Ceci est ma deuxième chronique en tant que directeur général et chef de la direction, mais c’est la première qui est consacrée à mon nouveau rôle. Je sais ce que vous pensez : « Si le Collège a embauché Mike Allan, ça doit vouloir dire que l’heure est grave! ». Je me suis dit la même chose! En réalité, mon recrutement témoigne de l’engagement de notre Conseil d’administration envers les membres. Le Conseil d’administration vous a demandé à vous, à ses membres, de bien vouloir lui proposer des candidatures et a ciblé particulièrement des médecins de famille bien connus des membres. Bien entendu, pour le poste de directeur général et chef de la direction il fallait quelqu’un avec de l’expérience en leadership, en administration, et cetera, mais surtout, une personne ancrée dans la médecine de famille.
Qu’est-ce que ça signifie? Il y a des années de cela, un vendredi, en fin de journée, après avoir vu des patients pendant 8 heures, je m’apprêtais à me plonger dans la paperasse (mises à jour de dossiers, résultats d’analyses de laboratoire, orientations de patients et formulaires), tâche inévitable et la moins plaisante de chaque journée. Alors que la plupart des membres du personnel étaient partis, la dernière personne encore présente a passé la tête par la porte de mon bureau pour me demander si je pouvais prendre un appel. C’était un urgentologue qui téléphonait d’une autre province. Il était avec l’une de mes patientes, qui était très certainement en train de faire un infarctus du myocarde. L’urgentologue m’a demandé si je pouvais rassurer ma patiente pour qu’il puisse poursuivre le traitement.
C’est exactement ce que j’ai fait, et je lui ai même dit à un moment : « Vous devez laisser cet homme vous sauver la vie. » Après avoir rapidement mis fin à l’appel avec l’urgentologue, je me suis replongé dans la paperasse qui m’attendait pendant les 2 ou 3 heures suivantes. Par intermittence, j’ai essayé de me souvenir comment j’avais pu rendre cette patiente si excessivement dépendante de moi, puis je me suis rappelé tout ce que j’avais fait pour elle et sa famille au fil du temps. J’ai compris un peu mieux le rôle essentiel que nous, médecins de famille, jouons dans la vie de nos patients et la confiance immense qu’ils placent en nous. En rentrant chez moi, j’ai fini par accepter qu’il faut essayer de ne pas encourager la dépendance tout en étant reconnaissant de l’occasion qui nous est offerte de jouer un rôle prépondérant auprès des patients.
Je suis conscient qu’il y a beaucoup à faire au Collège. Il y a tant à faire. Et le pire, c’est que tout le travail devant nous est très important. La médecine de famille est en crise dans notre pays, et il serait dommage de ne pas essayer de tirer parti de la situation. Ces dernières décennies, nous avons répété à qui veut bien l’entendre, mais en particulier aux politiciens et aux leaders influents, que ce sont les médecins de famille qui fournissent le plus de soins au Canada et que c’est notre profession qui obtient les meilleurs résultats en santé.
Si l’on nous a tendu l’oreille à cet égard, l’idée que les médecins de famille sont extrêmement sous-rémunérés à tous les points de vue n’a, elle, jamais donné lieu à aucune mesure. Le problème, c’est que nous parlions de faits. Un bon ami m’a dit un jour, s’agissant de choix gouvernementaux et politiques : « Les faits, même intéressants, ne comptent pas. » Même si la valeur de la médecine de famille est indiscutable, les milliers de variables qui existent, y compris les cycles électoraux et les coûts engendrés par des enjeux concurrents, ont l’effet d’un ouragan sur les meilleurs efforts de planification. Aujourd’hui, alors que nous avons presque atteint l’œil de la tempête, nous commençons à voir de vrais changements pour les médecins de famille.
Nous constatons des améliorations en matière de rémunération et à d’autres égards, comme celui du fardeau administratif. Pourtant, de nombreux problèmes persistent. L’un de nos défis, ce sont les nombreux groupes que le Collège dessert et avec lesquels il interagit, à commencer par vous, nos membres, mais aussi les patients, les sections provinciales du Collège, les résidents, les étudiants en médecine, les universités, les organisations partenaires, les gouvernements, et j’en passe—faute d’imagination peut-être.
Bien que nous ayons de nombreux partenaires et associés dont les priorités individuelles sont parfois différentes et contradictoires, nous pouvons tous nous accorder sur une chose : nous voulons tous que la médecine de famille réussisse. Nous voulons que notre profession reçoive les mêmes soins que ceux auxquels nous avons consacré notre vie, et donc que l’ensemble de la population canadienne et des partenaires valorisent la profession de médecine de famille de la même façon que nos patients valorisent chacun d’entre nous.
Footnotes
This article is also in English on page 672.
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