Question clinique
Comment prendre en charge de manière optimale la bronchiolite chez les nourrissons, tout en évitant les traitements et les examens inutiles?
Résultats
La bronchiolite est la maladie respiratoire virale la plus courante durant l’enfance, fréquemment rencontrée en milieux de soins primaires. La pharmacothérapie, les radiographies thoraciques et les analyses de laboratoire systématiques n’ont démontré aucun bienfait dans sa prise en charge et, pourtant, les cliniciens prescrivent souvent des interventions non éprouvées qui n’ont aucun impact sur la trajectoire de la maladie. Les cliniciens ressentent souvent la nécessité de « faire quelque chose » devant ces nourrissons et leurs parents inquiets, surtout s’il subsiste une incertitude diagnostique. Les cliniciens devraient se concentrer sur l’éducation des familles, ce qui signifie d’aider les parents à prendre en charge les symptômes et à détecter les signaux d’alerte qui justifient une évaluation plus approfondie. Des outils sont accessibles pour aider les cliniciens et les familles à comprendre ce qu’ils peuvent faire et à ne pas recourir à des interventions non fondées sur des données probantes.
Description du cas
Tasha est une enfant de 9 mois auparavant en santé et entièrement vaccinée qui vous est amenée en consultation en raison d’une toux et d’une respiration sifflante depuis 1 journée. Son nez coulait depuis 3 jours, et ses frères et sœurs souffrent des mêmes symptômes. Elle s’hydrate bien et son débit urinaire est normal, mais elle a moins d’appétit. Son père souffre d’asthme. Pendant que vous parlez à son père, vous remarquez que Tasha est enjouée et interactive. Elle se montre irritable à l’examen, mais est facilement consolée. Sa fréquence respiratoire est de 35 à la minute et sa température est de 38°C. Votre clinique ne dispose pas d’un oxymètre qui mesure avec exactitude la saturation chez les enfants. Ses membranes muqueuses sont humides et elle a une rhinite aiguë. L’examen du thorax révèle un léger tirage sous-costal et, à l’auscultation, vous remarquez une bonne entrée d’air, ponctuée de respirations sifflantes et de râles crépitants.
Données probantes
La bronchiolite est une infection respiratoire virale qui touche principalement les enfants de moins de 2 ans. Elle est habituellement causée par le virus respiratoire syncytial, quoique d’autres virus puissent en être responsables. Le diagnostic se fonde exclusivement sur l’évaluation clinique1. Des données convaincantes indiquent que la pharmacothérapie ne modifie pas l’évolution naturelle de la maladie2, et que les radiographies thoraciques et les analyses en laboratoire entraînent un recours inutile aux antibiotiques et aux hospitalisations3,4. En dépit de lignes directrices nationales bien établies qui découragent l’utilisation d’une prise en charge non fondée sur des données probantes1,5, la bronchiolite demeure une source fréquente de dépenses inutiles et d’une surutilisation des ressources en soins de santé6. Une étude publiée en 2019 a démontré qu’en Australie, la conformité aux lignes directrices sur la bronchiolite en contexte ambulatoire se situait à 52,3 %7. Une autre étude rétrospective multicentrique de cohortes réalisée dans divers pays, dont le Canada, a fait valoir que seulement 48,3 % des nourrissons vus dans un département d’urgence avaient reçu un traitement entièrement fondé sur des données probantes8. Choisir avec soins Canada est actuellement la voie nationale en faveur de la réduction des examens et des traitements inutiles au Canada9.
Approche envers les patients
Diagnostic. La bronchiolite est un diagnostic clinique. Elle se présente habituellement chez les nourrissons de 0 à 24 mois, sous forme de prodrome de maladie des voies respiratoires supérieures; elle peut causer des sifflements ou des râles crépitants bilatéraux, une plus grande difficulté à respirer (geignement respiratoire, battement des ailes du nez, rétractions) ou une fréquence respiratoire accrue. Aucune investigation n’est nécessaire pour poser le diagnostic, que ce soit une radiographie thoracique ou des analyses de laboratoire, comme l’indique la Société canadienne de pédiatrie1, qu’importe si le nourrisson est vu au début, au milieu ou à la fin de la maladie, et même si le tout-petit continue de tousser après quelques semaines.
Les diagnostics différentiels dont il faut tenir compte sont l’asthme (qui ne peut pas être diagnostiqué avec exactitude chez les enfants de moins de 12 mois, mais qui peut être envisagé chez ceux qui ont des antécédents d’atopie ou de respirations sifflantes récurrentes)10, la pneumonie (constatations unilatérales, fièvre >39°C), le croup (stridor ou toux rauque), l’aspiration d’un corps étranger (signe unilatéral, aucun prodrome) ou la laryngomalacie (stridor lors de changements de position).
Les nourrissons à risque plus élevé de maladie grave sont ceux qui sont nés à moins de 35 semaines de gestation, ont moins de 3 mois, ont une maladie cardiopulmonaire importante sur le plan hémodynamique ou sont immunodéficients1.
Détermination de la sévérité et modalités de prise en charge. Le Tableau 1 présente les caractéristiques cliniques des patients souffrant d’une bronchiolite légère, modérée et sévère, ainsi que les approches appropriées pour leur prise en charge1.
Approche de prise en charge de la bronchiolite en fonction de la sévérité de la maladie
Ce qu’il faut faire. Une prise en charge de soutien comporte les éléments suivants :
Assurer une hydratation suffisante : encourager les familles à nourrir le nourrisson souvent et en petites quantités1,11.
Aspirer les voies nasales : l’aspiration des narines avec un dispositif en vente libre peut être bénéfique, surtout avant les repas11.
Gérer la fièvre : le réseau Partage des connaissances pédiatriques en urgence recommande de traiter la fièvre avec des antipyrétiques12.
Responsabiliser la famille : fournir à la famille des ressources pour la prise en charge à domicile et des instructions précises quant aux situations où il faut consulter à nouveau13,14.
Se référer à la trousse d’outils sur la bronchiolite de Choisir avec soin Canada11 et y recourir.
Suivi : Assurer un suivi rapproché au besoin.
Ce qu’il ne faut pas faire.
Ne pas mesurer la saturation en oxygène si le patient semble bien et a une maladie bénigne15.
Ne pas prescrire systématiquement d’hémogramme, à moins que ce soit cliniquement indiqué (p. ex. déshydratation, jeune nourrisson fébrile)12.
Ne pas prescrire de salbutamol, de corticostéroïdes (par voie inhalée ou orale) ou d’épinéphrine1,11,14.
Ne pas prescrire de tests complets de détection des virus respiratoires1,11.
Mise en application
Les cliniciens continuent d’utiliser des stratégies de prise en charge non éprouvées par des données probantes pour traiter des patients souffrant de bronchiolite pour diverses raisons. La compréhension des obstacles à la pratique fondée sur des données probantes et des façons de les surmonter peut les aider à réduire leur recours à ces approches en soins primaires, comme il est décrit au Tableau 210,14,16.
Stratégies pour surmonter les obstacles à la prise en charge fondée sur des données probantes de la bronchiolite
Pour les patients et leur famille, installez des affiches éducatives dans votre salle d’attente et envoyez des courriels ciblés avant la « saison » des bronchiolites (p. ex. de novembre à mars) contenant des renseignements pertinents et des ressources pour les aidants. Des renseignements sur la bronchiolite peuvent aussi être affichés dans le site Web de votre clinique, de votre hôpital ou de votre équipe de soins de santé. Pour le personnel, offrez des séances éducatives et entreprenez des initiatives d’amélioration de la qualité pour combler d’éventuelles lacunes à cet égard.
Résolution du cas
Tasha a reçu un diagnostic clinique de bronchiolite légère. L’asthme est moins probable dans son groupe d’âge, même si l’enfant a des antécédents familiaux d’asthme. Vous avez remis à son père des renseignements sur la prise en charge de la bronchiolite, vous l’avez encouragé à nourrir Tasha de façon fréquente et en petites portions, et vous lui avez conseillé de surveiller la quantité d’urine excrétée. Tasha n’a pas eu besoin d’examens ou de traitements, comme la mesure de sa saturation en oxygène ou du salbutamol. Lorsque vous l’avez revue pour un suivi 2 jours plus tard, sa respiration s’était améliorée et elle avait continué d’avoir un bon débit urinaire. Vous avez conseillé à ses patients de revenir au besoin pour un suivi.
Conclusion
Les nourrissons atteints d’une bronchiolite se présentent souvent en milieux de soins primaires, et les professionnels de la santé ressentent souvent de la pression à prescrire des interventions non éprouvées par des données probantes. Cet article présente des renseignements et des outils pour aider les cliniciens et les familles à se concentrer sur la prise en charge des symptômes, à éviter les interventions non éprouvées scientifiquement et à comprendre les signaux d’alerte qui justifient une évaluation plus approfondie.
Notes
Choisir avec soin Canada est une campagne visant à aider les cliniciens et les patients à entamer un dialogue au sujet des examens, des traitements et des interventions inutiles, et à prendre des décisions judicieuses et efficaces pour assurer des soins de grande qualité. Jusqu’à présent, on compte 13 recommandations portant sur la médecine familiale, mais de nombreuses recommandations concernant d’autres spécialités s’appliquent à la médecine familiale. Les articles produits par Choisir avec soin Canada publiés dans Le Médecin de famille canadien portent sur des sujets pertinents à la médecine familiale et dans lesquels des outils et des stratégies ont été utilisés pour mettre en œuvre une des recommandations et amorcer une prise de décision partagée avec les patients. Si vous êtes un professionnel ou un stagiaire en soins primaires et que vous avez suivi des recommandations ou utilisé des outils de Choisir avec soin dans votre pratique et que vous aimeriez partager votre expérience, veuillez communiquer avec nous à info{at}choosingwiselycanada.org.
Footnotes
Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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The English version of this article is available at https://www.cfp.ca on the table of contents for the December 2023 issue on page 845.
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