
« Vingt-neuf? Vingt-neuf ans? »
Un silence stupéfait nous entoure lorsque je divulgue mon âge à mon collègue. Nous travaillions ensemble depuis 2 ans pendant la pandémie de la maladie à coronavirus 2019 (COVID-19), mais nous ne nous étions pas rencontrés véritablement en personne jusqu’à ce jour.
« Mais vous dirigez tant de choses à un si jeune âge! »
De nombreux médecins qui, comme moi, commencent à pratiquer et occupent simultanément des postes de leadership provoquent cette réaction. En réalité, notre participation ne devrait pas être une surprise. Bien que le fait d’assumer des rôles de chef de file représente un défi, je soutiendrais que nous, médecins de famille en pratique depuis moins de 5 ans, convenons bien à la tâche.
Au cours des 2 dernières années, j’ai exercé des rôles de leadership sur les plans local, provincial et national, dont plusieurs avaient trait à la pandémie. Ces rôles ont fait de moi un meilleur médecin, et je peux dire avec confiance que mes expériences comme médecin de famille ont fait de moi un meilleur chef de file. Après réflexion, voici des exemples de la valeur que nous apportons en tant que chefs de file, alors que nous en sommes à nos 5 premières années de pratique.
Nous apportons de nouvelles perspectives
Même si cela semble un cliché, lorsque nous avons fraîchement terminé notre résidence, notre façon de voir les choses est tout aussi fraîche. Durant notre formation, nous avons observé le système sous de nombreux angles différents : soins de courte durée, soins palliatifs, soins à domicile et, bien entendu, soins primaires. Nous avons aussi appris les nouvelles pratiques à la fine pointe du savoir, nous avons reçu du mentorat et nous avons évolué durant toute notre formation médicale. Nous pouvons concrétiser de nouvelles idées, une promesse que j’ai vue se réaliser à de nombreuses reprises durant la pandémie, notamment des initiatives comme des programmes de soins virtuels ou des programmes axés sur l’hésitation vaccinale, sous la direction de médecins nouvellement en pratique.
Notre syndrome de l’imposteur peut être bénéfique
En tant que médecins néophytes, nous pouvons éprouver de la difficulté à nous sentir à l’aise dans notre nouveau rôle de médecins de famille. Si l’on y ajoute l’exercice de fonctions de meneur, la confiance peut être encore plus difficile à ressentir. Cependant, cette humilité peut se transformer en force. À de nombreuses occasions, lorsque je dirigeais mon équipe de santé familiale, des médecins communautaires ou l’équipe de mon centre d’évaluation de la COVID-19, je devais répondre à des questions auxquelles je n’avais pas de réponses immédiates. Mes équipes comptaient des médecins et des cliniciens qui avaient beaucoup plus d’expérience que moi. Une telle situation était propice à l’apparition du syndrome de l’imposteur. J’ai plutôt mis à profit cette humilité. Je reconnaissais l’incertitude entourant la pandémie, de même que les lacunes dans mon expérience. Je communiquais ces constatations à mes collègues, mais je m’engageais à ce que nous vivions tous ensemble cette expérience, de même qu’à apprendre continuellement d’eux et à trouver les réponses dont nous avions besoin. Je valorisais leur expertise et ils valorisaient l’authenticité dans rôle de meneur. J’ai éventuellement acquis de l’expérience avec la COVID-19, et ce sentiment d’être un imposteur s’est finalement dissipé. Mon conseil est donc de plonger tête première et de ne pas hésiter à prendre acte de votre inexpérience. Vous n’en serez qu’un meilleur chef de file.
Nos multiples rôles peuvent créer de nouveaux liens
Durant leurs premières années de pratique, les médecins de famille ont souvent de multiples rôles et travaillent dans différents milieux. Ils peuvent avoir une pratique familiale tout en travaillant dans un hôpital, ou être actifs en éducation, en recherche ou dans une pratique ciblée. (Dans mon cas, j’ai une pratique familiale complète, j’exerce la médecine des dépendances, et je travaille en recherche et en éducation.) Cette tendance naturelle à travailler dans divers secteurs donne aux leaders un accès propice à des possibilités d’établir des liens là où il n’en existait pas. Par exemple, durant la pandémie, mes rôles de chef de file étaient liés à la réaction de l’hôpital à la COVID-19; ma façon de voir, inspirée par les soins primaires, a permis de faire en sorte que les médecins de la communauté qui m’entouraient soient soutenus dans la prise en charge des patients symptomatiques et l’administration des vaccins contre la COVID-19 dans leurs cliniques.
Nous pouvons bien équilibrer notre emploi du temps dès le départ
Je ne pourrai jamais trop insister sur ce point : il est bien plus difficile de réduire une pratique que de la bâtir. Comme nouveaux diplômés, vous pourriez avoir plus de temps que d’autres à consacrer au leadership. En tant que médecins nouvellement en pratique, vous pouvez mieux contrôler vos engagements cliniques, de manière à conserver du temps pour des activités de leadership. Si vous croyez ne pas être assez occupés sur le plan clinique, vous pourrez toujours augmenter vos activités. Et surtout, n’oubliez pas de vous réserver du temps personnel!
Nous apprenons toujours!
Comme médecin nouvellement en pratique qui se familiarise avec cette pratique, j’ai souvent l’impression de devoir toujours me tenir au fait et d’en apprendre davantage pour offrir les meilleurs soins possibles à mes patients. Cette attitude s’applique tout autant à mon cheminement dans l’exercice du leadership.
Nous connaissons la valeur du mentorat
Comme nouveaux médecins chefs de file, vous connaissez la valeur du mentorat et vous pouvez trouver des meneurs d’expérience, prêts à offrir leur mentorat à la prochaine génération. Il est important, dans la recherche de mentors, de les considérer comme votre « conseil d’administration » personnel. Certains de mes mentors incarnent un excellent équilibre entre le travail et la vie personnelle, d’autres sont des mentors dans des domaines précis du système de santé, d’autres encore sont des mentors sur les plans clinique et pédagogique. Il est recommandé d’avoir plusieurs mentors vers qui se tourner. En outre, en tant que personnes en début de carrière, vous pourriez être des chefs de file plus faciles d’approche pour des médecins de la génération qui suit la vôtre; vous pouvez aussi partager ce que vous avez appris d’eux. L’observation de l’épanouissement de mes mentorés juniors représente l’un des plus grands privilèges qui m’aient été donnés.
Conclusion
Enfin, le conseil le meilleur et le plus simple que je puisse donner est de « commencer à commencer ». Nous sommes souvent nos plus grands critiques et nous nous dirons qu’il faudrait d’abord nous établir avant d’être un chef de file ou encore nous nous demanderons ce que nous avons à offrir. Mon expérience m’a appris à mettre ces pensées de côté et à me lancer dans l’aventure. N’oubliez pas que nous, en tant que médecins de famille, sommes des experts pour naviguer dans l’incertitude et trouver des solutions à des problèmes complexes.
La réalité, c’est que comme médecins en début de carrière, vous avez beaucoup à offrir, et notre système a besoin de vous et de vos compétences uniques. Êtesvous prêts à relever le défi?
Notes
Les Cinq premières années de pratique est une série trimestrielle publiée dans Le Médecin de famille canadien, sous la coordination du Comité sur les cinq premières années de pratique de la médecine familiale du Collège des médecins de famille du Canada. Cette série a pour but d’explorer des sujets susceptibles d’intéresser surtout les médecins en début de pratique, de même que tous les lecteurs du Médecin de famille canadien. Nous invitons tous ceux et celles qui en sont à leurs 5 premières années de pratique à présenter une contribution d’au plus 1500 mots (https://www.cfp.ca/content/Guidelines) au Dr Stephen Hawrylyshyn, ancien président du Comité sur les premières cinq années de pratique de la médecine familiale, à steve.hawrylyshyn{at}medportal.ca.
Footnotes
Intérêts concurrents
Aucun déclaré
The English version of this article is available at https://www.cfp.ca on the table of contents for the February 2022 issue on page 157.
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