Question clinique
Quels sont les médicaments les plus efficaces pour gérer les comportements sexuels inappropriés (CSI) des personnes atteintes de démence qui résident en foyers de soins de longue durée (SLD)?
Résultats
Les comportements sexuels inappropriés dus à la démence causent des problèmes complexes aux résidents, à leur famille et au personnel des foyers de SLD. La prévalence des CSI chez les patients atteints de démence varie (de 1,8 à 25,0 %), mais ils sont plus communs chez les hommes et les personnes dont la démence est sévère1-3. Les interventions comportementales sont recommandées comme thérapie de première intention, mais les personnes qui vivent en SLD et qui ont des CSI ont souvent besoin d’une pharmacothérapie en raison des risques qu’elles posent pour les autres résidents. Malheureusement, la prise en charge pharmacologique des CSI n’a pas été étudiée en profondeur. Le présent article fait la synthèse des points saillants d’un article publié dans le Canadian Geriatrics Society Journal of CME, qui propose une approche exhaustive pour aborder ce problème épineux4.
Données probantes
Approche
Les comportements sexuels inappropriés peuvent entraîner des situations à risque élevé en SLD. De nombreux résidents en SLD ne sont pas capables d’appeler à l’aide, de consentir à des avances physiques de la part d’autres résidents ou de se protéger eux-mêmes contre des avances physiques non voulues5.
Les causes des CSI ne sont pas bien comprises. Les lobes frontaux, le cerveau limbique, l’hypothalamus et le striatum jouent un rôle dans le désir sexuel et la régulation du comportement, et ils sont souvent affectés par les troubles neurocognitifs6,7. Les traits de caractère et les besoins d’intimité antérieurs des résidents en SLD peuvent se combiner à la confusion, à la désinhibition et à la détérioration du jugement qui accompagnent la démence pour se manifester en CSI8.
Le traitement des CSI devrait commencer par une intervention comportementale non pharmacologique. Par ailleurs, étant donné la vulnérabilité de nombreux résidents et les difficultés liées à la supervision de résidents dans des espaces communs, de nombreuses personnes sont traitées par pharmacothérapie. Malheureusement, les données probantes en faveur des médicaments se fondent principalement sur des rapports de cas et des séries de cas, ainsi que sur certains petits essais randomisés contrôlés. Un résumé des études sur les médicaments se trouve au Tableau 12,5,6,8-41.
Données probantes sur la prise en charge pharmacologique des comportements sexuels inappropriés chez les patients atteints de démence et résidant en soins de longue durée
Mécanismes possibles
Antidépresseurs. Des antidépresseurs ont été utilisés pour traiter des patients ayant des CSI en raison de leurs effets sur la libido et de leur usage thérapeutique pour les paraphilies7. En outre, il est possible de tirer parti de leurs doubles indications pour contrer l’irritabilité, la dépression ou l’apathie, qui sont des symptômes courants de la démence11.
Antipsychotiques. On a posé comme hypothèse que les antipsychotiques étaient efficaces pour réduire les CSI en raison de leur activité de blocage de la dopamine42.
Anticonvulsivants. La gabapentine et la carbamazépine ont été utilisées pour traiter des patients ayant des CSI, mais leurs mécanismes d’action sont mal compris. La gabapentine peut entraîner une baisse de la libido, une dysfonction érectile et des difficultés à atteindre l’orgasme3. La carbamazépine a été associée à une baisse des niveaux de testostérone chez les femmes3.
Stabilisateurs de l’humeur. Dans 1 étude de cas, du lithium a été prescrit en combinaison avec de l’olanzapine à un homme de 69 ans ayant des antécédents de trouble bipolaire avec manie, ce qui a engendré une amélioration partielle5. Aucun commentaire n’a été offert sur les mécanismes d’action proposés ni d’indication à savoir si la manie était considérée comme un facteur contributif.
Hormonothérapie. La plupart des études de cas examinent l’hormonothérapie. La pharmacothérapie par acétate de médroxyprogestérone, acétate de cyprotérone, leuprolide ou œstrogène est théoriquement efficace pour les CSI, parce que ces agents réduisent les taux d’hormones lutéinisantes et d’hormones folliculostimulantes au niveau de l’hypophyse, et en fin de compte, diminuent les taux de testostérone sérique3,42.
Antihistaminiques et autres classes. Dans une petite série de cas, la cimétidine était utilisée en combinaison avec d’autres agents, y compris la spironolactone et le kétoconozole39. Il a été démontré que ces médicaments avaient une activité antiandrogénique non hormonale.
Inhibiteurs de la cholinestérase. Les inhibiteurs de la cholinestérase servent souvent à prendre en charge les symptômes comportementaux et psychologiques de la démence, mais leur efficacité n’a pas été démontrée dans la gestion des CSI et ils pourraient même accentuer les CSI, parce qu’ils peuvent être stimulants42.
Mise en application
Il faudrait d’abord envisager des causes aiguës et réversibles d’une nouvelle manifestation de CSI, notamment le delirium, l’effet de médicaments (surtout des agents dopaminergiques), la manie, la psychose, l’usage de substances et la confusion ultérieure à une crise d’épilepsie8,43. Si les CSI sont considérés à risque élevé et que le patient ne répond pas à des interventions comportementales ou environnementales, une approche pharmacologique pourrait alors être tentée.
Étant donné la faiblesse des données et les effets secondaires possibles des traitements, il serait raisonnable de choisir un antidépresseur comme approche de première intention. La sertraline, le citalopram ou l’escitalopram sont d’éventuelles options compte tenu de leurs profils d’innocuité acceptables chez les adultes plus âgés. Un autre agent de première ou deuxième intention chez les hommes ayant une hyperplasie bénigne de la prostate serait un inhibiteur de la 5-α-réductase comme le finastéride ou le dutastéride. La gabapentine pourrait être envisagée comme agent de deuxième ou troisième intention, en particulier à faibles doses de 100 mg prises, 2 ou 3 fois par jour.
Si une réponse plus immédiate est nécessaire, des antipsychotiques peuvent jouer un rôle. La rispéridone, l’olanzapine ou l’aripiprazole seraient des options raisonnables. Dans de tels cas, il faudrait envisager l’amorce d’une thérapie combinant un traitement de première intention plus sûr et un antipsychotique comme transition temporaire. Si les CSI se stabilisent, il faudrait tenter de déprescrire l’antipsychotique dans les quelques mois qui suivent.
Enfin, dans les cas réfractaires, il y a lieu d’envisager un agent hormonal comme l’acétate de médroxyprogestérone, l’acétate de cyprotérone, le leuprolide ou l’œstrogène. Étant donné les effets secondaires possibles de ces médicaments, une collaboration avec un psychiatre gériatrique pourrait s’avérer utile.
Puisqu’il s’agit d’une utilisation non indiquée sur l’étiquette de ces médicaments, nous suggérons une discussion des risques et des bienfaits avec le décideur substitut, assortie d’une documentation claire. La prise en compte des comorbidités du patient et des indications secondaires potentielles des médicaments (p. ex. agitation, dépression, hyperplasie prostatique bénigne) peut aider à orienter la thérapie. Comme toujours, la déprescription fait partie intégrante d’une bonne prescription. Si un médicament n’est pas efficace pour contrôler les symptômes après un essai raisonnable, il faudrait alors procéder à un sevrage progressif.
Notes
Les Perles gériatriques sont produites de concert avec le Canadian Geriatrics Society Journal of CME, une revue révisée par des pairs publiée par la Société canadienne de gériatrie (http://www.geriatricsjournal.ca). Les articles font la synthèse des données probantes tirées des articles publiés dans la revue Canadian Geriatrics Society Journal of CME et présentent des approches pratiques à l’intention des médecins de famille qui soignent des patients âgés.
Footnotes
Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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The English version of this article is available at https://www.cfp.ca on the table of contents for the October 2023 issue on page 687.
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