
Le Canada a un problème d’accès aux soins primaires. Un récent sondage de Nanos Research effectué pour le CMFC a révélé que 82% des patients interrogés avaient un médecin de famille. Presque tous les répondants se disaient satisfaits des soins qu’ils recevaient et de leur facilité à consulter leur médecin de famille1. Cependant, cela signifie également que 18% des Canadiens — soit plus de 6 millions de personnes — n’ont pas accès à l’élément clé d’un système de santé efficace: des soins complets et globaux, dispensés par un médecin de famille et son équipe. La population est en droit de s’attendre à recevoir des soins primaires de qualité, surtout au moment où nous commençons à saisir toute l’ampleur des retards dans les soins qu’a occasionnés la pandémie de COVID-19.
À cause du manque d’accès et d’une population qui souhaite de nos jours un service immédiat, les cliniques virtuelles à but lucratif se multiplient. Les soins épisodiques qu’elles fournissent, en grande partie sans examen physique ni suivi, n’ont pas les aspects longitudinal et relationnel que l’on sait bénéfiques pour la santé des Canadiens et l’efficacité du système de santé. Si je peux commander un gadget de cuisine en ligne et le recevoir le lendemain, ou faire venir un chauffeur en un clin d’œil et avoir une estimation de son arrivée à la seconde près sur mon téléphone intelligent, pourquoi ne pourrait-il pas en être de même pour une consultation avec mon médecin de famille?
Un autre changement démographique important se produit simultanément: les Canadiens vieillissent (le nombre de personnes âgées de plus de 75 ans devrait doubler au cours des 20 prochaines années)2. Ainsi, les soins médicaux se complexifient, tandis que les options de soins pour tout problème de santé se font de plus en plus nombreuses.
Ces deux tendances accentuent la pression sur l’accès aux soins, mais les médecins de famille sont prêts à relever le défi. Les choses stagnent dans plusieurs régions du pays, tout simplement parce que nous sommes souvent freinés par des systèmes, des structures, des pratiques et des modèles de rémunération désuets. Le CMFC tente de faire comprendre aux gouvernements ce que l’avenir de la médecine de famille peut et devrait être. Notre vision est le Centre de médecine de famille, et notre slogan, «l’accès bien pensé»3. Nous soutenons que l’accès aux soins primaires devrait s’inscrire dans une pratique de la médecine de famille complète, globale et longitudinale, appuyée par les soins virtuels et fondée sur le travail d’équipe. Bien souvent, cela requiert de nouveaux modèles de financement qui, au lieu de privilégier le volume, favorisent des soins optimaux pour les patients aux besoins complexes au sein de systèmes complexes. Comme l’a récemment fait remarquer Dre Sarah Newbery, vice-doyenne adjointe de la Stratégie relative aux effectifs médicaux à l’École de médecine du Nord de l’Ontario, lors d’une réunion de planification du Forum annuel des leaders, «les bienfaits apportés [par les médecins de famille] ne résident pas seulement dans la complexité des soins individuels, mais [dans] l’intégration de ces soins dans un système complexe.»
Nous améliorons également nos normes de formation afin de permettre aux médecins de famille d’offrir des soins complexes et d’assurer l’intégration des soins au sein de leurs communautés. Le rapport du Projet sur les finalités d’apprentissage4, publié récemment, décrit les moyens que nous mettons en place pour préparer la relève en médecine de famille. Je vous invite à lire notre vision. D’autres renseignements vous seront communiqués à ce sujet dans les mois à venir.
Les modèles de pratique doivent changer pour permettre la formation d’équipes de soins conformes à la vision du Centre de médecine de famille. Pour offrir des soins efficaces aux générations futures, il faudra structurer les cliniques et les réseaux cliniques au Canada afin que les bons professionnels fournissent les bons soins au bon moment. Nous aurons besoin de psychologues pour aider les personnes souffrant de troubles dépressifs majeurs; d’adjoints aux médecins pour effectuer des bilans de santé pour les bébés; d’infirmières praticiennes jumelées à des diététistes pour assurer les soins de routine aux patients diabétiques; et d’infirmières autorisées pour assurer des visites de suivi par téléphone. Mais surtout, il faudra permettre aux médecins de famille de faire ce qu’ils font le mieux: traiter des patients aux besoins complexes et, tout en servant de ressource à leur équipe, intégrer leurs soins dans un système complexe, qui comprend les soins de longue durée, les soins hospitaliers, les soins à domicile et les soins communautaires.
Le Canada a un problème d’accès aux soins primaires, mais avec l’aide des gouvernements, des bailleurs de fonds et des autres professionnels de la santé, les médecins de famille peuvent le résoudre.
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