
Quel est le but d’une revue médicale? Même s’il existe des ouvrages sur le sujet1, ils ne concernent pas précisément la médecine familiale. Le numéro de septembre du Médecin de famille canadien (MFC), qui présente à la fois des articles sur la responsabilité sociale et du contenu clinique, nous a portés à réfléchir à notre raison d’être.
Les revues en médecine familiale dans le monde adoptent différentes approches. L’American Family Physician ne publie plus d’articles de recherche; il se concentre plutôt sur du contenu concis, facile à assimiler2. Le British Journal of General Practice insiste davantage sur la recherche3. L’Australian Journal of General Practice a adopté une structure semblable à la nôtre en publiant une combinaison de recherches, de brefs contenus cliniques et d’essais4.
Comment déterminons-nous le contenu du MFC? Nous nous basons en partie sur votre rétroaction. Chaque année, nous distribuons notre sondage au lectorat. Les répondants, composés de membres du Collège des médecins de famille du Canada, expriment leurs opinions sur le contenu de la revue. Dans le plus récent sondage, les lecteurs s’accordaient pour se dire satisfaits de notre contenu clinique. Cependant, il y avait aussi des différences d’opinions marquées : certains ont dit que nous insistions trop sur des sujets d’ordre social, tandis que d’autres trouvaient que nous ne portions pas suffisamment attention aux enjeux sociaux.
Le présent numéro comporte du contenu clinique, mais aussi plusieurs articles sur la responsabilité sociale. Un commentaire (page 606) examine les obstacles posés par les coûts quand il s’agit de l’accès aux médicaments et propose une solution possible5. Anawati et ses collègues (pages 601 et 631) abordent la responsabilité sociale dans les soins de santé et parlent de la nécessité que les médecins de famille soient antiracistes, tant dans notre pratique que dans les systèmes où nous travaillons6,7.
Bien que les articles sur des thèmes sociaux puissent se heurter à une certaine résistance, il reste que la responsabilité sociale est reconnue comme une composante essentielle de l’éducation et de la pratique en médecine, comme en témoigne un rapport phare publié par l’Organisation mondiale de la Santé en 19958. La responsabilité sociale est maintenant devenue une norme à laquelle les facultés de médecine doivent se conformer pour être agréées9, et l’actualisation pluriannuelle courante du Référentiel de compétences CanMEDS accentue l’importance de la lutte contre l’oppression et le racisme10.
Le savoir clinique est l’élément vital de notre pratique au quotidien. Mais à quoi bon connaître les plus récentes lignes directrices sur le diabète si nous ne reconnaissons pas que nos patients ne rempliront pas leur ordonnance en raison des coûts? Je suis une médecin de race blanche et je travaille dans une communauté autochtone. Comment puis-je, étant dans une position privilégiée, travailler à éliminer le racisme dans ma propre pratique et dans la discipline de la médecine? Nous savons que les conséquences du racisme peuvent être désastreuses.
Joyce Echaquan était une Atikamekw qui avait des antécédents de cardiomyopathie. Elle a documenté par vidéo en direct des commentaires dérogatoires à son endroit venant de professionnelles de la santé, alors qu’elle était en détresse respiratoire. Elle est décédée par la suite d’un œdème pulmonaire secondaire à son problème cardiaque11. Dans le rapport de la coroner, il est écrit que « [l]e racisme et les préjugés auxquels Mme Echaquan a fait face ont certainement été contributifs à son décès »11.
En tant que revue médicale, le MFC a pour but d’informer nos lecteurs sur les plus récentes réflexions dans notre discipline et d’améliorer la qualité des soins à nos patients. Agir en médecins socialement responsables est une part essentielle de la prestation de soins de grande qualité. Nous devons examiner nos propres préjugés, conscients et inconscients, pour veiller à ce qu’aucun tort ne soit causé. En discutant de responsabilité sociale, nous espérons assurer que nos patients reçoivent les meilleurs soins possible, mais aussi prévenir des issues tragiques et injustes, comme le décès de Joyce Echaquan, âgée de 37 ans et mère de 7 enfants.
Footnotes
- Copyright © 2023 the College of Family Physicians of Canada