Abstract
Objectif Mettre en valeur les recommandations des lignes directrices de 2021 de la Société canadienne de thoracologie (SCT) pour les adultes et les enfants de 12 ans et plus, et aborder les controverses entourant leur actualisation.
Sources de l’information Les lignes directrices de 2021 de la SCT sur l’asthme.
Message principal L’asthme est un problème souvent rencontré en soins primaires. Un mauvais contrôle des symptômes et les exacerbations contribuent considérablement à la morbidité. Au cours des dernières années, les lignes directrices de pratique clinique ont eu tendance à préconiser un traitement plus intense de l’asthme très léger et léger dans le but d’optimiser la maîtrise des symptômes et de réduire les exacerbations. Il faut tenir compte du risque d’exacerbations, de l’ampleur des symptômes d’asthme, des degrés d’adhésion et du coût du traitement dans le choix d’une thérapie pour les patients atteints d’un asthme très léger et léger.
Conclusion Cet article a pour but de passer brièvement en revue les données probantes et les justifications qui sous-tendent les options de traitement dans les lignes directrices de la SCT, pour aider les médecins à prendre des décisions centrées sur le patient.
Selon les estimations, l’asthme affecte 10,8 % de tous les Canadiens1. De ce nombre, de 20 à 28 % sont traités seulement avec un β-agoniste à courte durée d’action (BACA), que leur asthme soit ou non bien contrôlé2. Les patients dont les symptômes sont bien contrôlés (Tableau 1)3 en prenant seulement un BACA sont considérés comme ayant un asthme très léger. En 2021, la Société canadienne de thoracologie (SCT) a actualisé ses lignes directrices sur l’asthme pour tenir compte de nouvelles données probantes sur le traitement des patients souffrant d’un asthme très léger et léger3,4. Cet article explore les nouvelles recommandations pour les adultes et les enfants de 12 ans et plus, et aborde certaines des controverses entourant cette actualisation.
Critères d’un asthme bien contrôlé
Description du cas
Clark est un homme de 37 ans qui se présente à votre clinique de pratique familiale pour faire renouveler son ordonnance d’inhalateur de salbutamol. Il avait auparavant reçu une prescription de corticostéroïdes inhalés (CSI) qu’il n’utilise pas. Il est principalement symptomatique en été, lorsqu’il tond le gazon. Il ressent des symptômes diurnes moins de 3 fois par semaine, n’a pas de symptômes la nuit et n’est pas limité dans ses activités physiques. Son diagnostic d’asthme a été confirmé il y a plusieurs années à la suite d’un test de provocation à la méthacholine, et les résultats de sa plus récente spirométrie ont révélé que son volume expiratoire maximal à la première seconde (VEMS1) se situe dans la marge de 90 % de ses meilleurs résultats. Il ne fume plus depuis 3 ans. Bien que des infections des voies respiratoires supérieures aient tendance à causer chez Clark une toux prolongée, il n’a jamais eu besoin de prendre des corticostéroïdes par voie orale pour traiter une exacerbation. Vous passez en revue son dossier médical provincial et vous confirmez que son dernier renouvellement de salbutamol remonte à près de 1 an. Il n’a pas d’assurance médicaments privée. Devriez-vous seulement renouveler sa prescription de salbutamol, l’informer de l’importance de se conformer à un CSI chaque jour ou lui prescrire plutôt un inhalateur de budésonide-formotérol?
Sources de l’information
Les lignes directrices actualisées en 2021 de la SCT ont été passées en revue.
Message principal
Une importante mise à jour dans les lignes directrices de 2021 met l’accent sur la façon de déterminer si un CSI devrait être recommandé pour les patients dont l’asthme est très léger. On se base maintenant sur le risque d’exacerbations de l’asthme. Les patients sont considérés comme étant à risque plus élevé s’ils répondent aux critères énoncés à l’Encadré 14.
Évaluation du risque d’exacerbations graves
Les personnes qui présentent l’un ou l’autre de ces facteurs de risque sont à risque plus élevé d’une exacerbation sévère de leur asthme*.
Tout antécédent d’exacerbation sévère de l’asthme (exigeant l’une ou l’autre des interventions suivantes : stéroïdes systémiques, visite au DU ou hospitalisation)
Asthme mal contrôlé selon les critères de la SCT
Surutilisation de BACA (définie comme le recours à plus de 2 inhalateurs de BACA durant une année)
Tabagisme actuel
BACA—β-agoniste à courte durée d’action, DU—département d’urgence, RC—rapport de cotes, SCT—Société canadienne de thoracologie.
* Ces facteurs de risque ont été choisis en se fondant sur un RC de >1,5 pour les exacerbations sévères, la certitude de l’effet et la facilité de les utiliser en pratique clinique.
Adapté à partir de l’actualisation en 2021 des Lignes directrices de la SCT sur le diagnostic et la prise en charge des enfants d’âge préscolaire, des enfants et des adultes, avec l’aimable permission de la SCT4.
Clark se conforme aux critères d’un patient atteint d’un asthme très léger à plus faible risque d’exacerbations. Parmi les options pour de tels patients figurent la continuation d’un BACA au besoin, l’amorce d’un CSI par jour plus un BACA au besoin, ou la cessation du BACA et l’adoption d’un inhalateur de budésonide-formotérol au besoin. Des données probantes de certitude modérée à faible indiquent qu’un CSI par jour ou un inhalateur de budésonide-formotérol sont respectivement supérieurs au BACA3,4, d’où la recommandation d’utiliser un processus de décision partagée qui tient compte de l’impact sur les symptômes de l’asthme, du degré d’adhésion et du coût du traitement.
Controverse. En 2019, la Global Initiative for Asthma recommandait de remplacer le BACA au besoin par un CSI-formotérol au besoin comme thérapie de secours pour tous les patients asthmatiques5, laissant ainsi place au débat visant à savoir si les patients ayant un asthme très léger devraient encore se voir offrir l’option d’une monothérapie avec un BACA. La surutilisation d’un BACA est associée à des issues moins favorables5, en raison d’une tachyphylaxie due au BACA ou encore du fait que la surutilisation d’un BACA est un marqueur de substitution pour un asthme mal maîtrisé. Une étude publiée en 2020 faisait valoir que l’utilisation de plus de 2 inhalateurs de BACA par année était associée à un risque accru d’exacerbations et de décès, proportionnellement à la dose6. Des données probantes bien établies indiquent aussi que le recours à un CSI réduit le risque d’exacerbations de l’asthme3. Par ailleurs, à la suite d’une revue des données et en raison de l’absence d’essais (p. ex. des études comparant un CSI ou un CSI et des β-agonistes à longue durée d’action avec une monothérapie avec un BACA) se penchant sur les patients dont l’asthme est très léger, la SCT a choisi de garder le BACA au besoin dans le continuum des thérapies possibles. Les patients dont les symptômes se manifestent moins de 2 fois par semaine peuvent quand même être à risque accru d’exacerbations de l’asthme et, théoriquement, pourraient bénéficier d’une plus grande réduction du risque absolu d’exacerbations avec un CSI. Par conséquent, la recommandation de la SCT est d’évaluer le risque individuel du patient à l’aide des critères énoncés à l’Encadré 14.
La SCT a choisi de maintenir le BACA comme option chez des patients choisis avec soin en raison des coûts plus élevés des traitements avec des CSI, du plus grand nombre de sujets à traiter pour prévenir une exacerbation chez les patients à plus faible risque, de l’absence d’une analyse de rentabilité comparant les CSI et la monothérapie avec un BACA chez les patients dont l’asthme est très léger et à plus faible risque d’exacerbations, et de la sous-représentation de tels patients dans les essais cliniques3.
De retour à Clark
Après avoir discuté avec Clark des options thérapeutiques, il choisit de continuer avec un BACA en raison des coûts moins élevés. Vous lui prescrivez 1 inhalateur et 1 renouvellement d’ordonnance.
Clark revient à votre clinique 8 mois plus tard pour renouveler sa prescription de BACA. Il vit présentement un divorce et a récemment recommencé à fumer pour l’aider à composer avec le stress. Selon lui, son asthme est bien contrôlé, mais vous apprenez qu’il se réveille maintenant la nuit en toussant et qu’il a des symptômes d’essoufflement 3 fois par semaine en moyenne qu’il soulage parfois en utilisant son BACA. Ses récents tests de spirométrie continuent de révéler que son VEMS1 se situe dans la marge de 90 % de ses meilleurs résultats, mais en examinant son dossier médical électronique, vous voyez qu’il a récemment rempli 2 autres ordonnances d’inhalateur de BACA obtenues d’une clinique sans rendez-vous, en plus de ceux que vous lui aviez prescrits. Devriez-vous lui offrir de continuer avec un BACA au besoin, lui prescrire un CSI par jour et lui recommander de prendre d’abord du BACA pour dilater ses poumons, lui prescrire un CSI par jour avec un BACA au besoin ou lui prescrire un inhalateur de budésonide-formotérol au besoin?
La prescription d’un CSI par jour et d’un BACA au besoin ou la prescription d’un inhalateur de budésonide-formotérol au besoin sont des approches acceptables. La première option n’est pas recommandée pour Clark, parce que son asthme est mal contrôlé (Tableau 1)3 et qu’il est à risque accru d’exacerbations (Encadré 1)4. La deuxième option n’est pas non plus recommandée, parce que l’utilisation systématique d’un BACA avant l’administration prévue du CSI augmente le risque d’exacerbations.
De récentes études continuent de démontrer que, même si la plupart des Canadiens jugent que leur asthme est bien maîtrisé, de 53 à 90 % d’entre eux répondent à 1 ou plusieurs critères d’un asthme mal contrôlé7,8. De plus, il est possible que ces symptômes « bien contrôlés » soient le résultat d’une surutilisation d’un BACA. En raison de ce problème, les lignes directrices insistent maintenant davantage sur la prévention des exacerbations plutôt que sur le simple traitement des symptômes, même chez les patients dont les symptômes sont bien contrôlés. Dans le cas de Clark, il y a 3 facteurs de risque majeurs d’exacerbations : son asthme est mal contrôlé, il fume et il utilise ses BACA de manière excessive.
Devriez-vous prescrire un CSI par jour et un BACA au besoin ou encore un inhalateur de budésonide-formotérol au besoin? Des données probantes tirées d’essais cliniques randomisés font valoir des taux semblables d’exacerbations avec un CSI par jour et un CSI-formotérol au besoin, un meilleur contrôle des symptômes avec un CSI par jour, et des améliorations modestes, mais statistiquement significatives, avec le VEMS1 dans les groupes avec du budésonide au quotidien par rapport aux groupes prenant un CSI-formotérol (différence moyenne=32,6 mL [IC à 95 % de 11,4 à 53,7 mL])9,10. Il importe de signaler que les taux d’adhésion au budésonide par jour dans ces études se situaient respectivement à 62,8 et 78,9 %. Il n’est pas possible de déterminer si une meilleure conformité aurait pu produire de meilleurs résultats chez les participants dans le groupe prenant un CSI par jour; quoi qu’il en soit, la faible adhésion aux thérapies prescrites est une réalité de la pratique clinique. Dans un essai pragmatique ouvert dans lequel le taux d’adhésion au CSI par jour n’était que de 56 %, même si le taux relatif d’exacerbations chez les patients dans le groupe prenant du budésonide-formotérol n’était pas significativement différent de celui du groupe des patients prenant un CSI par jour (1,12; IC à 95 % de 0,70 à 1,79; p=,65), il s’est produit moins d’exacerbations sévères chez les patients dans le groupe du budésonide-formotérol au besoin que dans le groupe prenant un CSI au quotidien (9 c. 21; risque relatif=0,44; IC à 95 % de 0,20 à 0,96)11.
Sur le plan du rapport coût-efficacité, les inhalateurs de budésonide-formotérol au besoin semblent supérieurs aux CSI par jour plus un BACA au besoin à l’échelle de la population du Canada, notamment des économies de coûts supplémentaires estimées à 9882 $ par patient sur 50 ans; en revanche, pour les patients à titre individuel, la mise de fonds initiale est d’environ 47 $ de plus pour des inhalateurs de budésonide-formotérol12.
Pour la prévention des exacerbations, un CSI par jour et le budésonide-formotérol au besoin sont tout aussi efficaces, et la SCT ne recommande pas l’un plutôt que l’autre chez les patients dont les symptômes d’asthme sont bien contrôlés. En raison du contrôle des symptômes amélioré avec l’utilisation des CSI au quotidien, la recommandation de la SCT pour un patient comme Clark serait un CSI par jour plus un BACA au besoin. S’il ne se conformait pas au traitement quotidien avec un CSI en dépit d’une éducation adéquate sur l’asthme et d’un soutien approprié, l’option à privilégier serait un inhalateur de budésonide-formotérol, quel que soit le contrôle des symptômes.
Lorsqu’un CSI est recommandé, il importe que les cliniciens encouragent l’adhésion à la thérapie et renseignent les patients sur la justification de son utilisation. Si les patients traités par une thérapie d’entretien avec un CSI ne s’y conforment pas malgré une éducation adéquate, il est judicieux de changer leurs inhalateurs de secours par une combinaison d’un CSI et de formotérol pour assurer qu’ils reçoivent des doses suffisantes de CSI tout en prévenant une surutilisation des BACA.
Résolution du cas
Vous optez pour que Clark commence le budésonide à faible dose une fois par jour et qu’il continue avec le BACA au besoin. Vous lui conseillez d’arrêter de fumer, et pour l’inciter à cesser, vous discutez de la possibilité de réduire le traitement s’il arrête. Vous lui donnez un rendez-vous de suivi dans 1 mois pour réévaluer ses symptômes et son adhésion au traitement.
Conclusion
Le traitement et la prévention chez les personnes souffrant d’asthme très léger et léger exigent une communication franche et une prise de décision partagée entre les patients et les cliniciens. Lorsqu’un traitement est envisagé pour des patients dont les symptômes sont bien contrôlés et que l’asthme est très léger, il faut s’assurer d’évaluer leurs risques sous-jacents d’une exacerbation, l’intensité de leurs symptômes d’asthme et le coût du traitement.
Notes
Points de repère du rédacteur
▸ Les personnes dont les symptômes d’asthme sont bien contrôlés peuvent quand même courir un risque d’exacerbations de la maladie. Il faut évaluer si un patient est à risque plus élevé avant de lui prescrire un β-agoniste à courte durée d’action (BACA).
▸ Dans le choix de la thérapie appropriée chez les patients qui prennent des BACA, et qui ont des symptômes bien contrôlés et un asthme léger, il faut tenir compte de leur risque sous-jacent d’exacerbations, de l’intensité de leurs symptômes d’asthme, de leur degré d’adhésion et du coût du traitement.
▸ Chez les patients à risque plus élevé d’exacerbations, il est recommandé de prendre un corticostéroïde inhalé une fois par jour et un BACA au besoin, ou encore un inhalateur de budésonide-formotérol au besoin.
▸ Chez ceux qui prennent un BACA, mais dont les symptômes sont mal contrôlés, il y a lieu de prescrire un corticostéroïde inhalé une fois par jour plus un BACA au besoin. Par ailleurs, un inhalateur de budésonide-formotérol est à privilégier chez ceux qui ne se conforment pas bien au traitement quotidien.
Footnotes
Collaborateurs
Tous les auteurs ont contribué à la revue de la littérature scientifique et à la préparation du manuscrit aux fins de soumission.
Intérêts concurrents
Les Drs Mark E. Waite et Connie L. Yang faisaient partie du Comité des lignes directrices de la Société canadienne de thoracologie sur l’asthme léger. Le Dr Mark E. Waite a antérieurement reçu des honoraires d’expert-conseil de Sanofi Pasteur. La Dre Connie L. Yang est clinicienne chercheuse dans des études parrainées par GSK et Boehringer Ingelheim.
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Cet article a fait l’objet d’une révision par des pairs.
This article is also in English on page 829.
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