Résumé
Question Au mois de février, un bébé de 9 mois est amené à ma clinique d’urgence rurale après un épisode de 2 jours de toux et de congestion, et de 1 jour de difficultés respiratoires. Une auscultation des poumons révèle des sons diffus, de faibles sibilances et des crépitants. En tenant compte de l’âge du bébé, de la symptomatologie et de la saison hivernale, le diagnostic probable est une bronchiolite. Les β2-agonistes inhalés sont-ils un traitement approprié pour un tel patient?
Réponse Il n’est pas indiqué d’utiliser des β2-agonistes inhalés chez les enfants de 2 ans et moins souffrant de bronchiolite. La sibilance fait le plus souvent partie des critères diagnostiques d’une bronchiolite, qui est une infection virale des voies respiratoires inférieures chez les jeunes enfants. Au contraire de l’asthme, la bronchiolite ne compte pas parmi ses symptômes la contraction des muscles lisses du poumon. Le traitement de la bronchiolite exige des soins de soutien, et il n’a pas été démontré que les interventions pharmacologiques, comme les β2-agonistes, les corticostéroïdes et les antibiotiques, raccourcissaient la durée de la maladie, diminuaient sa gravité ou réduisaient les taux d’hospitalisation. Il pourrait y avoir un sous-groupe de nourrissons souffrant de bronchiolite qui répondraient à un traitement aux β2-agonistes; toutefois, ce groupe n’a pas encore été entièrement défini dans la littérature jusqu’ici.
La bronchiolite, une inflammation et une obstruction des voies respiratoires inférieures, affecte les enfants de moins de 2 ans et est presque toujours secondaire à une infection virale. Elle commence habituellement par des symptômes des voies respiratoires supérieures, dont la toux, la congestion et la rhinorrhée. En raison de l’accumulation de mucus, de la destruction de cellules épithéliales et de l’inflammation des voies aériennes inférieures, la condition peut progresser en détresse respiratoire et en hypoxémie. L’auscultation des poumons révèle souvent des sibilances ou des sons crépitants, et les nourrissons plus gravement atteints peuvent présenter une détresse respiratoire. Le virus respiratoire syncytial humain (VRSH) est le principal déclencheur de la bronchiolite; il compte pour jusqu’à 80 % des cas1,2. La bronchiolite est l’une des raisons les plus communes motivant la demande de soins médicaux pour des nourrissons, et la cause la plus fréquente des hospitalisations chez les enfants de moins de 12 mois au Canada et dans le monde2,3. Les soins de soutien, y compris l’hydratation, une délicate aspiration des sécrétions et l’administration d’oxygène dans les cas d’hypoxie, constituent le standard de soins accepté pour la bronchiolite1,3.
L’épinéphrine racémique, les antibiotiques, les β2-agonistes et les corticostéroïdes ont tous fait l’objet d’études sur le traitement de la bronchiolite en milieu hospitalier et en consultations externes. Pourtant, aucune de ces thérapies n’est indiquée dans le traitement de la bronchiolite aiguё. Dans une récente méta-analyse4 regroupant 150 essais randomisés contrôlés (ERC) sur des traitements nébulisés ou un placebo pour la bronchiolite, 76 % des quelque 19 000 patients avaient une bronchiolite modérée, définie soit par déclarations narratives ou par des scores cliniques (19 % n’avaient pas rapporté la gravité de la maladie). Les taux d’admission à l’hôpital après la visite initiale au service d’urgence étaient significativement plus faibles chez les patients traités avec une combinaison de saline hypertonique nébulisée et des β2-agonistes (rapport de cotes [RC]=0,44, IC à 95 % de 0,23 à 0,84) et ceux traités avec seulement de l’épinéphrine nébulisée (RC=0,64, IC à 95 % de 0,44 à 0,93), en comparaison de ceux qui avaient reçu un placebo nébulisé. Le séjour à l’hôpital était plus court chez les nourrissons qui avaient reçu seulement de la saline hypertonique nébulisée (différence moyenne [DM]=-0,63 jour, IC à 95 % de -1,02 à -0,25) ou si elle était combinée à de l’épinéphrine nébulisée (DM=-0,91 jour, IC à 95 % de -1,42 à -0,39) par rapport au placebo nébulisé. Fait à signaler, les investigateurs faisaient peu confiance aux données à l’appui de tous les traitements, en raison de l’imprécision dans l’estimation de l’ampleur des effets, de même que du risque de biais fondé sur une évaluation à l’aide de l’outil de la Collaboration Cochrane qui mesure ce risque4.
Il est intéressant de mentionner qu’House et ses collègues5 ont examiné l’utilité de la saline nébulisée comme placebo dans les études sur la bronchiolite, parce que la saline nébulisée pourrait à elle seule avoir certaines répercussions sur l’évolution de la maladie. Les auteurs ont passé en revue 29 études qui utilisaient la fréquence respiratoire, la saturation en oxygène et les scores respiratoires pour analyser l’efficacité de la saline nébulisée dans les cas de bronchiolite. L’instrument d’évaluation de la détresse respiratoire était utilisé dans 14 des études, et le score respiratoire de Wang, dans 4 des études. Dans l’ensemble, les auteurs ont constaté que la saline nébulisée pourrait être un traitement actif pour la bronchiolite; d’autres ERC sont nécessaires pour mieux évaluer son utilisation comme placebo5.
Le traitement avec des β2-agonistes
Puisque le symptôme caractéristique de la bronchiolite est la sibilance, les cliniciens ont mis à l’essai pendant longtemps les β2-agonistes comme traitement6. Les β2-agonistes induisent une bronchodilatation, entraînant une relaxation des muscles lisses; ils sont aussi un traitement efficace pour l’asthme, lorsque la contraction des muscles lisses des poumons cause la détresse respiratoire7-9.
Le recours aux β2-agonistes chez les enfants souffrant de bronchiolite virale suscite l’intérêt depuis longtemps. Une revue par Cochrane en 20146 incluait 30 essais randomisés contrôlés contre placebo qui examinaient l’efficacité des bronchodilatateurs dans les cas de bronchiolite en mesurant la saturation en oxygène, l’hospitalisation et la durée du séjour à l’hôpital des patients ayant reçu des β2-agonistes inhalés par rapport à un placebo. Il n’y avait pas de différences significatives dans la saturation en oxygène (DM=-0,43, IC à 95 % de -0,92 à 0,06) ni de différences significatives dans les taux d’hospitalisation (11,9 contre 15,9 %; RC=0,75; IC à 95 % de 0,46 à 1,21) ou la durée du séjour (DM=0,06 jour, IC à 95 % de -0,27 à 0,39)6.
Dans de récentes lignes directrices sur la bronchiolite virale, l’American Academy of Pediatrics déconseille l’utilisation des β2-agonistes pour la bronchiolite, en indiquant qu’ils n’améliorent pas l’évolution clinique des nourrissons. De plus, les lignes directrices déconseillent aussi les tentatives futures d’étudier ce traitement, en faisant valoir que les changements transitoires dans l’évolution de la maladie et l’absence de critères acceptés d’évaluation clinique peuvent miner les tentatives de documenter de véritables améliorations attribuables aux bronchodilatateurs1. Cette opinion est aussi corroborée par la Société canadienne de pédiatrie3 et le National Institute for Health and Care Excellence10, et dans les lignes directrices australasiennes sur la bronchiolite11.
En outre, les β2-agonistes peuvent causer de la tachycardie, de l’irritabilité, des bouffées vasomotrices, de la nausée, des vomissements, des céphalées, une baisse de la saturation en oxygène et des tremblements1,6,7,12. Même si les générations actuelles de β2-agonistes comportent moins de risques d’effets indésirables que ceux des générations moins récentes, les essais de β2-agonistes ne sont pas indiqués dans les cas de bronchiolite.
Malgré des données convaincantes contre l’utilisation des β2-agonistes, il reste un petit sous-groupe de nourrissons souffrant de bronchiolite qui pourraient répondre à des thérapies inhalées. Ceux qui sont infectés par le rhinovirus, au lieu du VRSH, pourraient répondre aux β2-agonistes, étant donné que les cellules T auxiliaires et les profils de cytokines (facteur nucléaire B et les interleukines 4 et 13) pourraient potentialiser la contraction des muscles lisses des voies respiratoires. Dans les infections par le VRSH, au contraire, on croit que les cellules T auxiliaires et les cytokines de type 2 et de type 17 sont davantage présentes et qu’elles réagissent moins aux β2-agonistes. Les enfants dont la bronchiolite est causée par le rhinovirus ont tendance à être plus âgés, et il est plus probable qu’ils aient des antécédents d’atopie par comparaison à ceux infectés par le VRSH, d’où la plus grande probabilité qu’ils répondent à des β2-agonistes inhalés13. Jusqu’à présent, les études n’ont pas réussi à définir précisément ce sous-groupe et d’autres ERC seront nécessaires pour ce faire.
Même s’il est convenu que les β2-agonistes ne sont pas indiqués pour le traitement de la bronchiolite, ils sont souvent administrés à de jeunes enfants. Dans une étude prospective de cohortes aux États-Unis auprès de 1016 patients de moins de 1 an inscrits dans 17 hôpitaux, 508 (50 %) ont reçu du salbutamol avant l’admission à l’hôpital14. Une autre étude rétrospective observationnelle portant sur 7 centres en Australie et en Nouvelle-Zélande signalait que parmi les 3546 dossiers examinés, entre 13,2 et 35,2 % des patients avaient reçu des β2-agonistes durant leur admission à l’hôpital, mais ces taux variaient selon le centre étudié15. Certains cliniciens croient que l’intervention en vaut la peine et ont préconisé l’essai d’un traitement aux β2-agonistes chez tous les nourrissons souffrant de bronchiolite, et ce, en se fondant sur l’idée que certains répondront aux β2-agonistes16. Dans un sondage auprès de 57 pédiatres qui traitaient la bronchiolite, De Brasi et ses collègues ont révélé que 21 (37 %) avaient prescrit des β2-agonistes parce qu’ils avaient détecté une amélioration après l’administration, 13 (23 %) en avaient prescrit en raison de la sévérité clinique de la maladie et 1 (2 %) voulait « juste faire quelque chose » en raison des pressions que les parents exerçaient, selon lui, pour qu’il administre un traitement17.
Conclusion
Les nourrissons souffrant de bronchiolite virale saisonnière ne devraient pas recevoir de β2-agonistes inhalés. Les traitements devraient être axés sur des soins de soutien, y compris l’hydratation et l’aspiration délicate des sécrétions nasales. Les patients présentant des signes de détresse respiratoire, de déshydratation ou d’hypoxie devraient être envoyés au service d’urgence pour une évaluation plus approfondie et une escalade des soins. D’autres ERC sont nécessaires pour déterminer s’il existe un sous-groupe de nourrissons qui devraient être traités avec des β2-agonistes inhalés.
Notes
Mise à jour sur la santé des enfants est produite par le programme de recherche en thérapeutique d’urgence pédiatrique (PRETx à http://www.pretx.org) du BC Children’s Hospital à Vancouver, en Colombie-Britannique. Le Dr David Greenky est membre du programme PRETx, et le Dr Goldman est directeur du programme PRETx. Le programme PRETx a pour mission de favoriser la santé des enfants en effectuant de la recherche fondée sur les données probantes en thérapeutique dans le domaine de la médecine d’urgence pédiatrique.
Avez-vous des questions sur les effets des médicaments, des produits chimiques, du rayonnement ou des infections chez les enfants? Nous vous invitons à les poser au programme PRETx par télécopieur, au 604 875-2414; nous y répondrons dans de futures Mises à jour sur la santé des enfants. Les Mises à jour sur la santé des enfants publiées sont accessibles dans le site web du Médecin de famille canadien (https://www.cfp.ca).
Footnotes
Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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