Abstract
Objectif Présenter aux médecins de famille une approche pour la prise en charge des symptômes moteurs et non moteurs de la maladie de Parkinson (MP).
Sources de l’information Les lignes directrices sur la prise en charge de la MP ont été passées en revue. Des recensions dans les bases de données ont été effectuées pour en extraire les articles de recherche publiés entre 2011 et 2021. Le niveau des données probantes varie entre I et III.
Message principal Les médecins de famille peuvent jouer un rôle important dans la détection et le traitement des symptômes moteurs et non moteurs de la MP. Les médecins de famille devraient amorcer un traitement à la lévodopa pour les symptômes moteurs s’ils nuisent au fonctionnement et si les temps d’attente pour voir un spécialiste sont longs. Ils devraient être au courant des approches de base du titrage, de même que les effets secondaires possibles des thérapies dopaminergiques. Il faudrait éviter une cessation abrupte des agents dopaminergiques. Les symptômes non moteurs sont fréquents et peu reconnus, et ils influent grandement sur l’incapacité, la qualité de vie, le risque d’hospitalisation et les mauvais résultats chez les patients. Les médecins de famille peuvent prendre en charge les symptômes courants du fonctionnement autonome, comme l’hypotension orthostatique et la constipation. Ils peuvent traiter les symptômes neuropsychiatriques communs, comme la dépression et les troubles du sommeil, et aider à reconnaître et à traiter la psychose et la démence de la MP. Il est recommandé de demander des consultations en physiothérapie, en ergothérapie et en orthophonie, et de conseiller les groupes d’activité physique pour aider à préserver le fonctionnement.
Conclusion Les patients atteints de la MP présentent des combinaisons complexes de symptômes moteurs et non moteurs. Les médecins de famille devraient avoir des connaissances de base sur les traitements dopaminergiques et leurs effets secondaires. Les médecins de famille peuvent jouer des rôles importants dans la prise en charge des symptômes moteurs, et surtout des symptômes non moteurs, et ils peuvent exercer une influence positive sur la qualité de vie des patients. Une approche interdisciplinaire impliquant des cliniques et d’autres professionnels de la santé spécialisés est une importante composante de la prise en charge.
Les médecins de famille ont un rôle important à jouer dans la prise en charge de la maladie de Parkinson (MP), à la fois dans la détection précoce des symptômes et dans sa gestion continue. Il se peut que les médecins de famille doivent poser le diagnostic de la MP et amorcer son traitement, surtout lorsqu’il faut attendre longtemps pour accéder à des soins spécialisés, comme il a été expliqué dans la première partie de cette série1.
Bien que la prise en charge habituelle se concentre sur les symptômes moteurs, les symptômes non moteurs sont très fréquents dans la MP, et ils ont un impact considérable sur la qualité de vie et le fonctionnement des patients2,3. En raison de leurs relations thérapeutiques longitudinales avec leurs patients atteints de la MP, les médecins de famille sont bien placés pour détecter et gérer leurs symptômes non moteurs.
Le présent article a pour but d’habiliter les médecins de famille à entreprendre une prise en charge de base des symptômes moteurs des patients, et de les aider à reconnaître et à gérer les symptômes non moteurs courants.
Description du cas
Maria est une enseignante à la retraite de 65 ans. Elle vous consulte à la clinique se plaignant d’un tremblement au repos de sa main gauche, qui dure depuis 6 mois. Elle signale qu’elle a récemment eu plus de difficulté à boutonner sa blouse et se plaint d’un ralentissement généralisé. Il lui faut plus de temps qu’avant pour faire sa toilette et, en réponse à votre question, elle dit avoir remarqué qu’elle avait plus de difficulté à se retourner dans le lit. Elle a aussi constaté qu’elle se traînait les pieds, mais n’a pas fait de chutes. Son conjoint raconte que, depuis 10 ans, elle crie et bouge dans son sommeil, comme si elle mimait ses rêves. Elle rapporte un ralentissement intestinal au cours de la dernière année. Après avoir constaté un parkinsonisme et exclu les caractéristiques évoquant un autre diagnostic (voir la première partie de cette série1), vous vous concentrez sur la prise en charge de la maladie de Parkinson.
Sources de l’information
Les stratégies de recherche documentaire visaient à recenser des articles de recherche ou des lignes directrices portant sur la prise en charge de la MP, publiés entre 2011 et 2021. Les lignes directrices canadiennes publiées en 2019 ont servi à guider les suggestions fondées sur des données probantes présentées dans cet article4. Le niveau des données probantes variait de I à III.
Message principal
Symptômes moteurs. Au nombre des symptômes moteurs de la MP figurent les caractéristiques emblématiques de la bradykinésie et du tremblement ou de la rigidité au repos. Une déficience posturale considérable tôt dans la maladie est considérée inhabituelle5. Des médicaments, accompagnés de physiothérapie et d’exercices, améliorent le fonctionnement et la qualité de vie4.
La lévodopa est le médicament le plus efficace pour les patients souffrant de la MP; son profil d’effets secondaires est plus sécuritaire que celui d’autres agents, surtout pour des adultes plus âgés4,6. Un essai à la lévodopa peut être envisagé pour traiter des symptômes qui entravent le fonctionnement en attendant une évaluation spécialisée1.
La lévodopa sert à traiter les symptômes, n’est ni neurotoxique ni neuroprotectrice et devrait être initiée si le fonctionnement est affecté. L’invalidité est aggravée si l’amorce de la lévodopa est retardée jusqu’à l’apparition de symptômes sévères4,7,8. La dyskinésie (mouvements involontaires, souvent choréiformes) est une complication motrice plus courante chez les patients plus jeunes atteints de la MP; elle est causée par la progression de la maladie et non seulement par une exposition à la lévodopa9.
Les préparations par voie orale de lévodopa sont sous forme de combinaisons avec de la carbidopa ou du bensérazide. Il faut commencer la lévodopa à faible dose et la titrer jusqu’à la dose efficace minimale en prenant garde aux effets indésirables chez les adultes plus âgés. Un exemple de chronologie du titrage se trouve à l’Encadré 1.
Titrage initial de la lévodopa et de la carbidopa
Semaine 1 : Un demi-comprimé de 100 mg de lévodopa et de 25 mg de carbidopa par voie orale 3 fois par jour, 30 minutes avant les repas
Semaine 2 : Un comprimé de 100 mg de lévodopa et de 25 mg de carbidopa par voie orale 30 minutes avant le déjeuner, et un demi-comprimé 30 minutes avant le diner et avant le souper
Semaine 3 : Un comprimé de 100 mg de lévodopa et de 25 mg de carbidopa par voie orale 30 minutes avant le déjeuner et avant le diner, et un demi-comprimé 30 minutes avant le souper
Semaine 4 : Un comprimé de 100 mg de lévodopa et de 25 mg de carbidopa par voie orale 3 fois par jour, 30 minutes avant les repas. Remarque : Les doses pour le traitement continu peuvent être aussi élevées que 1000 mg de lévodopa par jour ou plus. Des doses au coucher peuvent être envisagées, surtout en présence de symptômes inquiétants la nuit.
Les problèmes gastro-intestinaux comme la constipation peuvent nuire à l’absorption de la lévodopa. Il vaut mieux administrer la lévodopa de 30 à 60 minutes avant les repas pour une absorption et une efficacité optimales10,11. Les patients qui ressentent de la nausée pourraient prendre la lévodopa avec des repas contenant des glucides, parce que l’ingestion simultanée de protéines peut nuire à la réponse à la lévodopa11,12.
Les médecins devraient surveiller chez les patients des effets secondaires comme la nausée, l’hypotension orthostatique (HO), la confusion et les hallucinations. Les patients développent souvent des fluctuations motrices avec l’épuisement thérapeutique (lorsque les effets de la lévodopa diminuent en fin de dose) et de la dyskinésie. Ces problèmes devraient être pris en charge avec l’aide d’autres spécialistes et pourraient nécessiter des agents adjuvants ou des thérapies avancées (comme la stimulation cérébrale profonde ou l’administration intestinale de la lévodopa)9.
Les agents adjuvants pour l’épuisement thérapeutique incluent les agonistes de la dopamine, les inhibiteurs de la catéchol-O-méthyltransférase et les inhibiteurs de la monoamine-oxydase B9. Les lignes directrices actuelles mettent en garde contre l’utilisation des agonistes de la dopamine chez les patients de plus de 70 ans, étant donné leurs effets secondaires potentiels4. Même si les agents adjuvants sont habituellement amorcés et titrés dans des cliniques spécialisées, les médecins de famille devraient être au courant de leurs effets secondaires possibles, y compris les troubles du contrôle des impulsions, les hallucinations, l’œdème périphérique, les crises de sommeil et l’HO9.
Lorsque des effets secondaires se produisent, surtout la psychose et l’impulsivité, il se peut qu’il soit nécessaire de réduire des médicaments de manière judicieuse (des renseignements concernant la psychose sont donnés plus loin dans l’article). Les médicaments pour la MP ne devraient pas être arrêtés subitement, parce que la cessation peut précipiter le syndrome malin des neuroleptiques4. L’amantadine et les agonistes de la dopamine doivent être réduits progressivement en raison des risques du syndrome de sevrage de l’amantadine et du syndrome du sevrage des agonistes, respectivement13,14.
Il est recommandé de ne pas tarder à recommander les groupes de soutien et d’activité physique, et de demander des consultations en physiothérapie, en ergothérapie et en orthophonie4.
Symptômes non moteurs. Les symptômes non moteurs, quoique présents chez 70 % des patients atteints de la MP, sont souvent négligés et peu traités, même s’ils entraînent des répercussions considérables sur le fonctionnement et la qualité de vie des patients2,15-17. Les patients souffrant de la MP sont à risque accru d’hospitalisation, de séjours prolongés à l’hôpital et d’un déclin fonctionnel durant leur hospitalisation18-20. Les symptômes non moteurs, la polypharmacie, les comorbidités et le fardeau des aidants augmentent le risque d’hospitalisation18,20,21. De manière générale, on peut classer les symptômes non moteurs selon qu’ils sont un dysfonctionnement du système nerveux autonome, des troubles du sommeil ou des symptômes neuropsychiatriques.
Dysfonctionnement autonome : Le dysfonctionnement autonome comprend les problèmes cardiovasculaires (HO, hypertension en décubitus), gastro-intestinaux (constipation, ralentissement de la vidange gastrique, reflux gastro-œsophagien), urogénitaux (rétention urinaire, hyperactivité vésicale) et de la thermorégulation4.
Troubles du sommeil et symptômes neuropsychiatriques : Au nombre des troubles du sommeil et des symptômes neuropsychiatriques de la MP figurent la fatigue, la somnolence diurne, le trouble comportemental en sommeil paradoxal (TCSP), le syndrome des jambes sans repos (SJSR), la dépression, l’anxiété, la déficience cognitive et la démence4.
Diagnostic et prise en charge de certains symptômes non moteurs. Gastro-intestinaux : Plus de 70 % des patients atteints de la MP auront une sialorrhée22, tandis que plus de 80 % développeront une dysphagie durant l’évolution de la maladie23. Il faudrait dépister la dysphagie (fréquente dans les stades avancés de la maladie) chez les patients et demander pour eux une consultation en orthophonie. Des injections de toxine botulinique A dans les glandes salivaires sont très efficaces pour traiter la sialorrhée4. Même si les données probantes en faveur d’autres traitements ne sont pas concluantes22, étant donné le faible risque d’effets indésirables, nous recommandons aussi de mâcher de la gomme (ou sucer des bonbons) et d’essayer le bromure d’ipratropium à 0,03 % (21 μg) en vaporisateur nasal, administré dans la bouche à raison de 2 vaporisations jusqu’à 4 fois par jour.
La constipation est un symptôme commun et traitable de la MP. Des changements pathologiques peuvent être observés dans le tractus gastro-intestinal pendant jusqu’à 20 ans durant le stade prémoteur24. La constipation peut contribuer à une mauvaise absorption de la lévodopa, à la rétention urinaire, à des infections des voies urinaires, à des douleurs abdominales et à une faible ingestion par voie orale25. Une faible consommation de liquides exacerbe l’HO et complique davantage les problèmes de constipation4,25. On omet souvent de reconnaître la constipation dans la MP, mais un temps de transit colique anormal est observé chez 80 % des patients souffrant de la MP24,26.
La motilité gastro-intestinale, une consistance appropriée des selles (mesurée selon l’échelle de Bristol27) et la force des muscles du tronc sont des facteurs importants dans la constipation. Il y a lieu de consigner le score des selles selon l’échelle de Bristol et de viser des résultats de type 3 ou 427,28.
Les mesures générales à prendre sont les suivantes : augmenter les fibres, les liquides et l’activité physique, et discontinuer les médicaments qui exacerbent les problèmes (p. ex. opioïdes, antipsychotiques, anticholinergiques et amantadine)4. Les données probantes actuelles sont favorables à l’utilisation du glycol polyéthylène4. Nous suggérons d’utiliser régulièrement le glycol polyéthylène, même à faibles doses, pour améliorer la consistance des selles et prévenir des cycles de constipation et de diarrhée. D’autres laxatifs osmotiques comme le lactulose peuvent être envisagés, surtout pour les patients qui ont des problèmes sur le plan de la couverture des médicaments4.
Les laxatifs stimulants, comme les sennosides et le bisacodyl, devraient être utilisés chez certains patients, préférablement à court terme ou au besoin4. Nous recommandons de prendre les laxatifs stimulants au coucher si le patient n’a pas eu de défécation appropriée. Les laxatifs stimulants peuvent être prescrits plus régulièrement aux patients dont la motilité gastro-intestinale est limitée en raison de l’immobilité ou des médicaments. Le psyllium, quoiqu’il soit mentionné dans certaines lignes directrices4, est souvent moins efficace lorsque l’ingestion de liquides et la motilité gastro-intestinale sont insuffisantes, en particulier chez les patients plus âgés atteints de la MP. Il a été démontré dans 2 essais randomisés contrôlés que les probiotiques avaient des résultats positifs dans le traitement de la constipation dans les cas de MP29,30.
Autres symptômes autonomes : L’hypotension orthostatique, qui désigne une baisse de la pression artérielle systolique de 20 mm Hg ou de la pression artérielle diastolique de 10 mm Hg ou plus dans les 3 minutes après s’être levé ou avoir relevé la tête, est fréquente et passe souvent inaperçue chez les patients atteints de la MP31,32. Une absence d’augmentation de la fréquence cardiaque compensatoire suffisante après la chute de la pression artérielle (<10 à 15 battements par minute) évoque une HO neurogène33.
L’hypotension orthostatique est associée à des chutes34, à un risque accru de dysfonction cognitive35, ainsi qu‘à la morbidité et à la mortalité36. Chez les patients atteints de la MP, l’HO est causée par une dénervation sympathique, mais elle peut être exacerbée par l’hypovolémie et la médication (agents dopaminergiques, antihypertenseurs, α-bloquants et antidépresseurs, surtout de la classe des tricycliques)37-39.
Nous recommandons le dépistage des symptômes et la mesure des signes vitaux orthostatiques comme partie intégrante des visites de routine des patients souffrant de la MP. La pression artérielle en décubitus devrait être mesurée pour détecter une hypertension dans cette posture39. Il y aurait lieu d’encourager les patients à surveiller eux-mêmes l’HO à domicile. Il est recommandé de passer en revue la médication en portant une attention particulière à la réduction des antihypertenseurs et des autres agents causant l’HO (voir le Tableau 1 pour un résumé des éléments à considérer dans la médication et d’autres enjeux dans la prise en charge de la MP)4,31,37,39,40.
Résumé des enjeux dans la prise en charge de la MP
Comme premières étapes, il faut renseigner les patients au sujet des déclencheurs de l’HO (p. ex. repas copieux, bains chauds, alcool, déshydratation), leur conseiller d’augmenter leur consommation de liquides et de sel, de surélever la tête de leur lit et de pomper les muscles de leurs jambes avant de se lever lentement4,31,41. Des ceintures abdominales sont efficaces pour l’HO en comprimant la circulation splanchnique31,42, alors que les bas de compression, même s’ils sont souvent recommandés, ont des bienfaits limités et sont mal tolérés43.
Si les mesures non pharmacologiques ne suffisent pas, des médicaments pourraient être envisagés. Le dompéridone, quoique recommandé dans certaines lignes directrices, n’est pas étayé par de bonnes données probantes4. Nous recommandons ce qui suit :
La midodrine a une bonne efficacité et pourrait être initiée à faible dose (p. ex. 2,5 à 5 mg à intervalle de 3,5 à 4 heures; p. ex. à 8 h, à midi et à 16 h), la dernière dose étant prise au moins 4 heures avant le coucher en raison du risque d’hypertension en décubitus. Les patients devraient attendre 4 heures après une dose avant de s’allonger44.
La fludrocortisone est moins efficace que la midodrine en monothérapie4, pourrait cause une hypokaliémie et un œdème périphérique, et elle exacerbe l’hypertension en décubitus45.
La pyridostigmine offre de modestes bienfaits pour l’HO sans exacerber l’hypertension en décubitus46, mais cet avantage est limité par ses effets secondaires comme la diarrhée, la nausée et la sialorrhée47. Nous recommandons une dose de 30 à 60 mg 3 fois par jour.
Les symptômes urinaires, y compris l’urgence, la nycturie et l’incontinence, sont fréquents4. Bien que ces symptômes soient principalement dus au dysfonctionnement autonome, il convient de signaler que la constipation aggrave les symptômes urinaires en causant une miction incomplète ou une rétention40. Les approches de prise en charge sont semblables à celles utilisées dans d’autres populations de patients40.
Troubles du sommeil et symptômes neuropsychiatriques : Parmi les troubles du sommeil dans la MP, mentionnons le TCSP, le SJSR, l’insomnie et la somnolence diurne. Il est recommandé, comme point de départ de l’évaluation et de la prise en charge, de procéder à une anamnèse du sommeil et à du counseling en hygiène du sommeil4.
Avec un TCSP, la perte d’atonie des grands muscles durant le sommeil paradoxal (p. ex. mimer ses rêves, donner des coups de poings ou de pieds, crier et tomber du lit) est fréquente dans la MP et peut précéder les symptômes moteurs de plusieurs années48. Il faut conseiller d’assurer la sécurité du lit en enlevant les objets potentiellement dangereux, et il vaut mieux que le partenaire dorme séparément. Des antidépresseurs peuvent exacerber le TCSP49,50; il pourrait être utile de les administrer le matin. Le clonazépam (0,25 à 1 mg) et la mélatonine pris au coucher se sont révélés efficaces dans des essais et ont reçu l’aval de lignes directrices37. Le clonazépam a plus d’effets indésirables et devrait être réservé comme thérapie de deuxième intention. La mélatonine à double action ou à libération prolongée pourrait être privilégiée par rapport à la formulation à libération immédiate, parce que la plupart des événements liés au TCSP se produisent au petit matin, au cours de la dernière partie de la période du sommeil.
Le syndrome des jambes sans repos est ressenti comme une sensation subjective d’agitation, d’inconfort et de paresthésie, accompagnée par le besoin urgent de bouger et de se soulager par des mouvements. Il faudrait dépister chez les patients une carence possible en fer4, et les médicaments connus pour aggraver le SJSR (antipsychotiques, antidépresseurs) devraient être minimisés51. Il est recommandé d’optimiser les thérapies dopaminergiques nocturnes, parce que le SJSR pourrait être un symptôme de l’épuisement de la dose. Les gabapentinoïdes, comme la prégabaline, peuvent être envisagés4.
La dépression se produit chez environ 35 % des patients atteints de la MP52 et l’anxiété, chez environ 25 % d’entre eux53. Un essai aux inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine ou aux inhibiteurs de la recapture de la sérotonine-norépinéphrine, comme l’escitalopram, la sertraline ou la duloxétine, au déjeuner ou le midi, pourrait être envisagé, mais il est reconnu que la mirtazapine prise au coucher exacerbe le SJSR6.
Des symptômes psychotiques peuvent apparaître en raison des effets secondaires de la médication ou de la progression de la maladie vers la déficience cognitive ou la démence. Une psychose devrait toujours déclencher une évaluation approfondie et le traitement des causes réversibles. Il est parfois nécessaire de réduire les médicaments pour la MP, mais il vaut mieux le faire avec le soutien de collaborateurs expérimentés4. Le principe général est de réduire ou d’arrêter en premier les médicaments qui sont le plus susceptibles de causer une psychose (Figure 1)4. Il est conseillé de surveiller l’aggravation des symptômes moteurs, tout en faisant un juste équilibre entre elle et les répercussions de la psychose sur le fonctionnement et la qualité de vie. En général, la réduction des médicaments à risque élevé de causer une psychose devrait être tentée avant l’amorce d’une médication antipsychotique pour les symptômes inquiétants ou, à tout le moins, simultanément.
Comment réduire la polypharmacie chez les patients atteints de la MP et de psychose
La quétiapine et la clozapine sont les antipsychotiques les moins susceptibles d’aggraver les symptômes moteurs de la MP4. Chez les patients plus âgés atteints de la MP, il faudrait commencer par 12,5 à 25 mg de quétiapine au coucher, puis augmenter la dose selon la tolérance, tout en surveillant les risques, comme l’hypotension, la constipation et la prolongation de l’intervalle QT. La clozapine est réservée aux cas réfractaires en raison du risque d’agranulocytose et de la nécessité d’un monitorage. Il faut strictement éviter d’autres antipsychotiques.
Une évaluation cognitive est recommandée chez les patients qui ont un déclin cognitif ou fonctionnel, ou encore une psychose. Si un diagnostic de démence de la MP est posé, un essai avec un inhibiteur de la cholinestérase (rivastigmine ou donépézil) devrait être offert, sous réserve de contre-indications4. La présence d’une déficience cognitive, d’incapacités motrices et d’une somnolence diurne nécessite de prendre en considération la sécurité de la conduite automobile et sa cessation4.
Résolution du cas
Pour commencer, vous prescrivez à Maria un demi-comprimé de 100 mg de lévodopa et de 25 mg de carbidopa, pris par voie orale 3 fois par jour avant les repas, et cette dose doit être titrée sur une période de 3 semaines pour atteindre 1 comprimé 3 fois par jour. Maria remarque une réponse immédiate à la médication; elle trouve qu’elle marche plus rapidement et boutonne plus facilement ses vêtements. Lors de son examen, vous constatez qu’elle peut taper des doigts et des pieds plus rapidement que lors de votre première évaluation.
Lors du rendez-vous suivant, vous mesurez les signes vitaux orthostatiques de Maria. Sa pression artérielle en décubitus est de 128/74 mm Hg et sa fréquence cardiaque, de 78 battements à la minute. Après 1 minute en position debout, sa pression artérielle est de 112/71 mm Hg et sa fréquence cardiaque, de 81 battements à la minute. Maria accepte de discontinuer l’amlodipine et de surveiller sa pression artérielle à domicile. Les mesures consignées seront passées en revue lors des prochains rendez-vous. Vous recherchez aussi des symptômes non moteurs de la MP. Maria dit ne pas avoir de problèmes de fréquence urinaire, d’élocution ou de déglutition, mais elle signale une constipation qui la dérange, pour laquelle vous proposez d’essayer des laxatifs osmotiques. Étant donné que son conjoint continue de rapporter que Maria mime ses rêves, vous prescrivez 5 mg de mélatonine à double action ou à libération prolongée au coucher et vous lui donnez des renseignements sur la sécurité entourant le lit.
Aux visites subséquentes de suivi avec Maria, vous prévoyez réévaluer ces éléments et faire un dépistage de symptômes neuropsychiatriques, y compris la dépression et le déclin cognitif.
Conclusion
La maladie de Parkinson comporte un ensemble complexe de symptômes moteurs et non moteurs, et nécessite une collaboration entre les médecins de famille, les spécialistes de la MP et d’autres professionnels de la santé. Les médecins de famille pourraient avoir un impact important dans la prise en charge de la MP en reconnaissant et en traitant rapidement les symptômes moteurs, en prenant en charge les symptômes non moteurs courants et en planifiant les soins en vue de la progression de la maladie, notamment les demandes de consultation auprès d’autres professionnels de la santé et des services d’entraide.
Notes
Points de repère du rédacteur
▸ La maladie de Parkinson (MP) comporte un ensemble complexe de symptômes moteurs et non moteurs qui exigent une collaboration entre les médecins de famille, les spécialistes de la MP et d’autres professionnels de la santé.
▸ La lévodopa est le médicament le plus efficace pour traiter les symptômes moteurs chez les patients atteints de la MP. Il y a lieu d’envisager un essai avec la lévodopa en attentant une évaluation par d’autres spécialistes.
▸ Même s’ils sont communs, les symptômes non moteurs sont souvent laissés pour compte et peu traités chez les patients souffrant de la MP. Cela peut nuire à leur fonctionnement et à leur qualité de vie, et accroître le risque d’hospitalisation et le fardeau des aidants.
Footnotes
Collaborateurs
Tous les auteurs ont contribué à la revue et à l’interprétation de la littérature scientifique ainsi qu’à la préparation du manuscrit aux fins de présentation.
Intérêts concurrents
Aucun déclaré
Cet article donne droit à des crédits d’autoapprentissage certifiés Mainpro+. Pour obtenir des crédits, allez à https://www.cfp.ca et cliquez sur le lien vers Mainpro+.
Cet article a fait l’objet d’une révision par des pairs.
The English version of this article is available at https://www.cfp.ca on the table of contents for the February 2023 issue on page 91.
- Copyright © 2023 the College of Family Physicians of Canada