Recommandation 2 pour la médecine d’hôpital
Ne prescrivez pas d’antibiotiques pour une bactériurie asymptomatique, sauf aux femmes enceintes.
Rappelez-vous une rencontre clinique durant laquelle vous avez été appelée à choisir avec soin et décrivez-la
J’avais admis une femme dans la quatre-vingtaine avancée qui vivait en foyer de soins de longue durée et se présentait à l’hôpital parce qu’elle avait commencé à se sentir mal après une chute. Elle n’avait pas perdu connaissance, mais les paramédicaux ont indiqué qu’elle était confuse. Les investigations au service d’urgence n’ont rien révélé de remarquable, exception faite d’antécédents d’infections récurrentes des voies urinaires (IVU) et de résultats d’analyses en laboratoire laissant présager une légère insuffisance rénale aiguë. L’analyse d’urine et les tests au microscope prescrits ont révélé une présence modérée de bactéries dans l’urine et certains leucocytes. L’urgentologue m’a appelée pour la faire admettre et craignait que la patiente ait une IVU.
Durant la rencontre, comment avez-vous soulevé la nécessité de choisir avec soin?
Approfondissement de l’anamnèse : Je remets toujours en question un diagnostic historique d’IVU récurrentes chez les patients âgés. Dans le cas de cette patiente, aucune des cultures effectuées lors d’hospitalisations antérieures n’avait produit de bactéries. Pourtant, les diagnostics à l’admission suggéraient souvent une IVU. Je ne blâme personne dans ces cas; j’essaie plutôt d’informer la famille de manière à éviter un usage inapproprié d’antibiotiques.
Les renseignements fournis par la famille et le personnel du foyer indiquaient qu’elle souffrait de diarrhée depuis plusieurs jours. Rien ne laissait présager des symptômes de dysurie, de fréquence ou de rétention urinaire.
Potentiel de préjudices : La fille de la patiente espérait initialement que nous traitions sa mère pour une IVU potentielle. Par ailleurs, je lui ai expliqué que le traitement, surtout quand nous n’avons pas de certitude, n’est pas sans risques. J’ai ajouté qu’en plus des risques mieux connus d’anaphylaxie ou de réactions d’hypersensibilité, il y a un risque d’infection à Clostridium difficile et, dans ce cas, d’une aggravation des symptômes gastro-intestinaux de la patiente. De plus, les effets secondaires des antibiotiques rendent difficile pour certains de mes patients âgés de tolérer leurs médicaments habituels, comme les antihypertenseurs ou les anticoagulants, que je préfère qu’ils prennent. Certaines classes d’antibiotiques, comme les fluoroquinolones, présentent aussi un risque de délirium chez les patients plus âgés.
Prélèvement de spécimen : Le rapport de la culture du prélèvement de la patiente a révélé la croissance de multiples organismes, mais aucun d’une concentration de 108 unités formant colonies par millilitre ou plus. Le mode de prélèvement n’était pas documenté dans le rapport du service d’urgence et, étant donné les antécédents de diarrhée, l’analyse d’urine et la culture pourraient avoir été contaminées. J’ai expliqué à la fille de la patiente que nous ne voulions pas fonder une décision clinique sur des données incomplètes ou inexactes.
Quels sont les éléments clés de la communication qui ont contribué à la réussite de la rencontre?
Flexibilité : Lors de l’admission d’un patient à l’hôpital sans avoir un diagnostic clair, le meilleur outil dont nous disposons est souvent le temps. J’ai expliqué que nous traiterions la patiente avec une prise en charge de soutien pour un diagnostic présumé de gastroentérite virale. Toutefois, j’ai ajouté que nous nous informerions chaque jour de la présence de symptômes d’une IVU et que nous procéderions toujours à de nouveaux tests, s’ils étaient cliniquement indiqués, ou si elle ne répondait pas aux traitements administrés. La patiente s’est rétablie, et son insuffisance rénale aiguë, de même que son délirium avaient disparu quelques jours plus tard.
Communications fréquentes : Il a été difficile de voir l’un de ses êtres chers être admis à l’hôpital durant la pandémie de la COVID-19, surtout en raison des restrictions imposées aux visites. Dans le cas de cette patiente, elle a répondu aux soins de soutien et j’ai tenu les membres de la famille informés régulièrement. Ils ont dit être satisfaits et ont compris les raisons pour lesquelles elle n’a pas reçu d’antibiotiques et pourquoi ses symptômes n’étaient probablement pas causés par une IVU.
Notes
Choisir avec soin Canada est une campagne visant à aider les cliniciens et les patients à engager un dialogue au sujet des examens, des traitements et des interventions inutiles, et à prendre des décisions judicieuses et efficaces pour assurer des soins de grande qualité. Jusqu’à présent, on compte 13 recommandations portant sur la médecine familiale, mais de nombreuses recommandations concernant d’autres spécialités s’appliquent à la médecine familiale. Dans chaque article de la série Choisir avec soin Canada publié dans Le Médecin de famille canadien, un médecin de famille est interviewé pour connaître les outils et les stratégies qu’il ou elle a utilisés pour mettre en œuvre une des recommandations et amorcer une prise de décisions partagée avec ses patients. Cette entrevue a été réalisée et rédigée par le Dr Aaron Jattan, Département de médecine familiale, Université du Manitoba, pour le compte de Choisir avec soin Canada. Si vous êtes un professionnel ou un stagiaire en soins primaires et que vous avez un récit relatif à Choisir avec soin que vous pourriez éventuellement partager avec nous dans cette série, veuillez communiquer avec nous à aaron.jattan{at}umanitoba.ca.
Footnotes
La Dre Sherry L. Bilenki est médecin de famille et en est à ses 5 premières années de pratique. Elle a une pratique achalandée en consultation externe et en milieu hospitalier à Winnipeg (Manitoba), où elle soigne principalement des patients adultes atteints de comorbidités multiples. Elle s’intéresse particulièrement aux soins aux personnes âgées et en santé mentale. Elle est affiliée à l’Université du Manitoba et supervise des résidents en médecine familiale dans le contexte de sa pratique.
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This article is also in English on page 352.
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