Partout au Canada, les gouvernements provinciaux et territoriaux adoptent des approches différentes à l’égard des soins primaires virtuels. Par exemple, l’Ontario privilégie le financement des soins virtuels dans le cadre d’une relation établie entre un patient et un professionnel des soins primaires (PSP); Terre-Neuve-et-Labrador et les provinces maritimes ont accordé des marchés de plusieurs millions de dollars à des entreprises à but lucratif appartenant à des investisseurs pour offrir des services de soins virtuels directement aux consommateurs1. Même si ces gouvernements aspirent tous à améliorer les soins primaires, surtout l’accès aux soins primaires en temps opportun, l’adoption d’approches différentes laisse présager un manque de précision quant à la façon dont ces modèles influent sur la qualité des soins primaires, aux coûts pour le système de santé et aux issues sur le plan de la santé, et elle indique que ces modèles ont évolué en l’absence de normes législatives et réglementaires uniformes. De nombreuses organisations canadiennes ont présenté des recommandations de politiques2,3, mais rares sont celles qui ont abordé les répercussions des divers modèles de soins virtuels4,5.
Par conséquent, nous proposons une typologie pour catégoriser les approches en soins primaires virtuels au Canada dans le but d’établir un lien structuré entre les principaux attributs organisationnels et résultats en santé des divers modèles à l’aide de paramètres de la qualité des soins. Nous adoptons une perspective critique de l’économie politique, qui attire l’attention sur la façon dont la santé et les systèmes de santé, comme d’autres aspects de la société, sont façonnés par les structures économiques sous-jacentes6.
Soins primaires de grande qualité
De nombreuses études ont démontré que les soins primaires de grande qualité ont un énorme impact positif sur la santé individuelle et populationnelle7. C’est pourquoi on a voulu caractériser les éléments particuliers des soins primaires qui optimisent leur rendement. Starfield définit les principaux attributs des soins primaires comme étant « des soins de premier contact, continus, complets et coordonnés, dispensés à des populations indifférenciées selon le sexe, la maladie ou le système d’organes8 ». S’inspirant de cette définition, le modèle de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) sur le plan systémique décrit les soins primaires à rendement élevé comme étant le premier point de contact, des soins complets, coordonnés, centrés sur la personne, continus et accessibles9. Le modèle de l’OMS inclut aussi les attributs des soins de grande qualité de l’Institute of Medicine, notamment des soins donnés en temps opportun, intégrés, efficients, équitables, centrés sur la personne, efficaces et sécuritaires9. Dans la perspective systémique, l’OMS insiste sur l’importance de la couverture universelle, de la responsabilisation des personnes et de l’intégration des services de santé qui accordent la priorité aux soins primaires. Plus récemment, des érudits ont aussi mis l’accent sur l’importance fondamentale de l’infrastructure de l’information, puisque les systèmes de données ont le potentiel d’améliorer la majorité des aspects des soins, mais présentent aussi des risques (p. ex. épuisement des professionnels, préjudices à la santé et au bien-être des patients, bris de la confidentialité)10,11.
Soins virtuels au Canada
La plupart des gens au Canada ont eu accès à des soins virtuels (Tableau 1)12, habituellement fournis par leur propre PSP dans le contexte de soins complets13,14. Le téléphone est la méthode de soins virtuels la plus utilisée13. Certains PSP offrent aussi de la messagerie et des communications vidéo sécurisées, qui sont intégrées dans les plateformes de dossiers médicaux électroniques (DME) ou par l’intermédiaire d’autres plateformes commerciales distinctes15. Ces plateformes sont souvent des programmes de « logiciel en tant que service », selon lesquels l’entreprise de technologie stocke et maintient les données du patient dans un serveur à distance plutôt que local16.
Les fournisseurs de soins primaires au Canada sont des professionnels réglementés, principalement des MF indépendants qui travaillent seuls ou en petits groupes et sont rémunérés par un financement public provincial ou territorial17. Certains sont contractuels ou employés dans une clinique de santé sans but lucratif ou une société à but lucratif appartenant à des investisseurs (Encadré 1). Alors que les cliniques sans but lucratif facturent exclusivement le système public, les sociétés à but lucratif facturent parfois au privé ou offrent une combinaison de services de médecins de famille (MF) et d’infirmières praticiennes (IP) financés au privé et publiquement18. Le Canada compte aussi un petit nombre d’IP qui dispensent des soins primaires. Les infirmières praticiennes en soins primaires ne peuvent généralement pas facturer directement au bailleur de fonds publics et sont typiquement employées par des MF ou des cliniques sans but lucratif19. Par ailleurs, elles sont de plus en plus employées par des sociétés à but lucratif appartenant à des investisseurs qui facturent au privé pour des services d’IP en soins primaires20.
Principaux attributs organisationnels susceptibles d’influer sur la qualité des soins
Prestation des soins
Quel type d’entité administre et supervise la prestation des services de soins virtuels?
Quel type d’entité administre et opère la plateforme technique qui permet la visite virtuelle avec le PSP?
Intégration avec des soins en personne
Le service de soins virtuels est-il fourni dans le contexte d’une relation existante entre le patient et le PSP?
Le patient peut-il obtenir des soins complets en personne du même PSP ou de la même équipe de soins primaires?
Source du financement
Le service de soins virtuels d’un PSP est-il financé par le secteur public, le secteur privé ou une combinaison des 2 sources?
PSP—professionnel des soins primaires.
Au Canada, bon nombre de personnes ont aussi recours à des services de soins virtuels commerciaux offerts directement aux consommateurs (aussi appelés soins virtuels sans rendez-vous)21. Dans un tel modèle, les patients utilisent une plateforme de logiciels exclusifs (p. ex. une application ou un site Web) pour prendre un rendez-vous de soins virtuels avec un PSP qui ne fait pas partie de leur équipe de soins habituelle22. La plateforme appartient à une entreprise, habituellement une société à but lucratif appartenant à des investisseurs (Encadré 1). L’entreprise embauche des MF ou des IP, ou passe un marché avec eux pour fournir des soins primaires aux patients. La plupart de ces entreprises n’offrent pas de services en personne ou de rendez-vous de suivi avec le même professionnel23. Certaines facturent les services au système public pour des soins primaires fournis par des MF ou des IP, tandis que d’autres facturent les services aux patients ou aux employeurs de ces patients. D’autres encore les facturent au secteur public et au patient, par exemple en imposant des frais d’abonnement pour accéder à des services de médecins financés par l’État18. En outre, de nombreuses entreprises alternent, au fil du temps et selon la région, entre les modèles de financement, et ce, en fonction de la réglementation en vigueur et du montant que le bailleur de fonds publics verse pour un rendez-vous en soins virtuels24. Par exemple, lorsque l’Ontario a diminué les paiements pour les services de soins virtuels qui n’étaient pas intégrés dans des soins continus (services directs au consommateur), de nombreuses plateformes se sont tournées vers un modèle d’abonnement payé au privé ou ont trouvé d’autres façons de facturer leurs services aux patients individuellement24.
Développement de la typologie
Pour élaborer notre typologie, nous avons identifié de nombreux types « idéaux » de services de soins virtuels. Les types idéaux sont des combinaisons uniques d’attributs organisationnels dont « on croit qu’ils déterminent les issues appropriées »25 et, dans le cas présent, des soins de santé primaires de grande qualité. Il convient de souligner qu’une typologie n’est pas constituée de classifications exhaustives mutuellement exclusives, mais plutôt de types organisationnels basés sur les résultats25. Pour commencer, nous avons cerné les principaux attributs organisationnels distincts et susceptibles d’influer sur la qualité des soins primaires. Parmi ces attributs figurent la prestation des soins, l’intégration dans des soins en personne et le financement des soins (Encadré 1).
Ces attributs ont servi à produire notre typologie, qui inclut 3 types principaux et 4 sous-types de modèles de soins virtuels au Canada. Dans le modèle des PSP réglementés, les soins virtuels sont supervisés par un PSP réglementé, soit un FP ou une IP; ils dépendent d’une tierce entreprise de technologie à but lucratif (p. ex. un fournisseur de DME) pour la collecte et le stockage des données; ils sont intégrés dans des soins complets, continus et en personne; et ils sont facturés à un bailleur de fonds publics. Le modèle sans but lucratif est semblable, mais l’organisation sans but lucratif supervise les soins. Dans le modèle commercial de soins virtuels, une société à but lucratif appartenant à des investisseurs supervise les soins, la collecte et le stockage des données. Les soins peuvent être ponctuels (sous-type ponctuel) ou intégrés dans des soins complets en personne (sous-type intégré). Les services des MF et des IP peuvent être facturés au régime public (sous-type financé par le secteur public), financés par le privé (sous-type financé par le privé) ou financés par une combinaison des 2 modes (sous-type financé par le privé) (Tableaux 2 et 3)26-29.
Répercussions : types et résultats connexes
Modèle des PSP réglementés. Le modèle des PSP réglementés a le potentiel d’améliorer la qualité des soins aux patients en offrant des soins virtuels intégrés dans des soins complets, continus et en personne. La continuité des soins est associée à de meilleures issues en santé, à des coûts moins élevés pour le système et à une grande satisfaction des patients30,31. L’accès inhérent du modèle des soins en personne peut potentiellement atténuer les risques de surdiagnostic et de surtraitement qui peuvent se produire avec des approches déconnectées, exclusivement virtuelles32,33. En outre, ce modèle est plus susceptible que d’autres de réduire les coûts pour le système de santé34-36. Par ailleurs, les patients qui n’ont pas de PSP ne bénéficient pas de ce modèle, parce que seuls les patients rattachés peuvent avoir accès à ces services de soins virtuels. En outre, parce que les gouvernements n’ont pas obligé les tierces entreprises (p. ex. les fournisseurs de technologie de l’information sur la santé) à fournir une infrastructure visant à recueillir, stocker et partager les données sur les patients qui puisse être interopérable à l’aide d’autres plateformes, le modèle perpétue la discontinuité informationnelle37,38.
Modèle sans but lucratif. Le modèle sans but lucratif (p. ex. centres de santé communautaires) a aussi le potentiel de fournir des soins virtuels de grande qualité, parce que ce modèle offre des soins complets, continus et en personne. De plus, bon nombre de ces centres ont le mandat d’accorder la priorité d’accès aux populations structurellement marginalisées, dont les besoins sont plus importants, ce qui aide à atténuer les iniquités dans l’accès aux soins39. Comme dans le cas du type des PSP réglementés, la discontinuité informationnelle demeure un problème.
Modèles commerciaux
Sous-types financés par le secteur public : Les sous-types des modèles commerciaux financés par le secteur public ont le potentiel d’accroître l’accès rapide et pratique aux soins au moyen d’une plateforme virtuelle qui étend sa portée dans toute la région, sans se limiter à une clinique en briques et en mortier. En tant que tels, ils semblent procurer une grande satisfaction chez les patients40,41. Par ailleurs, comme les modèles des PSP réglementés et sans but lucratif, les modèles commerciaux financés publiquement rencontrent aussi des difficultés à trouver des PSP pour fournir des services de santé42. Il est problématique que la plupart de ces plateformes soient du type ponctuel, donnant peu ou pas d’accès à des soins en personne24. Par conséquent, ils nuisent à la continuité des soins30,31 et peuvent entraîner l’omission de poser des diagnostics ou encore des surdiagnostics et des surtraitements32,33. Le sous-type ponctuel peut aussi influer négativement sur la viabilité du système de santé dans la mesure où des PSP abandonnent la pratique des soins primaires complets, ou y consacrent moins de temps, en faveur de la prestation de services de soins virtuels ponctuels. De plus, en raison de l’accès rapide et pratique aux soins, ce modèle peut augmenter les coûts pour le système de santé en alimentant le recours à des soins de peu de valeur34. L’absence de soins en personne peut accroître le nombre de visites de suivi et de visites au département d’urgence par rapport aux modèles intégrés21,43. Enfin, ce modèle ne semble pas offrir d’économies de coûts immédiates : lorsque les gouvernements paient moins pour les soins virtuels que pour les services en personne, les entreprises cessent d’offrir le service de soins virtuels financés par le secteur public et facturent plutôt le service au patient directement44,45.
Sous-types financés par le secteur privé : Les sous-types financés par le secteur privé (avec un financement au privé ou mixte privé et public) posent des problèmes additionnels. Ces modèles créent un système à 2 vitesses selon lequel ceux qui sont capables de payer ont un accès rapide aux services et ceux qui ne le sont pas sont exclus des soins23,46. Aussi, la privatisation des services augmentera probablement les coûts globaux du système de santé47-49. De plus, parce que les sous-types financés par le privé ne fournissent pas de renseignements sur la facturation aux gouvernements provinciaux ou territoriaux, les entités universitaires et gouvernementales n’ont pas accès aux données sur les patients à des fins de recherche ou d’amélioration du système de santé18.
Tous les modèles commerciaux : Étant donné que les entreprises propriétaires de modèles commerciaux de soins virtuels (p. ex. sous-types intégrés et ponctuels) sont habituellement des sociétés à but lucratif appartenant à des investisseurs, elles ont des obligations envers les actionnaires18. La nécessité de produire des rendements pour les actionnaires augmente non seulement les coûts, mais peut aussi entraîner des pratiques d’affaires qui ne sont pas dans l’intérêt supérieur des patients. Par exemple, plusieurs sociétés qui ont une plateforme de soins virtuels au Canada utilisent les données d’inscription des patients et les renseignements des utilisateurs pour commercialiser d’autres produits et services22. Certaines utilisent aussi les renseignements personnels sur la santé pour influer sur les parcours de soins des patients aux fins de gains commerciaux22. En outre, parce que les entreprises semblent considérer les données des patients comme un actif générateur de profits, elles peuvent être réticentes à partager ces données avec l’ensemble du système de santé, aggravant ainsi la discontinuité informationnelle22. L’imputabilité envers les actionnaires signifie aussi que les sociétés commencent à facturer aux patients individuellement ou à changer les services offerts lorsque les fonds publics ne produisent plus des rendements acceptables45.
Recommandations
Nous recommandons que les parties concernées plaident en faveur de l’élargissement des modèles de PSP réglementés et sans but lucratif de soins virtuels, selon lesquels les soins virtuels sont intégrés dans des soins primaires complets et continus. Comme il est décrit ici, ces modèles ont le potentiel d’améliorer les résultats en santé et de produire des économies pour le système de santé. Nous avons plusieurs mises en garde. Dans le renforcement du soutien à ce modèle, les gouvernements provinciaux et territoriaux devraient créer et réglementer des systèmes de soins primaires dans lesquels tous ont un accès opportun garanti à des soins primaires de grande qualité, y compris des soins virtuels. Le modèle d’interopérabilité du gouvernement fédéral, proposé dans le projet de loi C-7250, devrait être opérationnalisé de manière harmonieuse dans les provinces et les territoires. Cette loi n’est qu’une première étape. Les gouvernements devraient produire des lois et des règlements exhaustifs s’appliquant aux plateformes de soins virtuels, aux systèmes de DME et à d’autres technologies pour assurer qu’ils soutiennent des soins de grande qualité et atténuent toutes formes de préjudices sur le plan des données sur la santé. En outre, des lois sont nécessaires de toute urgence pour mieux protéger les données sur la santé, y compris les renseignements personnels sur la santé dépersonnalisés. Les gouvernements devraient envisager des approches novatrices, comme la création d’un modèle d’intendance des données centrées sur la personne plutôt qu’un modèle de détention des données sur la santé37, et créer des systèmes publics ou sans but lucratif de DME38 (Encadré 2).
Mesures que peuvent prendre les parties concernées à l’appui de soins primaires de grande qualité
Gouvernement fédéral
Créer des mécanismes pour encourager les provinces et les territoires à renforcer leur soutien aux soins primaires complets
Faire en sorte que le projet de loi fédéral proposé sur l’interopérabilité soit adopté et opérationnalisé
Renforcer les lois sur la confidentialité des données
Combler les lacunes qui permettent la facturation par le secteur privé et un système de santé à 2 vitesses
Gouvernements provinciaux et territoriaux
Renforcer le soutien aux soins primaires complets
Créer des systèmes de soins primaires imputables
Privilégier le financement des soins virtuels qui sont intégrés dans des soins continus
Opérationnaliser la loi sur l’interopérabilité dans leur champ de compétence et entre les compétences
Renforcer les lois sur la confidentialité des données sur la santé
Combler les lacunes qui permettent la facturation par le secteur privé et un système de santé à 2 vitesses
Ordres professionnels
Décourager les professionnels de consentir à partager les données sur les patients avec des entités commerciales sans le consentement des patients
Décourager les professionnels de travailler avec des entités qui facturent au privé
Professionnels des soins primaires
Aspirer à travailler dans des modèles qui fournissent des soins virtuels intégrés
Ne pas consentir à partager des données sur les patients avec des entités commerciales sans un consentement explicite des patients
Ne pas travailler pour des entités qui facturent au privé pour des services de santé nécessaires
Organisations qui représentent les professionnels des soins primaires, les patients, les groupes et les communautés
Plaider en faveur d’un accès élargi à des soins primaires de grande qualité et à des soins virtuels intégrés
Plaider en faveur de mécanismes pour éliminer les soins de santé à 2 vitesses
Plaider en faveur de l’opérationnalisation harmonisée du projet de loi fédéral proposé sur l’interopérabilité
Entreprises dotées de plateformes de soins virtuels
Faire en sorte que les soins virtuels soient intégrés dans des soins complets, continus et en personne
Suivre les pratiques exemplaires pour rendre les données interopérables
Facturer les services de soins virtuels au système de santé public
Ne pas combiner les services de soins virtuels financés par le secteur public avec des services payés au privé
Si les parties concernées soutiennent les modèles commerciaux financés par le secteur public, elles devraient exiger des normes de soins semblables. Les gouvernements devraient demander que les soins virtuels soient intégrés dans des soins primaires complets et continus, et qu’ils fassent partie d’un système imputable qui assure que tous ont un accès en temps opportun à des soins de grande qualité. Comme il est décrit ici, les gouvernements devraient produire des lois et des règlements exhaustifs pour veiller à ce que les plateformes, les DME et d’autres technologies facilitent des soins primaires de grande qualité. Pour ce faire, il faut opérationnaliser le modèle d’interopérabilité du gouvernement fédéral et mieux protéger les données sur la santé. Toutes les données recueillies par les systèmes de santé provinciaux et territoriaux devraient être considérées comme un bien public, et non pas une source de revenus potentiels, et être sous la gouvernance du secteur public. Si les gouvernements ne fixent pas ces normes, les modèles commerciaux présentent des risques considérables pour la continuité des soins, l’accès à des soins complets, l’interopérabilité et la confidentialité des données. Cependant, les parties concernées devraient savoir que ces sociétés du secteur privé appartenant à des investisseurs ont des obligations de générer des gains pour les actionnaires, ce qui pourrait influer négativement sur la santé des patients et les systèmes de santé de manières telles que les gouvernements pourraient ne pas anticiper22. C’est pourquoi les gouvernements devraient être préparés à apporter des modifications aux lois, aux règlements et aux contrats.
Nous recommandons fortement aux parties concernées de ne pas soutenir les modèles commerciaux de soins virtuels financés par le secteur privé (ou financés partiellement par le privé49). Il est probable que ces modèles augmentent les coûts pour le système de santé et alimentent les iniquités en créant un système à 2 vitesses. C’est pourquoi les gouvernements devraient limiter ce modèle en investissant dans des soins primaires complets, financés par le secteur public, et en comblant les lacunes dans les lois actuelles qui avaient pour but de décourager la facturation au privé et la subvention publique d’un système privé51. Plus précisément, les gouvernements devraient augmenter le financement des IP en soins primaires; désigner les services de soins virtuels (y compris la communication par messagerie) et les services en soins primaires par des IP comme étant des services de santé nécessaires en vertu de la Loi canadienne sur la santé52; et interdire de manière explicite aux entreprises d’imposer des frais d’abonnement pour l’accès à des services de santé nécessaires.
Conclusion
Notre typologie offre la clarté requise pour alimenter une discussion continue sur les façons dont différents modèles de soins virtuels influent sur les issues en santé et sur le fonctionnement du système de santé. Elle met en lumière le besoin urgent d’une réforme des politiques publiques pour aborder non seulement la qualité des soins primaires virtuels, mais aussi des soins primaires dans leur ensemble. Les gouvernements et les autres parties concernées doivent promouvoir l’expansion de services de soins primaires complets et responsables, avec des soins virtuels intégrés. Ils doivent aussi élaborer des mécanismes pour assurer l’interopérabilité dans tous les milieux de soins de santé et dans toutes les régions, et mieux protéger la confidentialité des patients. Autrement, les provinces et les territoires sont à risque de perpétuer une mosaïque d’approches, dont certaines nuisent à la promesse des soins primaires et aux objectifs de la Loi canadienne sur la santé52. Par conséquent, les travaux à venir devraient se pencher sur les façons de mieux concevoir une approche de politiques publiques, y compris définir les rôles de chaque groupe d’intervenants, à l’appui de services de soins virtuels de grande qualité au sein d’un modèle de soins primaires complets et responsables. Les futurs travaux devraient aussi examiner et comparer les approches et les recommandations adoptées par d’autres instances.
Footnotes
Intérêts concurrents
Aucun déclaré
Les opinions exprimées dans les commentaires sont celles des auteurs. Leur publication ne signifie pas qu’elles soient sanctionnées par le Collège des médecins de famille du Canada.
Cet article a fait l’objet d’une révision par des pairs.
The English version of this article is available at https://www.cfp.ca on the table of contents for the November/December 2024 issue on page 689.
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