Research training in family medicine has two purposes, leading to two different career paths. The first purpose is to create clinician-scholars who are literate enough in research to teach how to critically evaluate papers, to supervise small research and quality improvement projects, and to participate in practice-based research networks (PBRNs). The second purpose is to create clinician-investigators who can successfully and sustainably compete for major research funding .… [W]e in family medicine have historically engaged in much wishful thinking about research careers. We have expected too much from lightweight research training.1
Selon White2, le développement d’une masse critique de médecins de famille chercheurs cliniciens autonomes, capables de développer des programmes de recherche ancrés dans la discipline, est au cœur de toute stratégie de développement de la médecine de famille. Cet article a pour objectif de témoigner de la démarche qui a mené à la création au Québec d’un programme clinicien-érudit profil recherche de deux ans, grâce à la mobilisation des tous les acteurs concernés. Tout a commencé avec cette donnée importante : sur 111 médecins ayant obtenu en 2018 des Fonds de recherche du Québec – Santé une bourse comme chercheurs cliniciens (junior 1, junior 2 et sénior), seulement 2 étaient des médecins de famille. On pouvait affirmer qu’il y avait un déficit annoncé dans la capacité de recherche en médecine de famille au Québec et, ultimement, un échec de la profession à contribuer à la production de connaissances pour renforcer les soins et le système de santé.
Les auteurs de ce commentaire, qui étaient membres du groupe de travail mandaté pour émettre des recommandations sur les parcours de formation en recherche pour les médecins de famille, considèrent que ce témoignage peut être utile aux départements de médecine de famille des autres provinces ainsi qu’au Collège des médecins de famille du Canada (CMFC) et des Sections provinciales du CMFC.
Former des érudits ou des chercheurs?
Telle était la question. Comme en témoigne la citation en introduction, la médecine de famille elle-même a entretenu une certaine confusion entre le profil de chercheur clinicien autonome et de « cliniciens érudits », qui s’est soldée par une certaine dévalorisation du profil de chercheur clinicien autonome1,3,4.
À la différence des cliniciens érudits, ou scholars, les chercheurs cliniciens autonomes participent activement aux soins aux patients tout en consacrant de façon soutenue de 50 à 75 % de leur temps à la recherche, en obtenant des fonds pour réaliser leurs travaux et en formant, entre autres, de futurs médecins chercheurs cliniciens5. La trajectoire de carrière est extrêmement compétitive et exigeante et nécessite une formation de recherche robuste. Quelle que soit la spécialité, elle n’est empruntée que par une minorité de médecins au Canada estimée à 3 %5.
Comment forme-t-on des médecins chercheurs?
Pour répondre à cette question, nous avons procédé à une revue de la littérature portant spécifiquement sur la formation en vue d’une carrière comme médecin chercheur autonome et avons complété la réflexion par des échanges avec des personnes engagées dans cette carrière, incluant les directeurs de la recherche des quatre départements de médecine de famille de l’époque au Québec. Aux fins de ce commentaire, nous ne citons que les études les plus importantes. L’analyse de cette littérature, qui ne rapporte pas les résultats selon la spécialité concernée5-13, permet d’identifier quatre parcours de formation. Seule l’étude de Workman et coll. porte spécifiquement sur les médecins de famille14.
Les quatre parcours misent sur une intégration de l’expérience de la recherche et de la clinique. En effet, le parcours de formation pour devenir médecin chercheur clinicien est un continuum qui doit permettre, non seulement l’acquisition de compétences spécifiques de recherche, mais le processus de professionnalisation de ces médecins au profil unique, qui intégreront la pratique clinique et la recherche pendant toute leur carrière et qui devront naviguer entre deux mondes, tout aussi exigeants et ayant leurs propres cultures et codes. Le défi est donc l’intégration de la formation clinique et de recherche tout au long de la formation médicale, à la fois conceptuellement et opérationnellement6,10,11. Les recherches démontrent que plus les personnes sont exposées tôt à la recherche, plus elles réaliseront leurs aspirations à une carrière de recherche6,7,11. Bien qu’une formation de niveau PhD apparaisse préférable à un MSc, certains suggèrent de raccourcir la formation de base en recherche et de donner plus d’importance aux fellowships et stages postdoctoraux, qui permettent d’acquérir les compétences et l’expertise spécifiques au champ de recherche d’intérêt6,11.
Le premier parcours permet l’acquisition du premier diplôme de recherche pendant la formation prédoctorale sous la forme d’un programme MD-MSc ou MD-PhD. De l’avis de plusieurs, c’est la voie préférentielle, car elle intègre la recherche très tôt dans le parcours de formation7,12,13. Cette trajectoire n’est pas la plus fréquente, car rares sont les étudiants et étudiantes en médecine qui s’intéressent si tôt à la recherche. D’ailleurs, les Instituts de recherche en santé du Canada ont abandonné ces programmes de bourses en 2015, au grand dam de la communauté scientifique7,13.
Le second parcours est celui de personnes qui entrent en médecine avec un diplôme de recherche. Si cette trajectoire apparaît intéressante, car elle n’allonge pas beaucoup la durée des études médicales, elle ne s’avère pas très concluante selon les expériences rapportées par les personnes rencontrées et par la littérature, qui suggèrent que l’obtention d’une formation en recherche avant que les intérêts cliniques ne se forment mène moins souvent à une carrière réussie comme médecin chercheur6. Le principal défi de ces personnes, généralement diplômées en sciences fondamentales, est de réorienter leur expertise de recherche vers un domaine pertinent pour la médecine de famille.
Le troisième parcours est celui de personnes qui développent un intérêt pour la recherche pendant la résidence. Le programme clinicien érudit peut leur permettre de débuter une formation en recherche tout en ayant un statut de résident, mais non de la terminer. Basé sur la littérature démontrant l’avantage de l’intégration de la formation initiale en recherche à la formation doctorale, le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada a créé le programme de résidence clinicien chercheur d’une durée de deux ans15. Ceci présente l’avantage additionnel d’assurer le financement comme résident avant le début de la pratique autonome. Cette option n’existe pas pour les médecins de famille au Canada.
Le quatrième parcours est celui de l’entrée en recherche après avoir débuté une pratique clinique. C’est le parcours emprunté par la majorité des médecins de famille qui ont actuellement le statut de chercheurs autonomes. Le soutien financier peut venir de bourses de formation ou encore d’un poste de réentrée dans un programme de résidence clinicien érudit. Cette approche a été valorisée par l’Université de Colombie-Britannique, qui a publié une évaluation de 15 années d’activité14. Si cette évaluation démontre que ce parcours permet de mener à une carrière universitaire comme érudit (scholar), elle révèle que ce parcours permet rarement aux individus de devenir chercheurs autonomes. La probabilité d’obtenir un diplôme de recherche diminuait de 11 % pour chaque année écoulée entre la fin des études médicales et le début du programme.
On peut donc conclure que la littérature récente5-14 suggère que le premier et le troisième parcours semblent plus prometteurs pour permettre l’intégration de la formation clinique et de recherche et le succès de l’entrée dans la carrière comme médecins chercheurs, bien que cette littérature ne porte pas spécifiquement sur la médecine de famille. Il est intéressant que noter que Doubeni et coll. ont plaidé pour la création d’un parcours de formation comparable au troisième parcours pour les résidents en médecine de famille aux États-Unis4.
Pour un programme clinicien-érudit profil recherche de 2 ans
Le programme de résidence clinicien érudit tel qu’il existe présentement est un programme qui répond à des besoins spécifiques pour préparer certains médecins de famille à assumer des responsabilités académiques, mais n’est pas conçu pour former des chercheurs autonomes16. Pour assurer une certaine équité pour les personnes inscrites en médecine de famille comparativement à celles inscrites dans les autres spécialités, il faut leur donner l’opportunité d’obtenir leur premier diplôme de recherche pendant leurs études de résidence et rendre le troisième parcours de formation accessible, comme le fait le programme de résidence Clinicien chercheur du Collège royal. L’argumentaire a été si convaincant que la Conférence des Doyens des Facultés de médecine et le Ministère de la Santé et des Services sociaux ont convenu en 2019 de financer quatre postes par année pour une telle résidence au Québec. Ce nouveau programme a obtenu rapidement la reconnaissance universitaire par les quatre facultés de médecine du Québec et a été reconnu par le Collège des médecins du Québec en 2020. Une première résidente a été admise en juillet 2021.
Dans la mesure où les enjeux auxquels les médecins chercheurs cliniciens font face sont comparables, quelle que soit leur spécialité, il pourrait être intéressant d’envisager un programme commun CMFC–Collège royal. Ceci aurait l’avantage de créer une communauté plus inclusive des futurs médecins chercheurs et de fédérer les expertises du côté des formateurs. Enfin, nous réalisons que la proposition de créer un parcours de formation à la recherche qui allonge la formation d’une année peut apparaître controversée alors que les travaux sont en cours pour allonger la résidence en médecine de famille à trois ans. Mais il y aura toujours de futurs médecins qui aspireront à devenir des chercheurs cliniciens et qui seront prêts à assumer l’impact qu’auront leurs aspirations sur la durée de leur formation. Pourquoi les futurs médecins de famille n’auraient-ils pas l’opportunité de profiter de ce parcours de formation alors que leurs collègues des autres spécialités l’ont ?
Footnotes
Intérêts concurrents
Aucun déclaré
Les opinions exprimées dans les commentaires sont celles des auteurs. Leur publication ne signifie pas qu’elles sont sanctionnées par le Collège des médecins de famille du Canada.
Cet article a fait l’objet d’une révision par des pairs.
This article is also in English on page 453.
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