
Ce n’est que par le travail et l’effort douloureux […] que nous passons à de meilleures choses.
Theodore Roosevelt
En août 2022, ma précédesseure, la Dre Francine Lemire, et le Dr Brady Bouchard, alors président du CMFC, ont publié une lettre ouverte aux membres concernant la crise en médecine de famille1. Depuis, et tout au long de ma première année en tant que directeur général et chef de la direction, j’ai eu le privilège de collaborer avec le Conseil d’administration et l’équipe de direction du CMFC pour écouter + apprendre afin de rapporter des histoires et de proposer des solutions aux décideurs. Cet effort d’engagement a donné lieu à la présentation de l’« Ordonnance pour les soins primaires », publiée par le CMFC au printemps dernier2.
Depuis la rédaction de ce document, les élus ont promis un financement plus important, qui pourrait mener à une rémunération plus juste des médecins de famille et à un meilleur soutien aux soins en équipe. Les annonces de rémunération qui ont été faites à l’Île-du-Prince-Édouard, en Colombie-Britannique, à Terre-Neuve-et-Labrador, en Nouvelle-Écosse, en Saskatchewan et au Manitoba semblent aller vers la création de milieux de pratique plus favorables. Le gouvernement fédéral a également fait des « services de santé familiale » une priorité dans la conclusion d’ententes de soins de santé bilatérales avec les provinces et les territoires3.
Grâce à l’« Ordonnance pour les soins primaires », nous voyons des possibilités d’optimiser la prestation des soins primaires dans les groupes de fournisseurs tout en continuant à respecter l’expertise des médecins de famille2. Ces exemples ne représentent que le début du travail que les décideurs doivent faire pour garantir la viabilité de la médecine de famille et des soins primaires. Ces idées doivent prendre de l’ampleur pour remettre sur pieds notre système de santé.
Pour résoudre les crises, on a généralement recours à des solutions rapides : elles ont tendance à être facilement comprises et mises en œuvre. Il est également très courant de repousser les limites dans toutes les directions pour savoir quelles options pourraient convenir. Lorsque l’on est confronté à un problème complexe comme celui de la crise en médecine de famille, il faut examiner les choses en profondeur. Il faut reconnaître que les réponses simples et les idées brillantes ne sont pas nécessairement acceptables lorsque l’on prend le temps d’examiner la situation dans son ensemble.
Cette mentalité de recours à des solutions rapides s’est manifestée dans la crise actuelle sous la forme d’un jeu de chiffres. Elle se base sur l’idée qu’il existe une solution simple : augmenter le nombre de médecins de famille au Canada (formés au Canada et à l’étranger), notamment en élargissant le système de formation et d’évaluation, ce qui impliquerait de solliciter encore davantage des éducateurs en médecine de famille déjà surchargés. Cette approche simpliste comporte de nombreux pièges.
En tenant compte des aspects quantitatifs seulement, nous ignorons le qualitatif—par exemple, le fait que la nature fondamentale de la médecine de famille a changé au fil du temps et qu’il existe des possibilités de pratiquer la discipline de façon collaborative. Cela implique de dépasser les questions de concurrence et de remplacement, et d’adopter le travail en équipe. Il nous faut mieux comprendre les forces des différents professionnels des soins primaires et réfléchir à la meilleure façon de travailler ensemble.
Si l’on se base uniquement sur les chiffres, il y aurait par exemple beaucoup à faire pour simplifier l’intégration de diplômés internationaux en médecine dans le système. Ce processus devrait toutefois être mené de façon réfléchie et équitable pour s’assurer que les normes de formation sont satisfaites et que le Canada ne se contente pas de voler des médecins à d’autres pays qui sont également aux prises avec une pénurie de main-d’œuvre en santé.
Enfin, pour appuyer ma remarque précédente, il est important de souligner que l’augmentation du nombre de médecins dans un système défaillant nous conduirait à l’échec. Les décideurs doivent relever des défis systémiques plus larges en réorganisant les soins de santé, et en soutenant et en rémunérant les médecins de famille différemment. Depuis des décennies, notre système de santé est tenu à bout de bras par les médecins de famille : ils accomplissent tous les jours des miracles dans nos communautés et fournissent des efforts constants pour maintenir des normes élevées en matière de compétences et d’apprentissage permanent.
Au cours de cette dernière année, la déclaration par le CMFC d’une crise en médecine de famille a suscité des conversations animées. Pourtant, il n’existe pas de remède miracle pour résoudre la crise de façon immédiate. Il faudra travailler fort pour soutenir un système de soins primaires qui doit luimême bénéficier d’un financement adéquat. Nous devons aller au-delà des chiffres et ne pas nous laisser tromper par l’illusion des solutions rapides. Cette crise nécessite des changements exhaustifs et fondamentaux pour soutenir les membres du CMFC et leurs patients, aujourd’hui et demain.
Footnotes
Remerciements
Je remercie Eric Mang pour la révision de cet article. Merci également à l’équipe des Politiques en matière de santé et relations gouvernementales du CMFC pour son leadership et son travail, qui font avancer la défense des intérêts des médecins de famille partout au Canada.
This article is also in English on page 738.
Références à la page 738.
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