Se réunir est un début, rester ensemble est un progrès, travailler ensemble est un succès.
Edward Everett Hale
Il y a près de 6 millions de patients orphelins au Canada malgré un plus grand nombre de médecins par habitant jamais vu1,2. À première vue, ce ne sont pas les chiffres qui posent problème. Peut-être si nous cessions de penser qu’il faut plus de places dans les facultés de médecine, plus de postes en résidence et plus de diplômés internationaux, nous rapprocherions-nous d’une solution à la crise des soins primaires?
Plusieurs facteurs entrent en compte. En effet, les soins et le système de santé se font plus complexes. Les médecins de famille passent plus de temps à fournir des services supplémentaires à chaque patient, tout en les aidant à s’orienter dans un système de santé complexe et fragmentaire. Résultat: les médecins de famille ne peuvent pas voir autant de patients que par le passé.
Certains médecins de famille délaissent les soins complets et longitudinaux pour des domaines comme les soins d’urgence et les soins hospitaliers, qui permettent de soigner les patients, mais dans un cadre bien soutenu où ils bénéficient de l’appui d’une équipe et n’ont pas à s’acquitter de frais généraux, où leur fardeau administratif est plus léger et où ils sont mieux rémunérés. D’autres, épuisés, quittent la pratique à temps plein pour un meilleur équilibre travail-vie.
Par conséquent, le problème n’est pas tant le nombre de médecins de famille que la façon dont ils exercent la profession et le soutien dont ils bénéficient.
Une piste de solution à la crise en médecine de famille au Canada serait les soins en équipe, un élément clé de la vision du Centre de médecine de famille. Selon ce modèle, les médecins de famille travaillent de façon interdépendante avec une équipe de professionnels de la santé pour fournir des soins de qualité à une communauté de patients.
Une équipe de soins bien ficelée peut améliorer l’accès et la qualité des soins centrés sur le patient, en plus de réduire les temps d’attente3. Cette solution permettrait à la population vieillissante de demeurer à domicile plus longtemps grâce au soutien d’équipes de soins qui répondent aux besoins des patients de façon concertée et coordonnée dès que surviennent des problèmes de santé4. Du point de vue financier, on réduirait les visites à l’urgence et les réhospitalisations, en plus de favoriser le dépistage précoce et la prévention des maladies. Pour les professionnels de la santé, cette façon de travailler s’avérerait plus satisfaisante pour eux ainsi que pour leurs patients3.
Le déploiement des soins en équipe a connu un succès variable au pays, car ce n’est pas inné pour la plupart des praticiens. Plusieurs provinces ont mis en place des cliniques multidisciplinaires, mais les médecins de famille et les autres professionnels de la santé travaillent toujours en silos, ce qui entraîne un dédoublement des services et des failles dans les soins.
Pour assurer la réussite de ce type de soins, les équipes et leurs membres ont besoin d’encadrement et de soutien. Ceci étant dit, selon le rapport de la Commission Romanow de 2002 sur l’avenir la santé au Canada5, la collaboration interprofessionnelle est importante, mais la formation interprofessionnelle l’est tout autant. Nous devons apprendre ensemble pour travailler ensemble. Bien que la formation interprofessionnelle6 fasse partie des normes d’agrément de plusieurs professions de la santé au Canada et ait été intégrée aux programmes d’études, les occasions d’apprentissage par la pratique demeurent limitées. La plupart des diplômés sont donc mal outillés pour le travail en équipe7.
Les membres de l’équipe doivent bénéficier d’occasions de nouer des liens mutuels de confiance et de respect. Ils ont besoin de temps pour se familiariser avec la formation, les compétences et les limites professionnelles de leurs collègues8. Les équipes ont aussi besoin d’un système bien construit; de personnel administratif; d’outils de communications et de dossiers médicaux électroniques compatibles; d’un modèle clinique qui favorise les réunions d’équipe et les soins collaboratifs; la prescription sociale; des réseaux de services communautaires; et des modes de rémunération harmonisés.
Enfin, nous devons considérer les équipes comme fluides et en constante évolution. Elles s’adaptent au contexte, aux besoins des patients et aux ressources disponibles. La mise en œuvre d’équipe de soins efficaces requiert un soutien continu ainsi que du temps. Il nous faut nous concentrer sur la refonte du système, et non sur l’ajout de travailleurs de la santé.
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