuelle. « Le topo est en lien avec le but de la consultation, par exemple, la pilule du lendemain, l’oubli de la pilule contraceptive, ou sur le plaisir et les douleurs lors des relations sexuelles ». Les intervenantes tentent donc de combler ces lacunes de connaissances dans leurs interventions, plus longues, en offrant des explications approfondies.
Appréciation des services de la part des jeunes
Les jeunes étaient unanimes sur un sentiment d’aisance en clinique jeunesse. D’une part, ils apprécient l’espace d’accueil qui leur est réservé. Évitant le risque de « rencontrer ses voisins ou ses parents » (Léa, 22 ans), les jeunes disent se sentir « moins stressés » et en sécurité dans cette clinique, lorsqu’ils viennent consulter pour des sujets souvent nouveaux, délicats ou difficiles. Les intervenantes observent cette appréciation de la part des jeunes. Selon Sandra (médecin de famille), l’ensemble de la consultation se fait dans un cadre moins intimidant lorsque l’accueil est fait par une personne familière qui démontre une compréhension sincère de leurs besoins.
Les jeunes ont également partagé leur appréciation d’avoir tous les services dans un même lieu. Par exemple, en expliquant pourquoi ils reviennent à la clinique, plusieurs jeunes ont dit que l’accès aux services était « facile et simple » (Julie, 22 ans), et qu’ils avaient tous leurs « trucs médicaux et mentaux [psychosociaux] répondus dans un rendez-vous » (Laurence, 18 ans). Les jeunes ajoutent que les conseils obtenus en clinique jeunesse leur ont permis de mieux comprendre les sources de leurs difficultés d’ordre sexuel. Par exemple, par les composantes éducatives en intervention, les jeunes ont pu se détacher de sentiments de culpabilisation. « Elle [intervenante] prenait le temps de me déculpabiliser, en me disant que l’éducation sexuelle est faible et que mon copain à l’époque devait aussi être tenu responsable » (Mélanie, 20 ans). Les jeunes se sentent à l’aise, en sécurité et accompagnés dans ce lieu de service.
DISCUSSION
Le haut taux d’étudiants de mon échantillon s’explique en raison du fait que la clinique se retrouve au centreville, à proximité de cégeps et d’universités. De plus, le plus haut taux de jeunes femmes qui ont participé à mon étude reflète une tendance répandue, celle que les jeunes femmes iraient chercher plus de soins pour leur santé sexuelle que les jeunes hommes, en raison de normes genrées sur le recours aux soins et de la peur de stigmatisation22.
À la lumière de mes résultats, je suis de l’avis que le modèle de clinique jeunesse assure l’accès aux soins pour les jeunes. Selon Penchansky et Thomas23, il existe 5 domaines complémentaires pour définir l’accès aux soins. Tout d’abord, la disponibilité (availability) décrit le rapport entre l’offre d’un service et le besoin de la part d’une communauté ciblée (p. ex. le volume d’infirmières selon le besoin); l’accessibilité (accessibility) décrit les lieux géographiques des services (p. ex. si le service est accessible via les transports en commun); l’adaptabilité (accommodation) décrit l’organisation des ressources et les composantes des services (p. ex. équipe interdisciplinaire, heures d’ouverture); l’abordabilité (affordability) décrit le coût des soins; et l’acceptabilité (acceptability) décrit la réception des services de la part d’une communauté ciblée (p. ex. degré de confiance envers les services). Les propos de Penchansky et Thomas me permettent d’illustrer comment le modèle de clinique jeunesse assure l’accès aux soins pour les jeunes à plusieurs niveaux.
Tout d’abord, la disponibilité de ce modèle répond aux besoins spécifiques des jeunes. L’Agence de la santé publique du Canada indique qu’en 2015, les jeunes de 15 à 24 ans rapportaient les taux des ITSS les plus élevés. On note que ce groupe d’âge rapporte 56,8 % des cas de chlamydia, même s’il ne compte que pour 12,6 % de toute la population canadienne5. Le modèle de soins est également accessible puisqu’il se trouve dans les lieux quotidiens des jeunes, près des écoles et des cégeps au centre-ville de Montréal. Couplées ensemble, la disponibilité et l’accessibilité assurent un accès physique aux soins.
Ensuite, l’interdisciplinarité de la clinique jeunesse ne peut que faciliter l’accès aux soins de santé pour les jeunes patients sur la dimension de l’adaptabilité. Les spécialisations complémentaires que l’on retrouve à la clinique, certaines étant axées dans le domaine médical, d’autres ciblant les dimensions psychosociales, ainsi que l’inclusion d’une réceptionniste, permettent à la clinique d’offrir des services touchant à la diversité des besoins liés à la santé sexuelle et à la sexualité19. De plus, en lien avec l’adaptabilité, les services sont abordables pour répondre aux réalités financières des jeunes. Les jeunes auraient besoin de services adaptés en raison de changements majeurs lors de l’adolescence. Par exemple, c’est souvent lors de la décision de chercher des soins pour leur santé sexuelle que les jeunes interagissent avec le système de santé sans la supervision de leurs parents. Ce phénomène, jumelé avec le fait que les jeunes manquent de connaissances sur la santé sexuelle, accroît leur vulnérabilité aux problèmes de santé sexuelle. Le principe de l’adaptabilité des services est donc essentiel pour la population jeunesse.
Finalement, l’acceptabilité de la clinique jeunesse de la part des jeunes est également observée. Une étude de l’Institut national de la santé publique du Québec note que les barrières au service de dépistage des ITSS rapportées par les jeunes sont la peur, la honte et le malaise ressenti à discuter de leurs activités sexuelles5. Dans le cadre de mon étude, les jeunes disent se sentir à l’aise dès l’entrée dans ce modèle de services, surtout avec la présence de la réceptionniste, ce qui explique également la pérennité de leur recours à ces services.
Bien que les 5 domaines de l’accès aux soins soient observés dans le contexte de cette clinique jeunesse et que ce type de modèle de soins soit prôné par des autorités provinciales canadiennes et internationales24,25, un tel arrimage est rarement observé pour les jeunes dans le contexte canadien. D’autres secteurs du système de santé et populations sont priorisés dans les budgets de santé provinciaux, souvent privilégiant les soins curatifs au lieu des soins préventifs ainsi que les populations plus âgées. Au moment de mon étude, uniquement 5,4 % du budget de santé canadien était alloué à la santé publique, avec une augmentation prévue dans ce domaine pour les soins de longue durée et la santé mentale. De plus, ce sont les personnes âgées et les nourrissons qui font l’objet des dépenses de santé par habitant les plus élevées. En 2017, la dépense par habitant s’élevait à 2076 $ pour les personnes de 20 à 24 ans et à 11,483 $ pour les personnes de 65 ans et plus26.
De plus, on observe que les jeunes canadiens âgés de 15 à 29 ans iraient chercher des soins et des renseignements sur leur santé sexuelle dans divers lieux au sein du système de santé; de ces derniers, ils seraient majoritairement non spécialisés en santé sexuelle ou en jeunesse. Parmi 11 lieux de services, les Québécoises âgées de 17 à 29 ans se procureraient leurs prescriptions de contraception dans des cliniques médicales non spécialisées (36,0 % chez les femmes de 17 à 20 ans et 36,2 % chez les femmes de 21 à 29 ans)5. En Ontario, on rapporte que parmi un échantillon de jeunes qui iraient chercher des soins, 16 % iraient chercher des soins chez un médecin de famille alors qu’uniquement 6 % iraient chercher des soins en clinique jeunesse4,6. Un manque de connaissances des services existants de la part des jeunes, la pénurie de services de santé sexuelle pour les jeunes, et en même temps, de la gêne ressentie chez les jeunes, seraient à la source de ces constats.
Il est donc nécessaire de repenser les modèles de soins pour les jeunes, sur le fond et la forme, pour encourager les jeunes à y avoir recours. Je suis de l’avis qu’une première étape importante serait d’incorporer des éléments d’interdisciplinarité de spécialisations au sein de services et cliniques existants, surtout en médecine de famille, et de promouvoir le partenariat entre services. Équiper les professionnels de la médecine de famille avec des services communautaires et connexes à la discipline serait envisageable pour mieux répondre aux besoins des jeunes en matière de santé sexuelle.
Limites
En terminant, notons que ma recherche retient 2 limites importantes. Tout d’abord, cette étude est descriptive, ne pouvant donc pas établir un rapport de causalité entre les services de la clinique et l’amélioration de la santé sexuelle des jeunes. La seconde limite a trait à la généralisation de mes résultats, dans la mesure où mon échantillon était petit et celui des jeunes est basé sur un échantillonnage de convenance.
Conclusion
Ma recherche qualitative réalisée au sein d’une clinique jeunesse de Montréal cherchait à décrire les composantes de ce modèle de soins. Je décris les caractéristiques clés ressorties, dont une équipe interdisciplinaire et les fonctions particulières selon leur mandat. Je décris également l’acceptabilité de ce modèle de soins auprès des jeunes. Ensemble, ces caractéristiques assurent un accès aux soins pour les jeunes à plusieurs niveaux. Mes résultats encouragent les professionnels de la médecine de famille à collaborer avec des spécialisations connexes pour la population jeunesse en matière de santé sexuelle.
Notes
Points de repère du rédacteur
▸ L’inclusion de soins de santé sexuelle adaptés aux jeunes comme partie intégrante des services offerts en clinique jeunesse donne l’occasion d’améliorer l’accès aux soins et de répondre aux besoins diversifiés de cette population.
▸ Les intervenantes ont souvent souligné l’avantage de leurs spécialisations complémentaires et la proximité entre elles dans l’offre des soins, et leurs liens importants avec des services connexes, à l’extérieur de la clinique. Certains médicaments, comme des moyens de contraception, sont financièrement couverts en clinique jeunesse. Les intervenantes ont discuté de l’avantage de travailler avec les jeunes à un rythme plus souple au niveau du temps et du contenu de l’intervention, dont disposent rarement les services courants. Les jeunes étaient unanimes sur un sentiment d’aisance en clinique jeunesse, et ont partagé leur appréciation d’avoir tous les services dans un même lieu.
▸ Il est peut-être nécessaire de repenser les modèles de soins pour les jeunes pour les encourager à y avoir recours. Une première étape importante serait d’incorporer des éléments d’interdisciplinarité de spécialisations au sein de services et cliniques existants, surtout en médecine de famille, et de promouvoir le partenariat entre services. Équiper les professionnels de la médecine de famille avec des services communautaires et connexes à la discipline serait envisageable pour mieux répondre aux besoins des jeunes en matière de santé sexuelle.
Footnotes
Intérêts concurrents
Aucun déclaré
Cet article a fait l’objet d’une révision par des pairs.
The English translation of this article is available from https://www.cfp.ca on the table of contents for the October 2022 issue on page e291.
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