La Tribune aux idées audacieuses du Forum en médecine familiale (FMF) met en évidence des concepts qui pourraient faire une différence dans la pratique clinique, le perfectionnement professoral, l’éducation postdoctorale ou prédoctorale, les soins aux patients et leurs résultats ou les politiques en matière de santé. Cette séance offre aux innovateurs une occasion de faire connaître de nouvelles idées, des réflexions novatrices, et des développements en plein envol qui sont susceptibles de faire démarrer des changements. Les idées présentées au FMF sont choisies en fonction des notes accordées par des réviseurs. Les innovateurs sont invités à participer à la séance de la Tribune aux idées audacieuses pour présenter et défendre leurs idées. La participation de l’auditoire permet de classer les meilleures propositions. Voici les meilleures idées présentées au FMF de 2022.
Concevoir un programme de mentorat en soins de santé durables (meilleure note)
La plupart des médecins canadiens (environ 90 %) se préoccupent du changement climatique, et plus de 75 % comprennent qu’il entraînera des répercussions considérables sur la santé des Canadiens1. Dans une étude internationale réalisée en 2021, les participants mentionnaient que le manque de connaissances, le manque de temps et, dans une moindre mesure, des préoccupations quant à la possibilité que de tels efforts fassent une différence en tant qu’obstacles à une mobilisation avec la population à propos des liens entre le changement climatique et la santé2. Comment combler les lacunes de manière à faire en sorte que les médecins de famille puissent apporter des changements dans leurs pratiques pour contribuer à un système de santé plus durable? Comment le faire à la vitesse et dans la mesure voulues pour répondre à l’urgence climatique dans notre contexte actuel d’épuisement professionnel des médecins, de priorités concurrentes, et de modèles diversifiés de cliniques de médecine familiale et de pratiques ayant différents niveaux de soutien administratif? Il existe déjà de nombreuses trousses d’outils et ressources, de même que des chefs de file en médecine familiale qui possèdent cette expertise. Notre hypothèse est que pour réellement implanter de tels changements dans l’ensemble diversifié des cliniques de médecine familiale, il faut du temps, des efforts sur le plan administratif, de l’expertise et, surtout, du soutien financier.
Nous proposons la création d’un programme exhaustif de mentorat en soins de santé durables à l’intention des cliniques de médecine familiale pour les appuyer, et pour atténuer le temps nécessaire et les obstacles à la mise en œuvre. Le programme offrirait aux cliniques intéressées un mentorat en soins de santé durables, et un accès à de la formation et à des ressources financières ciblées pour les aider à apporter les changements les plus efficaces dans leurs situations particulières. Chaque clinique recevrait une aide pour produire un menu d’améliorations et de changements visant à réduire son empreinte carbone et à implanter ces initiatives. Les résultats seraient mesurés par la rétroaction exprimée dans un sondage auprès des cliniques participantes, et par la réduction de l’empreinte carbone obtenue à la suite de l’implantation des changements par la clinique en cause.
Footnotes
Intérêts concurrents
Aucun déclaré
La prescription sociale pour répondre aux besoins sociaux en médecine familiale
Les médecins de famille s’occupent de personnes dont les besoins médicaux et sociaux sont de plus en plus complexes et qui se chevauchent. Les facteurs sociaux qui influent sur la santé ont été particulièrement exacerbés durant la pandémie de la COVID-19, notamment l’insécurité alimentaire et du logement, l’isolement et la solitude, de même que le déclin de la santé mentale. Simultanément, les cliniciens ressentent souvent qu’ils sont mal préparés et peu soutenus dans la réponse aux besoins sociaux. La prescription sociale réunit les modèles sociaux et médicaux de la santé, et traite les personnes d’une manière plus attentive et avec plus de compassion en transformant la question « qu’est-ce qui vous arrive? » en « qu’est-ce qui vous importe? ». À l’instar des prescriptions médicales, les prescriptions sociales devraient émaner des relations fondamentales qu’entretiennent les médecins de famille avec les personnes et les communautés, miser sur les atouts du bénéficiaire et du clinicien, et comporter un traçage et un suivi1.
La prescription sociale repose sur une base de données probantes canadiennes et internationales en plein essor. Parmi les exemples récents de la mesure de ses répercussions figure Rx : Communauté2, un projet de recherche inédit sur la prescription sociale en Ontario. Effectué par l’Alliance pour des communautés en santé, ce projet expérimental regroupait 11 centres de santé communautaire des 4 coins de la province, notamment 147 professionnels de la santé, 1101 patients, 71 promoteurs de la santé et 58 programmes conçus par des promoteurs de la santé. À la suite du programme, les patients ont signalé des améliorations dans leur bien-être mental et leur capacité de gérer leur propre santé, moins de solitude, et un plus grand sentiment de connexion et d’appartenance. Les professionnels de la santé étaient d’avis que la prescription sociale était utile pour améliorer le bien-être et réduire les visites répétées, et ils ont mentionné l’importance d’avoir un navigateur désigné. Dans l’ensemble, la prescription sociale a permis une intégration plus approfondie des soins cliniques, des équipes interprofessionnelles et des mécanismes de soutien social, de même qu’une augmentation de la capacité communautaire grâce à une conception conjointe des programmes. La prescription sociale peut transformer la façon dont nous répondons aux besoins sociaux en médecine familiale.
Footnotes
Intérêts concurrents
Le Dr Dominik Alex Nowak a reçu des honoraires ou des frais de consultation de l’Alliance pour des communautés en santé, d’Inforoute Santé du Canada, du Centre for Effective Practice, du Collège des médecins de famille de l’Ontario, de l’Ontario Medical Association et de TELUS.
Références
La pensée complexe devrait être un fondement de la médecine familiale
En réfléchissant à votre travail, combien de fois vous êtes-vous rendu compte qu’il est « désordonné »? En tant que généralistes, nous composons régulièrement avec la complexité et, pourtant, nous pensons rarement à notre travail en ces termes. Cela est problématique, parce que les systèmes adaptatifs complexes, comme les êtres humains, les communautés, les services de santé et ainsi de suite, se comportent souvent de manières si inattendues et interconnectées qu’elles sont difficiles à prédire à l’aide seulement des moyens linéaires traditionnels. Pour améliorer les soins et optimiser les résultats liés à la santé, les médecins de famille d’aujourd’hui doivent être capables d’identifier les phénomènes complexes dans leurs pratiques, les influences que ces phénomènes peuvent avoir sur ce qu’il adviendra, et les façons de concevoir, d’adapter et d’évaluer les services en médecine familiale du point de vue de la complexité. La pensée complexe devrait être une compétence fondamentale des médecins de famille modernes; alors, exploitons notre relation avec la confusion, munissons notre discipline des principes de base pour la comprendre et renforçons notre position en tant que chefs de file de l’excellence des soins de santé.
L’adoption de la pensée complexe au sein de la médecine familiale exigera initialement sa mention explicite dans le référentiel des compétences CanMEDS-Médecine familiale1, combinée à des activités de formation et de développement professionnel continu sur des concepts comme l’examen des problèmes selon de multiples points de vue et l’évaluation de ce qui importe. Lorsqu’une masse critique de médecins de famille maîtrisera ces concepts, nous pourrons nous attendre à voir des changements dans la conception, l’amélioration de la qualité et l’évaluation des services de médecine familiale. Par exemple, nos interventions seront mieux adaptées à chaque patient et aux contextes communautaires, et nous serons en mesure de corriger plus efficacement une lacune dans les services que nous aurons détectée. La science de la complexité nous permet de fonctionner dans une amplitude optimale et de participer à un système d’apprentissage continu des soins.
Footnotes
Intérêts concurrents
La Dre Ginetta Salvalaggio a des relations financières directes avec le Collège des médecins de famille de l’Alberta et l’Association du personnel médical de la zone d’Edmonton; elle est membre de comités consultatifs ou de bureaux de conférenciers pour le groupe Alberta Addicts Who Educate and Advocate Responsibly; et elle a reçu des subventions révisées par des pairs des Instituts de recherche en santé du Canada, de la Fondation de l’Hôpital Royal Alexandra, du Collège des médecins de famille du Canada et du Northern Alberta Academic Family Medicine Fund.
Référence
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Incertitude et possibilités : les compétences avancées dans un programme de 3 ans
Au moment où le Collège des médecins de famille du Canada envisage d’adopter un programme de résidence prolongé qui durerait 3 ans, comme il est mentionné dans le Projet sur les finalités d’apprentissage1, l’avenir de la formation en compétences avancées (CA) demeure incertain et peu défini. Cela se produit dans le contexte d’un intérêt et d’une mobilisation à la hausse concernant les programmes de CA chez les résidents en médecine familiale. Il y aurait lieu de considérer l’élaboration d’un volet en CA à l’initiative des résidents et conçu par eux durant le programme de formation de 3 ans, qui établirait des buts, des objectifs, des expériences d’apprentissage et des finalités dans un domaine d’intérêt ou de besoins communautaires. Cette stratégie peut délibérément et explicitement épouser les domaines prioritaires tels que fixés dans le Projet sur les finalités d’apprentissage, dont les soins de maternité, la responsabilité sociale et la santé des Autochtones. Cette approche aiderait à appuyer les apprenants qui ne sont pas intéressés à suivre une quatrième année de formation en CA menant au Certificat de compétence additionnelle, tout en leur offrant une préparation supplémentaire dans un domaine ciblé.
Cette idée audacieuse a pour but d’intégrer délibérément la formation en CA pour aider à améliorer la prestation des services dans les communautés en élargissant le champ de pratique des médecins de famille dans un domaine ciblé où des besoins sont identifiés. Avant la mise en œuvre du programme de 3 ans, il est important de sonder les étudiants en médecine et les résidents au sujet de leur intérêt pour une telle approche dans le contexte des travaux fondamentaux du Collège des médecins de famille du Canada pour élaborer un programme de 3 ans. Cette conception pédagogique peut être évaluée avant son implantation en l’offrant à titre de programme pilote pour déterminer le degré d’intérêt et de mobilisation. Des questions concernant la mise en œuvre d’un volet en CA pourraient être ajoutées dans les versions futures du Sondage longitudinal sur la médecine familiale pour évaluer si cette stratégie améliore la confiance et la compétence en CA, ou si elle se traduit par une prestation des services meilleure ou accrue dans ce domaine d’intérêt ou de besoins après l’obtention du diplôme.
Footnotes
Intérêts concurrents
Aucun déclaré
Ces résumés ont fait l’objet d’une révision par des pairs.
The English version of this article is available at https://www.cfp.ca on the table of contents for the February 2023 issue on page 84.
Les opinions exprimées dans les commentaires sont celles des auteurs. Leur publication ne signifie pas qu’elles soient sanctionnées par le Collège des médecins de famille du Canada.
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