Durant une entrevue, l’auteur américain de science-fiction Ray Bradbury a dit qu’il ne voulait pas prédire l’avenir et que tout ce qu’il souhaitait, c’était le prévenir1.
L’évolutivité de la médecine familiale est le thème du numéro de mars du Médecin de famille canadien et, en tant que médecin de famille qui exerce depuis plus de 3 décennies, jamais je n’ai vu l’avenir de notre profession et de notre système de santé plus nébuleux ou incertain.
Alors que nous émergeons lentement de la pandémie de la COVID-19, une multitude de défis se sont révélés au grand jour. Ils varient d’une grave pénurie de médecins de famille2 et d’autres professionnels des soins primaires à un épuisement professionnel généralisé3 chez ceux qui travaillent encore dans le système, engendré par des facteurs comme l’écrasante augmentation de ce qu’on appelle à la légère du travail administratif, mais qui est intimement lié aux impacts des dossiers médicaux électroniques4. Le premier problème peut être attribué à une mauvaise planification; le deuxième, à l’omission de comprendre ou d’anticiper les conséquences involontaires d’une technologie dans la pratique—un échec de l’humanité souvent réitéré.
Nous vivons maintenant dans un futur que nous aurions peut-être pu éviter. Dans la revue du mois, deux articles proposent des façons de prévenir un avenir qui pourrait être bien pire et d’en créer un qui pourrait être bien meilleur pour tous.
Dans un commentaire, les Drs Alan Katz et Alexander Singer tentent de s’attaquer au problème d’une mauvaise planification (page 158)5. Ils préconisent un changement « révolutionnaire plutôt qu’évolutionnaire », qui comporte : un investissement majeur dans la médecine familiale et le système des soins primaires; des modes de financement qui s’éloignent de la rémunération à l’acte et soutiennent les soins en équipe; des politiques qui se traduisent en un partage d’information presque en temps réel, qui suit les patients dans l’ensemble du système de santé; la connexion et l’intégration de la planification et de la prestation des services de soins primaires avec d’autres services sociaux et de santé; et une formation en médecine familiale à l’appui des dirigeants et des membres de l’équipe de soins primaires dans la prestation de soins de grande qualité en équipe5.
Un rapport du groupe de travail sur l’IA (intelligence artificielle), sous la direction de la Dre Jacqueline Kueper, fellow TechForward du CMFC et d’AMS en 2021, se penche sur le deuxième problème—l’omission d’anticiper les conséquences involontaires de la technologie—et présente des principes directeurs pour la recherche et la mise en œuvre de l’IA en médecine familiale (page 162)6. Le rapport est un document enrichissant qui inclut de nombreuses recommandations et mises en garde, dont l’une reconnaît qu’on s’attend à ce que la recherche, si elle se poursuit selon la trajectoire actuelle, produise une approche fragmentée et commercialement axée de l’IA pour la médecine familiale, et engendre des bienfaits discutables et des iniquités exacerbées6.
Ces visions d’un futur système de soins de santé primaires hautement efficace au Canada et du rôle que jouera l’IA pour nous aider à les réaliser sont optimistes et pleines d’espoir. La réussite exigera des plaidoyers et du soutien de la profession, l’acceptabilité du public, le courage des politiciens et l’engagement du secteur privé envers un partenariat responsable avec le secteur public.
N’essayons pas de prédire l’avenir, mais plutôt d’en créer un dans lequel nous aimerions tous vivre.
Footnotes
Les opinions exprimées dans les éditoriaux sont celles des auteurs. Leur publication ne signifie pas qu’elles soient sanctionnées par le Collège des médecins de famille du Canada.
This article is also in English on page 150.
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