
Dans la pièce de théâtre d’Alan Bennett intitulée The History Boys, couronnée par un Tony Award, un groupe d’étudiants se prépare à l’examen d’admission à l’Université d’Oxford et à l’Université de Cambridge sous le tutorat de 3 enseignants très différents, et l’un des tuteurs dit aux étudiants :
Les meilleurs moments, dans la lecture, c’est lorsque vous tombez sur une chose—une pensée, un sentiment, une façon de voir les choses—que vous trouviez spéciale et qui vous appartenait. Et maintenant, voilà que c’est couché sur papier par quelqu’un d’autre, une personne que vous n’avez jamais rencontrée, quelqu’un qui est même décédé depuis long-temps. C’est comme si une main s’était tendue et avait pris la vôtre1.
Ces mots et ces sentiments me sont venus à l’esprit lorsque je suis retourné dans le temps en lisant les archives du Médecin de famille canadien (MFC) (disponibles en ligne par l’entremise de la National Library of Medicine2) afin de me préparer à rédiger cet éditorial pour célébrer le 70e anniversaire de la revue.
Le tout premier numéro de la revue sous le titre Le Médecin de famille canadien remonte à juillet 1967, dans le cadre d’un projet du centenaire canadien de ce qu’on appelait autrefois le College of General Practice of Canada. (En reculant encore plus loin dans l’histoire, la publication avait commencé sous forme de bulletin du Collège en 1954 et elle est devenue le Journal of the College of General Practice of Canada en 1960, alors que la direction et le conseil d’administration du Collège en supervisaient la publication3.) Lorsque la publication a cessé d’être un bulletin du Collège pour devenir une revue médicale indépendante, dotée d’un mandat plus large, le premier directeur de la rédaction du MFC, le Dr Rodger Whitman, a posé dans son éditorial inaugural la question suivante : « Votre revue médicale, que représente-t-elle pour vous4? »
L’une des découvertes surprenantes que j’ai faites en me replongeant dans l’histoire du MFC est que les sujets de préoccupation des lecteurs et des collaborateurs de la revue n’ont pas changé. Les questions entourant notre identité—par exemple, sommes-nous des médecins en pratique générale ou des spécialistes en médecine familiale5,6 —se posent depuis 7 décennies. Les délibérations concernant la durée appropriée de la formation pour devenir un médecin de famille entièrement compétent—2 années par rapport à 3 ou plus—n’étaient pas moins controversées dans les itérations passées7 que dans les plus récentes8. Parmi les aspects pratiques et cliniques de notre travail, les pièges des soins de santé préventifs, pour ne nommer que ceux-là, sont impérissables9.10.
Sans surprise, un thème récurrent dans le MFC porte sur l’avenir de la médecine familiale, sujet souvent repris par les directeurs de la rédaction de la revue, y compris moi-même11. David Woods comptait parmi les premiers à le faire en 1970 :
Même s’il est réconfortant de nous rappeler les années 1960—la décennie de la pilule, de la transplantation du cœur et de « l’usage non médical des médicaments »—et les autres réalisations de la médecine durant ces années, le rythme accéléré de la vie et de la technologie ne nous laisse le temps que d’un bref regard sur elles, par-dessus notre épaule12.
Qu’aurait-il pensé des changements qui se produisent rapidement aujourd’hui en médecine familiale et dans le monde, de la crise climatique aux turbulences croissantes de la technologie?
Alors que nous célébrons le 70e anniversaire du MFC et que nous essayons de nous imaginer l’avenir de la médecine familiale, il n’y a pas de meilleur moment pour revenir à la question du chef de la rédaction fondateur : votre revue médicale, que représente-t-elle pour vous?
Footnotes
Les opinions exprimées dans les éditoriaux sont celles des auteurs. Leur publication ne signifie pas qu’elles soient sanctionnées par le Collège des médecins de famille du Canada.
This article is also in English on page 369.
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