Abstract
Objectif Explorer les données probantes en faveur d’un supplément d’acides gras oméga-3 (AGO3) en prévention primaire et secondaire des maladies cardiovasculaires (MCV).
Sources de l’information Une recherche documentaire a été effectuée dans PubMed, la bibliothèque Cochrane et Google Scholar pour trouver des méta-analyses et des revues portant sur les AGO3 et les MCV. Les études randomisées contrôlées récentes et pertinentes qui ont été citées dans ces revues ont été retenues. Les lignes directrices actuelles sur les lipides ont été examinées.
Message principal La plupart des AGO3 dérivent des microalgues marines ou aquatiques qui sont consommées par le poisson. Les acides gras essentiels, notamment l’acide eicosapentaénoïque et l’acide docosahexaénoïque, sont principalement tirés du poisson, et une petite fraction vient des végétaux. Les acides gras oméga-3 abaissent modestement les taux de triglycérides, mais l’effet le plus important sur les MCV se produit par l’intermédiaire de divers autres mécanismes liés au fonctionnement des membranes cellulaires, aux propriétés antioxydantes et à la réduction des petites particules de cholestérol à lipoprotéines de basse densité athérogènes. Les lignes directrices continuent de recommander de consommer 2 portions de poisson par semaine. Il existe peu de données probantes sur les bienfaits des AGO3 en prévention primaire des MCV. Étant donné que 40 % des Canadiens en ont des taux insuffisants et que ces faibles taux peuvent être associés à d’autres maladies chroniques avec le temps, des suppléments d’AGO3 pourraient être envisagés, surtout pour ceux qui ont une hypertriglycéridémie ou qui ne mangent pas de poisson, ou pour les végétariens et les végans. Des doses allant jusqu’à 1 g par jour sont jugées sécuritaires. Pour la prévention secondaire après l’optimisation des statines, si les taux de triglycérides se situent entre 1,5 et 5,6 mmol/L, les lignes directrices recommandent, sur la base de données probantes de niveau 1A, de prendre 2 g d’icosapent éthyle 2 fois par jour. Cette même recommandation s’applique en prévention primaire pour les patients qui ont le diabète, une hypertriglycéridémie et un facteur de risque additionnel de MCV. À mesure que les stocks de poisson diminuent avec le temps, la préservation des pêches pour les pays en développement et l’obtention des AGO3 à partir des microalgues ou de sources végétales génétiquement modifiées pourraient prendre de l’importance.
Conclusion Toutes les lignes directrices recommandent au moins 2 portions de poisson gras par semaine, même si les bienfaits des AGO3 sont principalement observés en prévention secondaire. Les huiles de poisson et les préparations composées d’acide eicosapentaénoïque et d’acide docosahexaénoïque n’ont pas démontré de bienfaits, quels que soient la dose et le niveau de prévention, chez les patients à qui on a prescrit des statines de manière appropriée. L’acide eicosapentaénoïque à forte dose procure des bienfaits considérables chez certains patients qui prennent des statines et ont des taux élevés de triglycérides.
Il y a environ 2,5 millions d’années, nos ancêtres paléolithiques étaient d’opportunistes omnivores chasseurs-cueilleurs1. Par rapport au régime occidental moderne, ils consommaient plus de gras mono-insaturés et polyinsaturés, à la fois des oméga-3 et des oméga-6, mais moins de gras saturés et beaucoup moins de glucides1.
La plupart des Canadiens ne consomment pas les portions de poisson recommandées et, par conséquent, 40 % d’entre eux ont des taux sanguins d’acides gras oméga-3 (AGO3) moins élevés que les recommandations. Il importe de signaler que ces données n’incluaient pas les personnes vivant dans les 3 territoires, les réserves et d’autres lieux d’habitation autochtones2. Comme dans le reste de l’Amérique du Nord et la majeure partie de l’Europe, nos taux d’AGO3 comptent parmi les plus faibles, tandis que dans des régions comme la mer du Japon, la Scandinavie et les régions peuplées par des Autochtones qui n’ont pas entièrement adopté un régime occidental (y compris les populations autochtones du Nord canadien), les taux d’AGO3 sont élevés3. Notre consommation généralement faible d’AGO3, combinée à des facteurs génétiques, pourrait contribuer à des degrés élevés de morbidité. Cet article explore les données probantes concernant les suppléments d’AGO3 en prévention primaire et secondaire des maladies cardiovasculaires (MCV).
Sources de l’information
Une recherche documentaire a été effectuée dans PubMed, la bibliothèque Cochrane et Google Scholar pour trouver des méta-analyses et des revues portant sur les AGO3 et la MCV. Les études randomisées contrôlées (ERC) pertinentes, publiées en 2019 ou après et citées dans ces revues, ont été retenues. Les lignes directrices actuelles sur les lipides ont été examinées.
La qualité des données probantes a été définie à l’aide de la taxonomie GRADE (Grading of Recommendations Assessment, Development and Evaluation), telle qu’expliquée par le Groupe de travail canadien sur les soins de santé préventifs4, et nous utilisons dans notre évaluation la force des recommandations et le niveau des données probantes. Les articles de recherche sur la consommation de poisson portaient sur des études prospectives de cohortes qui ne pouvaient pas être effectuées à l’insu; elles ont donc produit des données de qualité modérée servant de base à des recommandations conditionnelles. Les récentes méta-analyses qui examinaient les effets de la combinaison d’acide eicosapentaénoïque (EPA) et d’acide docosahexaénoïque (DHA) sur les MCV ont fourni des données probantes de grande qualité, sur lesquelles reposent des recommandations fortes. (Les études dans le Tableau 1 ont été fortement influencées par des études plus anciennes effectuées au moment où les statines n’étaient pas aussi largement utilisées qu’elles le sont selon les normes contemporaines5-21, mais il existe de bonnes données probantes tirées d’études plus récentes dans le Tableau 26,12,15-18,22-24.) Les données portant sur l’EPA seul et celles sur la fibrillation auriculaire proviennent d’ERC; elles ont fourni des données probantes de grande qualité et, par conséquent, des recommandations fortes.
Résultats de récentes méta-analyses évaluant les potentiels bienfaits cardiovasculaires des AGO3 d’origine aquatique
Études pertinentes illustrant les paramètres de la décision d’utiliser des AGO3 pour la réduction du risque chez les patients qui prennent des statines adéquatement prescrites
Message principal
Sources alimentaires. Les acides gras oméga-3 ne peuvent pas être synthétisés et doivent donc venir de sources exogènes. La photosynthèse crée ces sources : microalgues, légumes à feuilles vertes, noix, huiles de graines ou herbe (par l’intermédiaire de la viande des herbivores qui broutent). Les sources venant de la viande d’animaux nourris au grain contiennent très peu d’AGO3. Les sources non aquatiques d’AGO3 contiennent de l’acide α-linolénique, un acide gras à courte chaîne, qui est soumis à une conversion lente et incomplète25 en AGO3 à longue chaîne, d’abord en EPA, puis en DHA. Ces 2 AGO3 représentent les principales sources actives des activités métaboliques essentielles qui impliquent les AGO3, et ils sont principalement obtenus en consommant du poisson qui s’est nourri de microalgues (Figure 1)26-29.
Sources alimentaires d’acides gras oméga-3 et oméga-6 et relations métaboliques simplifiées entre elles : Les acides gras oméga-3 essentiels sont indiqués dans les encadrés en pointillé.
L’acide linoléique, un acide gras oméga-6 à courte chaîne, est une composante bien plus importante du régime occidental, et il forme une plus longue chaîne pour produire l’acide arachidonique. Il est en concurrence sur le plan des enzymes avec les AGO3, mais ces derniers devraient avoir l’avantage s’ils sont ingérés en quantité suffisante27,28. Malheureusement, les légumes à feuilles et les poissons gras n’ont pas été des priorités alimentaires pour les Canadiens, dont 88 % ne se conforment pas à la recommandation de consommer 2 repas de poisson par semaine2.
Mécanismes d’action. En comparant les 3 AGO3 indiqués à la Figure 127-29, l’ingestion de l’acide α-linolénique seul semble n’avoir qu’un effet marginal ou aucun effet sur les MCV et la mortalité, selon les méta-analyses30,31. L’acide eicosapentaénoïque et le DHA produisent le plus grand effet de source alimentaire. Bien que ces 2 acides gras soient efficaces pour abaisser les taux de triglycérides, les bienfaits observés par ce mécanisme à lui seul sont plus importants que prévu32. Les résultats de l’étude PROMINENT (Le pémafibrate pour réduire les incidents cardiovasculaires en réduisant les triglycérides chez les patients diabétiques)33, publiés en 2022, ont fait valoir qu’une réduction de 26,2 % dans les taux de triglycérides, obtenue avec le pémafibrate, n’a pas réussi à diminuer les incidents cardiovasculaires (CV) dans les populations à risque primaire et secondaire à qui des statines avaient été prescrites adéquatement. Les effets pléiotropiques, en plus de la réduction des taux de triglycérides, pourraient donc être les principaux responsables de la réduction des incidents CV, et les propriétés de l’EPA et du DHA pourraient être différentes en ce qui a trait à ces mécanismes dont l’explication se trouve au Tableau 36,12,18,34-52. Plus précisément, on observe que le DHA augmente les taux de cholestérol à lipoprotéines de basse densité (C-LDL), tandis que l’EPA diminue le nombre de particules athérogènes sans avoir d’effet sur les taux de C-LDL6. De plus, seul l’EPA réduit l’oxydation des petites particules de C-LDL dans l’espace subendothélial, réduisant ainsi le potentiel de rétention et de phagocytose, de même que la production de cellules spumeuses. La production d’athérome en est réduite41. L’acide eicosapentaénoïque pourrait donc être supérieur au DHA dans la réduction de l’athérogenèse.
Mécanismes proposés responsables des bienfaits des AGO3 chez les patients atteints de MCV
Bienfaits éprouvés. La liste des méta-analyses qui évaluent les effets potentiels CV des AGO3 se trouve au Tableau 15-21. Ces revues ont toutes été publiées en 2019 ou après, et certaines réunissent les études définitives les plus récentes12,15. Dans l’ensemble, elles semblent indiquer une réduction des infarctus du myocarde5,8,9,11,14,16,21 et des incidents CV5,7-10,13,14,16,19-21, mais n’indiquent aucun effet sur la mortalité ou les AVC. Par ailleurs, un réexamen53 de la méta-analyse réalisée par Khan et ses collègues en 2021 suggère que l’inclusion des plus anciennes études GISSI-Prévention (Gruppo Italiano per lo Studio della Sopravvivenza nell’Infarto miocardico-Prevenzione)17 et GISS-Insuffisance cardiaque18 a contribué à 41,5 % de la pondération relative attribuée à toutes les études qui évaluaient les interventions avec l’EPA et le DHA. Les participants à ces études ne faisaient pas un large usage de statines et, par conséquent, ces études ne reflètent pas les soins contemporains (Tableau 2)6,12,15-18,22-24. Lorsque l’analyse a été reprise en excluant ces études54, aucun bienfait n’a été observé avec l’EPA et le DHA, quelle que soit la dose, conformément aux conclusions de l’étude STRENGTH (Étude sur les issues à long terme ayant pour but d’évaluer les risques résiduels des statines avec l’Épanova chez les patients à risque cardiovasculaire élevé et avec hypertriglycéridémie)12, publiée en 2020, qui portait sur l’EPA et le DHA à forte dose. Les auteurs de l’analyse refaite ont aussi indiqué que les bienfaits CV provenaient seulement d’une monothérapie sous EPA lorsque des statines avaient été adéquatement prescrites54.
L’acide eicosapentaénoïque à lui seul semble plus efficace, mais les études à son sujet étaient moins nombreuses et étaient effectuées auprès de patients à risque plus élevé6,24,55-58. Malgré tout, toutes les études sur les résultats et les mécanismes montrent des bienfaits (Tableau 4)6,24,55-58. L’étude JELIS (Étude sur les interventions lipidiques au Japon)24 a été réalisée selon une conception ouverte avec critères à l’insu auprès de participants à risque élevé, dans le contexte d’une prévention primaire. L’étude REDUCE-IT (Étude sur la réduction des évènements cardiovasculaires au moyen d’une intervention avec l’EPA)6 a démontré une réduction remarquable dans les critères cardiovasculaires composés au moyen d’EPA à forte dose pour la prévention tant primaire que secondaire chez des patients à risque élevé. Ni l’étude REDUCE-IT6 ni l’étude STRENGTH12 n’avait assez de puissance statistique pour faire la distinction entre les effets relatifs en prévention primaire ou secondaire59.
Effets de l’EPA seul sur les MCV : Études des mécanismes et des résultats.
Dans l’ensemble, aucun bienfait n’est démontré par l’utilisation d’EPA et de DHA, quelle que soit la dose, pour la prévention des MCV en prévention primaire ou secondaire, si les patients prennent une statine appropriée à la dose adéquate. L’acide eicosapentaénoïque seul, lorsqu’il est ajouté pour optimiser la thérapie aux statines à forte dose, est efficace pour réduire les risques résiduels en prévention secondaire et pour la prévention primaire chez les patients diabétiques ayant des facteurs de risque additionnels.
Les essais sur la consommation de poisson sont tous des études prospectives de cohortes à long terme et impliquent une association plutôt qu’une causalité (recommandation conditionnelle : données probantes de qualité modérée). D’autres composantes du poisson, comme les protéines, les oligoéléments et les vitamines, peuvent procurer des bienfaits en plus des AGO37,60. Deux récentes méta-analyses font valoir une association entre la consommation de 2 repas de poisson par semaine et une réduction de l’incidence de MCV et de mortalité7,10. Une analyse dose-effet a fait valoir une réduction de 4 % de la mortalité pour chaque tranche de 20 g par jour de poisson consommé, et cette baisse atteint un plateau à 175 g par semaine10,61.
Une récente série de données regroupées récemment, tirée d’études portant sur des patients avec ou sans MCV, faisait ressortir que les bienfaits d’une consommation accrue de poisson ne concernaient que la prévention secondaire et que consommer plus de poisson n’avait pas d’effet sur les patients qui ne souffraient pas de MCV61.
Préoccupations. Aucune interaction alimentaire ou médicamenteuse n’a été signalée avec les AGO3. Le contrôle de l’anticoagulation par warfarine n’est pas affecté62, mais il faut user de prudence avec l’utilisation de tout agent anticoagulant ou antiplaquettaire. Même si, dans l’étude REDUCE-IT6, il ne s’est pas produit d’augmentation des saignements graves, il y a lieu de consulter une base de données sur les interactions médicamenteuses. Les symptômes gastro-intestinaux, comme la nausée, la diarrhée et la dyspepsie, sont signalés plus fréquemment que dans les groupes témoins12. On a rapporté de l’oedème63. Les taux de saignements graves, y compris les AVC hémorragiques, n’étaient pas différents dans le groupe avec placebo6,12.
La principale préoccupation se situe dans la hausse de la FA. Il y a eu une augmentation absolue de 1,4 point de pourcentage des cas de FA avec l’EPA à forte dose6, et de 0,9 point de pourcentage avec les acides carboxyliques d’EPA et de DHA à forte dose12. Les incidents augmentent à des doses d’AGO3 de plus de 1 g64. Dans 2 études bien réalisées, aucune augmentation de la FA n’a été observée à des doses de moins de 1 g23,65. La supplémentation semble sécuritaire à de faibles doses et en l’absence de coronaropathie. Les patients ayant une cardiopathie établie et chez qui une dose élevée est indiquée doivent en être informés, quoique les nombres absolus qui sont à risque puissent être assez minimes. Les patients qui ont subi une ablation ou ont une FA paroxystique peuvent connaître une hausse des incidents, mais il n’existe actuellement pas de données révélatrices.
Une deuxième préoccupation concerne le coût d’opportunité. Les lignes directrices canadiennes sur les lipides63 ne recommandent pas les AGO3 pour réduire le risque de MCV en l’absence de taux de triglycérides modérément élevés, allant de 1,5 à 5,6 mmol/L en prévention secondaire ou dans les cas de diabète accompagnés d’un facteur de risque additionnel en prévention primaire. Bien qu’en se fondant sur les données probantes d’ERC existantes en cardiologie, cela pourrait sembler approprié, nous devrions prendre en compte les bienfaits potentiellement perdus, parce que les choix alimentaires sont sous-optimaux et que 40 % des Canadiens ont des taux sanguins d’AGO3 insuffisants2. Des résultats prometteurs tirés d’études cliniques et de méta-analyses font valoir des bienfaits considérables pour les patients atteints de diverses maladies chroniques, incluant le syndrome métabolique66, le diabète67, la dégénérescence maculaire68, les douleurs articulaires inflammatoires69, la prévention de la maladie d’Alzheimer chez les porteurs de l’apolipoprotéine E470, la maladie du foie gras non alcoolique71 et la dépression72.
Le coût marginal est une troisième préoccupation. Selon les estimés, les stocks de poisson ont atteint un sommet en 2000 et les pêcheries pourraient s’effondrer dès 2050 si la tendance se maintient73. De même, la pisciculture n’est pas durable avec les pratiques actuelles, les 2 tiers des produits du poisson étant dirigés vers l’aquaculture, ce qui explique le contenu plus élevé en AGO3 des poissons issus de la pisciculture74. Les stocks de poisson consommés actuellement viennent autant de la pêche sauvage que de l’aquaculture26. À moins que ces 2 sources soient dissociées, ces 2 pratiques ne sont pas durables.
La plupart des suppléments et des produits pharmaceutiques qui contiennent de l’EPA et du DHA sont dérivés des huiles de poisson35 (Tableau 5)6,12,26,75,76. Compte tenu de la demande accrue de sources d’AGO3 dans le monde développé, on s’inquiète de la sécurité alimentaire dans le monde en développement, parce que ces pays dépendent des fruits de mer pour fournir jusqu’à 20 % de leurs besoins en protéines73. Il faut de 20 à 25 kg de poisson pour produire 1 kg d’huile de poisson74. Les inquiétudes sur le plan des inégalités économiques et sociales seront davantage exacerbées. Une solution possible pourrait venir de la culture de microalgues, desquelles des huiles contenant de l’EPA et du DHA pourraient être extraites, ou encore de sources végétales génétiquement modifiées, si elles devenaient largement acceptées par le public26,77.
Suppléments d’acide gras oméga-3 et produits pharmaceutiques
Réduction des risques
Régime alimentaire : Des études par dérivation78 et de validation30 ont établi une association entre les taux d’AGO3 dans les globules rouges du sang (l’Index AGO3) et la mortalité due aux MCV. Un score de 4 % ou moins à cet index laisse présager un risque plus élevé, tandis qu’un score de 8 % ou plus serait jugé idéal. Il est habituellement inutile de mesurer les taux sanguins. Les personnes ayant une carence potentielle qui seraient les plus susceptibles de tirer des bienfaits sont celles qui ont une MCV établie et qui consomment très peu de poisson, qui sont végétariennes ou véganes, ou qui ont des taux de triglycérides entre 1,5 et 5,6 mmol/L.
Parmi les poissons gras recommandés, les sardines sont probablement le meilleur choix parmi les fruits de mer, sur le plan économique et environnemental. Elles sont peu coûteuses, viennent de la pêche sauvage et sont riches en AGO3. Le saumon coûte au moins le double du prix, et la source est souvent problématique79. Deux portions de poisson gras (non frit) par semaine sont recommandées par les lignes directrices de l’American Heart Association (recommandation conditionnelle; données probantes de qualité modérée)47. Les suppléments d’huiles de poisson ne peuvent plus être recommandés pour la prévention des MCV, que ce soit en prévention primaire ou secondaire et qu’importe la dose (recommandation forte; données probantes de grande qualité). Si une personne choisit d’utiliser les huiles de poisson pour d’autres bienfaits perçus, la dose devrait demeurer inférieure à 1 g par jour pour minimiser le risque de FA. Des suppléments dérivés des microalgues sont accessibles pour les végétariens et les véganes.
Produits pharmaceutiques : Les recommandations à la Figure 2 se fondent sur les lignes directrices sur la dyslipidémie de la Société canadienne de cardiologie63, qui sont les lignes directrices les plus récentes et les plus pertinentes.
Diagramme sur l’utilisation des suppléments d’AGO3 pour atténuer le risque de MCV
En prévention primaire, il vaut mieux respecter les préférences des patients en ce qui concerne l’augmentation de la consommation de poisson ou d’huiles de poisson et garder à l’esprit que les huiles de poisson ne sont pas efficaces en prévention des MCV. Les lignes directrices de la Société canadienne de cardiologie recommandent d’envisager l’icosapent éthyle, un ester éthylique d’EPA, administré à raison de 2 g 2 fois par jour pour les patients diabétiques qui ont 1 ou plusieurs autres facteurs de risque de MCV et des taux de triglycérides se situant entre 1,5 et 5,6 mmol/L, et qui prennent une statine appropriée à la dose adéquate (recommandation forte; données probantes de grande qualité). Cette recommandation se fonde sur l’étude REDUCE-IT6, dans laquelle seulement 29,3 % des participants étaient inscrits pour la prévention primaire. Même si cette étude a conclu que la cohorte de la prévention primaire n’avait pas obtenu de bienfaits, d’autres auteurs croient que l’étude n’avait pas la puissance statistique pour dégager des bienfaits significatifs59.
Les patients susceptibles de bénéficier des AGO3 en prévention secondaire devraient d’abord prendre une statine appropriée à une juste dose, avec ou sans agents hypolipidémiants adjuvants. Si les taux de triglycérides se situent entre 1,5 et 5,6 mmol/L, les taux de cholestérol à lipoprotéines non à haute densité ou les taux d’apolipoprotéines B devraient servir de seuils thérapeutiques pour le dosage des statines et on devrait offrir à ces patients 2 g d’icosapent éthyle 2 fois par jour. Une combinaison d’EPA et de DHA à des doses semblables ne devrait pas être utilisée en raison de l’absence de bienfaits dans l’étude STRENGTH, interrompue tôt pour cause de futilité12 (recommandation forte; données probantes de grande qualité).
Conclusion
En ce qui a trait à la prévention des MCV à l’aide des AGO3, toutes les lignes directrices continuent de recommander au moins 2 portions de poisson gras par semaine, même si les bienfaits des AGO3 ne sont probablement observés qu’en prévention secondaire. Les préparations d’huiles de poisson et les combinaisons d’EPA et de DHA n’ont pas produit de bienfaits, quels que soient la dose et le niveau de prévention, chez les patients à qui on a prescrit des statines de manière appropriée. L’acide eicosapentaénoïque à forte dose procure des bienfaits considérables chez certains patients qui prennent des statines et ont des taux élevés de triglycérides.
L’acide eicosapentaénoïque seul réduit les risques résiduels chez les patients qui prennent des statines. Des EPA à forte dose procurent des bienfaits considérables aux patients dont les taux de triglycérides se situent entre 1,5 et 5,6 mmol/L et qui prennent une statine appropriée à une dose adéquate, qui ont une MCV (prévention secondaire), ou encore qui ont le diabète et 1 ou plusieurs autres facteurs de risque CV (prévention primaire).
Il y a une hausse relative importante dans l’incidence de FA avec l’utilisation d’AGO3 à forte dose, mais la hausse absolue est minime. Aucune indication de préjudice n’a été constatée à des doses inférieures à 1 g par jour.
Notes
Points de repère du rédacteur
▸ Concernant la prévention des maladies cardiovasculaires (MCV) par des acides gras oméga-3, toutes les lignes directrices continuent de recommander au moins 2 portions de poisson gras par semaine, même si les bienfaits ne sont probablement observés qu’en prévention secondaire. Les huiles de poisson et les préparations qui combinent l’acide eicosapentaénoïque et l’acide docosahexaénoïque n’ont pas démontré de bienfaits, quels que soient la dose et le niveau de prévention, chez les patients à qui on a prescrit des statines de manière appropriée.
▸ L’acide eicosapentaénoïque seul réduit les risques résiduels chez les patients qui prennent des statines. L’acide eicosapentaénoïque à forte dose procure des bienfaits considérables chez les patients dont les taux de triglycérides se situent entre 1,5 et 5,6 mmol/L, et qui prennent une statine appropriée à une dose convenable et souffrent de MCV (prévention secondaire), ou chez ceux qui ont le diabète et 1 facteur de risque additionnel ou plus de MCV (prévention primaire).
▸ Il y a une hausse relative importante dans l’incidence de fibrillation auriculaire avec l’utilisation d’acides gras oméga-3 à forte dose, mais la hausse absolue est minime. Aucune indication de préjudice n’a été constatée à des doses inférieures à 1 g par jour.
Footnotes
Intérêts concurrents
Le Dr N. John Bosomworth faisait partie du groupe d’experts secondaire qui a passé en revue les plus récentes lignes directrices canadiennes sur la dyslipidémie de 2021 dont il a été question dans l’article.
Cet article donne droit à des crédits d’autoapprentissage certifiés Mainpro+. Pour obtenir des crédits, allez à https://www.cfp.ca et cliquez sur le lien vers Mainpro+.
Cet article a fait l’objet d’une révision par des pairs.
The English version of this article is available at https://www.cfp.ca on the table of contents for the July 2023 issue on page 459.
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