Le cancer du poumon a le taux de mortalité le plus élevé par rapport aux autres cancers au Canada; il cause 25,5 % de tous les décès dus au cancer, et son taux de survie à 5 ans n’est que de 19 %1. Plus de la moitié des cancers du poumon sont métastatiques lors du diagnostic, et les métastases se situent couramment dans le cerveau, les os, le foie et les glandes surrénales. Le cancer du poumon est un groupe hétérogène de cancers, généralement réparti en cancers du poumon à petites cellules (CPPC), qui représentent environ 15 % de tous les cas de cancer du poumon, et en cancers non à petites cellules (CPNPC), un groupe lui-même divisé surtout en sous-types d’adénocarcinomes et de carcinomes épidermoïdes (Figure 1). Plus de 80 % des cas de cancer du poumon sont liés au tabagisme, ce qui signifie que la cessation du tabagisme demeure la pierre angulaire de la prévention du cancer du poumon2. La tomodensitométrie à faible dose est un outil de dépistage utile pour le cancer du poumon; elle peut déceler les cancers du poumon à un stade plus précoce et réduire la mortalité due au cancer du poumon et la mortalité toutes causes confondues3. Même si le Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs recommande le dépistage du cancer du poumon, il n’est actuellement offert que dans quelques provinces canadiennes4.
Définitions et stadification
Le cancer à petites cellules est classé en pathologie limitée ou disséminée, appellation qui remonte aux efforts initiaux pour guérir ce cancer, lorsque l’affection limitée (l’équivalent d’un cancer de stade I à III) était confinée au thorax ipsilatéral et pouvait réagir à 1 champ de radiation, alors que l’affection disséminée ne le pouvait pas5. D’autre part, le CPNPC comporte les stades I à IV qui se fondent sur le système TNM largement utilisé (tumeur, ganglions [node], métastase). Les investigations cliniques, pathologiques et radiologiques servent à la stadification, et les examens tomographiques par émission de positrons ne sont utilisés que dans les cas où un traitement définitif est envisagé. Le stade du cancer dicte ultimement les options thérapeutiques, de même que le pronostic de récidive et de mortalité6. Les traitements tant des CPPC que des CPNPC évoluent rapidement.
Cancer du poumon à petites cellules
Ce type de cancer est extrêmement agressif. Les patients atteints d’un CPPC qui ne reçoivent pas de traitement ne survivent souvent que quelques semaines7. En raison de sa tendance à se propager tôt, cette forme de cancer cause fréquemment des symptômes de maladie métastatique, y compris une perte de poids, des douleurs osseuses et des symptômes neurologiques. La rapidité de croissance et la masse tumorale qui en résulte peuvent aussi causer chez les patients des complications localisées, comme la toux, la dyspnée, la pneumonie post-obstructive ou l’obstruction de la veine cave supérieure. L’hyponatrémie est courante en raison du syndrome de sécrétion inappropriée de l’hormone antidiurétique que l’on peut observer dans les cas de CPPC et d’autres syndromes paranéoplasiques8.
Le CPPC limité peut être traité dans un but curatif, tandis que le CPPC disséminé est traité à des fins palliatives (Figure 2)9,10. Dans les très rares cas où les tumeurs mesurent moins de 5 cm et où les ganglions lymphatiques ne sont pas touchés, un traitement à but curatif peut comporter une résection chirurgicale ou encore une radiothérapie stéréotaxique ablative pour les patients atteints de comorbidités chez qui une intervention chirurgicale est exclue. Une chimiothérapie adjuvante (cisplatine ou carboplatine) est administrée après le traitement définitif pour réduire le risque de récidive. Le plus souvent, les patients ont des tumeurs plus volumineuses (>5 cm) ou des métastases ganglionnaires et, dans de tels cas, le traitement à but curatif comprend une chimiothérapie et une radiation thoracique simultanées5. On peut envisager chez les patients qui réagissent bien à la thérapie curative une irradiation crânienne prophylactique (25 Gy en 10 fractions), ce qui améliore de 5 % leur taux de survie à 5 ans et réduit l’incidence de métastases au cerveau de 50 % durant 3 ans, mais elle se fait au risque de développer une toxicité chronique11.
Les patients qui sont atteints d’un CPPC disséminé et dans un état de fonctionnement même faible sont souvent traités de toute urgence au moyen d’une chimiothérapie palliative pour le contrôle des symptômes et ses bienfaits sur le plan de la survie, parce que les CPPC sont extrêmement chimiosensibles et répondent à la chimiothérapie dans jusqu’à 80 % des cas5. Le traitement comporte généralement 4 cycles de cisplatine ou de carboplatine et de l’étoposide, de concert avec le durvalumab, un agent immunothérapeutique5,12. La désintégration rapide de la tumeur en réponse à la chimiothérapie crée un risque de syndrome de lyse tumorale; de l’allopurinol est donc prescrit en prophylaxie pour les patients dont les tumeurs sont volumineuses13. Après le traitement initial par chimiothérapie palliative, les personnes peuvent connaître un arrêt de la progression de la maladie pendant des mois; toutefois, une récidive finira par se produire. La lurbinectédine est un nouvel agent chimiothérapeutique qui peut être utilisé comme traitement de deuxième intention; cependant, la durée de survie médiane se mesurera en mois14.
Traitement des CPNPC à des fins curatives
Les CPNPC de stade I et II sont généralement traités dans un but curatif (Figure 3)15-18, par intervention chirurgicale ou, si elle n’est pas possible, par radiothérapie stéréotaxique ablative. Le risque de récidive commence à augmenter à partir du moment où la taille de la tumeur devient supérieure à 4 cm ou s’il y a atteinte aux ganglions lymphatiques. Dans un tel cas, on peut administrer 4 cycles de chimiothérapie adjuvante en doublets de platine, qui comportent la cisplatine combinée à un autre médicament, comme la vinorelbine ou le pémétrexed6.
Le quart des patients se présentent avec un cancer de stade III (soit avec des tumeurs plus volumineuses ou avec une atteinte aux ganglions lymphatiques médiastinaux). Si ces tumeurs ne sont pas résécables, une radiation thoracique est indiquée avec une chimiothérapie simultanée pour synergie; elles seront suivies d’une immunothérapie adjuvante pendant 1 an19. Une récente étude a démontré une meilleure survie sans incident lorsque les stades II et III d’un CPNPC résécable étaient traités avec 3 cycles de chimiothérapie néoadjuvante et l’immunothérapie avant l’intervention chirurgicale, une pratique qui deviendra probablement courante à l’avenir20.
Le CPNPC avancé
L’analyse pathologique d’un CPNPC ne se limite pas à l’examen histologique, mais elle inclut aussi les mutations pilotes et le statut du ligand 1 de mort cellulaire programmé de type1 (PD-L1). Le ligand 1 de mort cellulaire programmé de type 1 est trouvé sur les cellules cancéreuses et il travaille à inhiber le système immunitaire; les niveaux d’expression de ce biomarqueur peuvent aider à prédire la réponse à l’immunothérapie. Même si le PD-L1 est un marqueur imparfait pour prévoir la réponse de la tumeur, des niveaux d’expression élevés prédisent généralement une plus grande chance de répondre à l’immunothérapie21. Les patients atteints d’un CPNPC de stade III qui ne sont pas candidats pour un traitement à but curatif et ceux dont le cancer est de stade IV auront une thérapie individualisée en fonction de la pathologie détaillée de la tumeur.
Les mutations pilotes sont des altérations génétiques dans les voies de signalisation cellulaire qui causent une réplication cellulaire incontrôlée et la croissance de la tumeur. Elles se trouvent le plus couramment dans les adénocarcinomes et sont typiquement observées chez les patients plus jeunes, les personnes originaires de l’Asie orientale, et celles qui n’ont jamais fumé ou dont les antécédents de tabagisme sont minimaux et lointains. Les mutations KRAS et EGFR sont les plus courantes, mais il existe de nombreuses autres mutations pilotes, y compris la mutation BRAF V600E, la mutation ROS1, les relocations ALK, les fusions du gène NTRK et les mutations MET, pour n’en nommer que quelques-unes22,23. Des thérapies ciblées ont été développées spécifiquement pour de nombreuses mutations pilotes connues, et elles prolongent habituellement la survie sans progression par rapport à la chimiothérapie, parfois de 4 à 6 ans dans le cas des relocations ALK. La chimiothérapie ne devrait être utilisée chez de tels patients que s’il y a une résistance à toutes les thérapies ciblées possibles. La plupart des patients qui ont des mutations pilotes, sauf la mutation KRAS, ne répondent pas bien à une immunothérapie19. Le rôle des thérapies ciblées dans le traitement curatif des cancers du poumon continue d’évoluer, et ces agents pourraient bientôt faire partie de la thérapie adjuvante après une résection, une fois trouvées des mutations pilotes24.
En l’absence d’une mutation pilote, le statut PD-L1 est utilisé pour déterminer la probabilité que le patient bénéficie de l’immunothérapie. On offre l’immunothérapie seule aux patients dont le statut PD-L1 est égal ou supérieur à 50 %, pour leur éviter la toxicité potentielle de la chimiothérapie, tandis que ceux dont le PD-L1 est inférieur à 50 % se voient offrir la chimiothérapie, en combinaison peut-être avec l’immunothérapie. Une survie à long terme avec l’immunothérapie a été observée, jusqu’à 40 % des patients étant toujours vivants après 3 ans dans une étude21, et 20 % des patients présentant une réponse soutenue après 4 ans25. Les patients qui progressent avec l’immunothérapie sont traités par une chimiothérapie comme traitement de deuxième intention.
Conclusion
Le cancer du poumon est un ensemble de cancers différents, classés en divers sous-types génétiques et histologiques. Les médecins de famille sont bien placés pour prévenir le cancer du poumon en encourageant la cessation du tabagisme et la participation à des programmes de dépistage là où ils sont accessibles, et pour accélérer le diagnostic en reconnaissant les signes et les symptômes cliniques caractéristiques. Cet article devrait offrir aux médecins de famille plus d’information sur la gamme des thérapies et les issues possibles dans le traitement du cancer du poumon.
Footnotes
Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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