Question clinique
Comment pouvons-nous aider les adultes plus âgés qui éprouvent des changements cognitifs à la suite d’un séjour à l’unité de soins intensifs (USI)?
Résultats
Le syndrome post-soins intensifs (SPSI) comprend une déficience cognitive ou physique, nouvelle ou aggravée, à la suite d’une admission à l’USI, qui persiste au-delà de l’hospitalisation pour soins aigus1. La hausse anticipée de la prévalence du SPSI en raison du vieillissement de la population au Canada a des répercussions importantes sur les patients à l’USI, leur famille et le système de santé canadien. La prévalence plus élevée du SPSI a aussi des conséquences pour les médecins de famille, car ils prennent en charge la majorité des soins post-hospitalisation des personnes qui survivent à leur séjour à l’USI. Cet article résume les faits saillants de travaux publiés dans le Canadian Geriatrics Society Journal of CME2.
Données probantes
La déficience cognitive du SPSI est fréquente, et sa prévalence moyenne varie de 35 à 81 % à 3 mois après le congé de l’USI (en se fondant respectivement sur des évaluations cognitives subjectives et objectives)3.
Parmi les facteurs de risque figurent une déficience cognitive préexistante, un delirium, une durée plus longue de delirium, la présence d’un sepsis, un syndrome de détresse respiratoire aigu et un choc4,5.
Selon les recommandations de la Society of Critical Care Medicine, il faut faire un dépistage du SPSI chez les survivants d’un séjour à l’USI dans les 2 à 4 semaines suivant le congé de l’hôpital et effectuer des évaluations itératives par la suite6.
Quelque 46 % des survivants après un séjour à l’USI ont une déficience cognitive persistante 24 mois après le congé de l’hôpital3.
Approche
Il est important de reconnaître la déficience cognitive chez les survivants après un séjour à l’USI; la reconnaissance précoce, la prise en charge et le counseling peuvent mieux faire comprendre la trajectoire de la maladie aux patients et à leur famille, améliorer le fonctionnement et optimiser le soutien7. La prise en charge est résumée au Tableau 11,7-15.
Prise en charge de la déficience cognitive du SPSI
Un ensemble de critères pratiques pour détecter la déficience cognitive du SPSI devrait inclure :
des changements cognitifs nouveaux ou aggravés signalés subjectivement dans le contexte de l’anamnèse par le patient ou un informateur fiable;
des déficits observés objectivement dans des tests cognitifs;
la présence d’effets fonctionnels;
l’absence de causes ou de facteurs réversibles identifiés.
Mise en application
Anamnèse. Parmi les déficits observés chez les patients atteints de la déficience cognitive du SPSI, mentionnons la fonction exécutive (planification et séquençage des tâches), la mémoire à court terme, l’attention ou la concentration, et la vitesse du traitement mental16.
Il peut être difficile d’évaluer l’impact des changements cognitifs sur la vie d’un patient survivant d’un séjour à l’USI, car il peut aussi avoir une déficience physique liée au SPSI qui limite ses activités de base ou instrumentales de la vie quotidienne. Pour explorer les effets cognitifs sur le fonctionnement, on peut poser des questions comme la suivante : « Y a-t-il des choses que vous (ou la personne dont vous prenez soin) n’êtes plus capable de faire en raison de la façon dont vous réfléchissez (ou elle réfléchit), comme jouer aux cartes, faire des mots croisés ou un autre loisir? »
Tests objectifs. Nous suggérons de dépister la déficience cognitive en évaluant les domaines couramment affectés dans le contexte d’une évaluation exhaustive qui comprend des signalements, par le patient et l’aidant, de changements cognitifs associés à l’admission à l’USI. Il existe diverses options de tests cognitifs que vous pouvez choisir en fonction de la situation dans votre pratique et des besoins du patient17.
Variables confusionnelles. Il faut exclure d’autres facteurs pouvant causer la déficience cognitive. Il faut tenir compte des effets de nouveaux médicaments, comme les benzodiazépines, les antipsychotiques, les opioïdes ou les anticholinergiques, commencés à l’hôpital. Des troubles de l’humeur peuvent accompagner les changements cognitifs. L’apnée du sommeil obstructive passe facilement inaperçue; elle peut nuire à la fonction exécutive et coïncider avec la présentation de la déficience cognitive du SPSI.
On peut envisager un dépistage par des tests de base en laboratoire. S’il n’y a pas eu d’imagerie cérébrale depuis le congé de l’USI, il est raisonnable d’obtenir une tomodensitométrie sans contraste ou une imagerie par résonance magnétique, si elles sont accessibles. La neuroimagerie aide à évaluer les causes des changements cognitifs comme l’ischémie et peut guider le pronostic en faisant ressortir des prédispositions à des atrophies évocatrices de troubles neurocognitifs primaires, comme la maladie d’Alzheimer.
Les patients admis à l’USI avec un diagnostic de lésion cérébrale traumatique ou d’AVC sont habituellement exclus des études sur la déficience cognitive du SPSI. Par ailleurs, une démence préexistante n’est pas un critère d’exclusion, et les patients ayant une démence préexistante qui connaissent des déclins cognitifs après une admission à l’USI devraient être considérés comme ayant une déficience cognitive du SPSI.
Pronostic. Il est présumé que la variabilité du pronostic est liée à la maladie grave sous-jacente, comme un choc septique, un syndrome de détresse respiratoire aiguë ou un traumatisme3. Des facteurs comme un delirium ou la découverte d’une démence peuvent influer sur le pronostic chez les adultes plus âgés. Sur le plan pratique, on peut classer les pronostics comme suit :
Amélioration, si la déficience cognitive du SPSI est principalement attribuable au rétablissement d’un delirium : Les symptômes d’un delirium peuvent persister pendant 6 mois ou plus après le congé de l’hôpital chez les adultes plus âgés qui n’ont pas été admis à l’USI, mais la plupart d’entre eux s’améliorent avec le temps18. Étant donné que la prévalence du delirium chez les patients à l’USI peut être aussi élevée que 80 %, les patients qui présentent une déficience cognitive du SPSI peuvent avoir un potentiel semblable de s’améliorer dans les mois qui suivent le congé de l’USI18.
Stabilité, si la déficience cognitive du SPSI est principalement attribuable à une lésion cérébrale acquise (LCA) : Si la déficience cognitive du SPSI est principalement attribuable à une LCA à la suite d’une hypoxie, d’une hypotension, d’une dysrégulation du glucose ou d’une réaction inflammatoire ou à cytokines durant la maladie grave, les déficits peuvent être plus persistants, mais ils ne devraient pas s’aggraver s’il ne se produit pas de nouveaux incidents. Avec une réadaptation, de tels patients pourraient s’améliorer comme d’autres populations de patients ayant subi une LCA7,16.
Progression, si la déficience cognitive du SPSI est principalement attribuable à un trouble neurodégénératif préexistant ou découvert : Chez des adultes plus âgés dont la cognition était intacte, une autopsie peut révéler les changements neuropathologiques de la maladie d’Alzheimer sans qu’ils aient eu de symptômes cliniques19. Les caractéristiques de la démence peuvent apparaître lorsque d’autres facteurs de stress cérébral, comme un delirium ou un événement ischémique, épuisent la réserve cognitive d’une personne. Dans de telles circonstances, le déclin cognitif peut progresser avec le temps comme le font les syndromes de la démence.
Des évaluations itératives à 3, 6 et 12 mois après le congé de l’hôpital peuvent préciser la trajectoire cognitive d’un patient, ce qui peut orienter le counseling à propos du pronostic6. Une demande de consultation en médecine gériatrique ou en psychiatrie gériatrique peut être envisagée, selon les circonstances et l’accessibilité.
Il n’existe actuellement pas d’options pharmacologiques pour prendre en charge la déficience cognitive du SPSI; la prise en charge non pharmacologique est la pierre angulaire du traitement. Il faudrait établir des plans thérapeutiques individualisés à la suite d’une prise de décisions partagée entre le clinicien, le patient et les aidants.
Notes
Les Perles gériatriques sont produites de concert avec le Canadian Geriatrics Society Journal of CME, une revue révisée par des pairs publiée par la Société canadienne de gériatrie (http://www.geriatricsjournal.ca). Les articles font la synthèse des données probantes tirées des articles publiés dans la revue Canadian Geriatrics Society Journal of CME et présentent des approches pratiques à l’intention des médecins de famille qui soignent des patients âgés.
Footnotes
Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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The English version of this article is available at https://www.cfp.ca on the table of contents for the July 2023 issue on page 469.
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