
Comme plusieurs d’entre vous, j’ai assisté au dernier Forum en médecine familiale (FMF) du Collège des médecins de famille du Canada (CMFC), qui se tenait du 10 au 13 novembre dernier. Il s’agit de l’un des plus importants, sinon le plus grand rassemblement de médecins de famille au pays. Cette rencontre a lieu annuellement dans l’une des grandes villes du Canada. À titre de rédacteur scientifique adjoint du Médecin de famille canadien, j’y assiste depuis une vingtaine d’années.
« Assister » est un bien grand mot, car dans les faits, cette année comme celle d’avant, le FMF était virtuel. Pandémie oblige! C’est donc dire que la totalité du congrès, dont la programmation s’étale sur quatre jours, s’est déroulée en vidéoconférence. Comme bien d’autres, je ne suis pas un grand adepte des conférences sur Zoom et autres réunions virtuelles, mais cela permet de visionner et de revisionner toutes les séances au programme. Une bonne façon de nous garder à jour.
Or, au fur et à mesure que la programmation défilait, une question tenace me restait en tête : combien de présentations sont-elles données en français? Attention, je ne parle pas ici d’interprétation simultanée, mais bien de séances présentées originellement en français.
Il convient de noter que, selon les derniers estimations disponibles, le Canada compte quelque 10 000 médecins de famille francophones parmi les 45 532 répertoriés au pays1-3, soit près de 25 %. A lui seul, le Québec en compte 11 668 médecins de famille, et 85.8 % des médecins qui y oeuvrent sont francophones4. Et on compte un bon nombre de médecins francophones dans les autres provinces. Or, selon les dernières estimations disponibles du CMFC, seulement 4458 sont des francophones. Pourquoi cela? On compte aussi trois facultés de médecine francophones, de même que quelques facultés bilingues. Conséquemment, on devrait s’attendre à ce qu’il y ait quelques présentations parmi la cinquantaine de séances au programme.
En réalité, à l’exception de rares affiches, il n’y en a eu aucune cette année. Pas une présentation en français!
Je sais bien ce que plusieurs diront : « Si l’on fait une présentation en français, il n’y a pas un chat qui va venir ». Je le sais. J’ai moi-même fait des exposés où il n’y avait que deux ou trois participants — essentiellement des amis venus m’encourager — et pratiquement aucun collègue anglophone. Voilà qui n’est pas très encourageant! Mais ce n’est pas une raison. Il y a des services d’interprétation simultanée sur place, non?
Pourtant, lorsque l’on regarde la situation, on ne peut certainement pas blâmer le Comité sur le FMF ni le CMFC. Si aucun médecin francophone ne propose quelque présentation que ce soit, que voulez-vous que le FMF fasse? On ne peut certainement pas les inventer!
La véritable question est plutôt : comment se fait-il que les médecins de famille francophones soient si silencieux? Où sont les cliniciens, les enseignants, les érudits et les résidents francophones? Aucun d’entre eux n’a-t-il une expérience, une découverte, un questionnement à partager avec ses pairs? Cela me semble bien improbable.
Dès lors, pourrait-on suggérer à l’aile québécoise du CMFC, le Collège québécois des médecins de famille, d’encourager ses membres à présenter au FMF? Pourrait-on suggérer aux trois facultés de médecine québécoises francophones, celles de l’Université Laval, de l’Université de Montréal et de l’Université de Sherbrooke, d’en faire autant? Et aux quelques facultés bilingues de faire de même? Pourrait-on encourager les départements de médecine de famille et de médecine d’urgence ainsi que les Groupes d’intérêt en médecine familiale francophones à s’afficher davantage?
Car, même si tous s’entendent pour dire que l’anglais est la langue des communications, ce sont tous les médecins de famille canadiens qui y perdent par le silence des francophones. Encourageons ces voix francophones qui sont restées silencieuses à communiquer leurs travaux à un auditoire national.
Footnotes
Les opinions exprimées dans les éditoriaux sont celles des auteurs. Leur publication ne signifie pas qu’elles soient sanctionnées par le Collège des médecins de famille du Canada.
This article is also in English on page 87.
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