Question clinique
Comment devrions-nous traiter l’incontinence urinaire (IU) chez les patients plus âgés et fragiles?
Résultats
Les aînés robustes souffrant d’IU devraient être traités de manière semblable à celle utilisée chez des adultes plus jeunes. Chez les adultes âgés et fragiles, il est important de soupeser les risques et les bienfaits du traitement, de fixer des objectifs réalistes sur le plan des résultats et d’encourager une discussion entre les professionnels, les patients et les partenaires aidants. Les soins de continence chez les adultes âgés atteints de fragilité se concentrent sur l’examen de facteurs comme les comorbidités, les médicaments et la constipation, de même que sur la recommandation de mesures conservatrices comme la rééducation vésicale et des muscles du plancher pelvien. Pour ceux qui vivent dans des milieux d’habitation collective, des mesures comme l’incitation à la miction, la miction programmée et des moyens de rétention peuvent convenir. Ni l’âge avancé ni la fragilité ne représentent des obstacles absolus à des traitements pour l’incontinence, quels qu’ils soient, y compris des médicaments et des interventions chirurgicales. Une revue détaillée de ce sujet a été publiée en 2015 dans le Canadian Geriatrics Society Journal of CME1.
Données probantes
Il a été démontré que des exercices musculosquelettiques, y compris pour la démarche et l’équilibre, de même que la rééducation des muscles du plancher pelvien comme prescrit, apportent des bienfaits2,3.
La réduction de la consommation de caféine peut être utile, mais les données probantes sont limitées4.
L’apport liquidien devrait se situer à environ 1,5 à 2,0 L par jour5.
Il a été démontré que l’oxybutynine cause des effets cognitifs indésirables. Des études à court terme ont fait valoir que des agents plus récents, comme le trospium, la solifénacine, la fésotérodine, l’oxybutynine topique, la toltérodine, la darifénacine, et le mirabégron, sont plus sécuritaires chez les personnes plus âgées qui n’ont pas de déficience cognitive6.
La solifénacine à une dose de 5 mg par jour pourrait présenter un plus faible risque de causer une déficience cognitive chez les aînés atteints d’une légère déficience cognitive7.
Des données probantes étayent l’innocuité de la fésotérodine chez les adultes plus âgés vulnérables et atteints de fragilité8.
Des données probantes indiquent que le mirabégron est sûr et efficace chez les adultes plus âgés9.
Les agents de comblement urétral peuvent être bénéfiques pour l’incontinence de stress chez les femmes plus âgées et fragiles10.
Approche
Une évaluation structurée de la continence peut aider à poser un diagnostic clinique et à orienter la prise en charge des problèmes courants comme l’hyperactivité vésicale, l’IU de stress, l’incontinence mixte, l’incontinence par regorgement et l’incontinence fonctionnelle (consulter le Tableau 4 dans le Canadian Geriatrics Society Journal of CME1 ou la partie 1 de cette série de 2 articles sur l’IU chez les adultes plus âgés11). Il faut tenir compte des facteurs déclencheurs sous-jacents, comme les comorbidités et les médicaments, si applicable11.
Approches conservatrices. Il faudrait normaliser l’apport liquidien à environ 1,5 à 2 L par jour5,12. On peut suggérer de réduire la caféine4,12. Les médicaments qui contribuent à l’IU devraient être diminués ou cessés progressivement, si possible11.
La rééducation vésicale est une approche cognitive selon laquelle la personne utilise des techniques de suppression de l’impériosité pour améliorer la durée de rétention de l’urine et réduire l’incontinence13, mais elle exige l’adhésion du patient et un maintien en mémoire, et elle pourrait être moins efficace chez les personnes atteintes de démence14.
Chez les personnes dont l’état de fragilité ou de déclin cognitif est plus avancé, d’autres approches peuvent être utilisées pour réduire la fréquence des épisodes d’incontinence au lieu de normaliser les habitudes vésicales.
L’incontinence fonctionnelle désigne une IU principalement causée par des déficiences fonctionnelles ou cognitives qui empêchent une personne de trouver des toilettes appropriées, de s’y rendre et de les utiliser. Pour ces personnes, une approche individualisée est essentielle pour cerner et atténuer ces difficultés au moyen, par exemple, d’une physiothérapie pour la démarche et la mobilité, d’une aide à la marche, d’accommodements environnementaux (p. ex. des panneaux indicateurs et de l’éclairage dans les salles de bain des établissements d’habitation collective), d’urinoirs portables et de chaises d’aisance au chevet du lit.
L’incitation à la miction comporte d’encourager les personnes à aller aux toilettes par des renforcements positifs. Il a été démontré qu’elle réduit les épisodes d’IU et augmente le nombre de visites aux toilettes à l’initiative de la personne chez les résidents des établissements de soins de longue durée15. La rééducation des habitudes consiste à consigner les tendances dans les mictions, ce que fait l’aidant en tenant un journal des mictions et en vérifiant régulièrement si le patient est mouillé, obtenant ainsi un horaire des visites aux toilettes pour prévenir les épisodes d’IU. Avec la miction programmée, les personnes sont amenées à la salle de bain à intervalles réguliers par leurs aidants, habituellement toutes les 2 à 4 heures pendant les périodes d’éveil, sans tenter d’améliorer la fonction vésicale. Cela exige beaucoup d’engagement de la part des aidants et doit tenir compte des habiletés cognitives et physiques du patient.
Approches pharmacologiques. On devrait envisager les agents pharmacologiques pour l’incontinence par impériosité après avoir optimisé les autres mesures. Les agents anticholinergiques et adrénergiques produisent des bienfaits modestes pour réduire les fuites urinaires. Les choix de médicaments sont mentionnés ci-dessus6-9. La décision de recourir à une pharmacothérapie devrait être prise avec les patients en se fondant sur leur fardeau de symptômes et sur l’acceptabilité des effets indésirables possibles, une fois que les méthodes conservatrices ont été essayées16.
En général, l’efficacité de la fésotérodine à dose flexible est étayée par le plus grand nombre de données probantes, et le mirabégron est le mieux toléré dans cette population16, mais la réponse et les effets indésirables varient considérablement d’une personne à l’autre, et il pourrait être nécessaire d’essayer différents médicaments avant de choisir celui qui convient le mieux. Avec tous les agents, il faut de 6 à 8 semaines pour obtenir leur plein effet et les essais thérapeutiques devraient en tenir compte. Ces agents devraient être déprescrits s’ils ne sont pas utiles après des essais adéquats.
Mise en application
Divers dispositifs existent pour aider les personnes à maintenir une continence sociale ou contenue lorsque l’absence de fuites n’est pas possible, y compris des urinoirs, des dispositifs de collecte portés sur le corps et des produits absorbants. L’International Consultation on Incontinence a un répertoire de produits pour conseiller les patients et les aidants qu’on peut consulter par endroit et par type de produits (https://www.continenceproductadvisor.org).
Pour l’incontinence intraitable, un cathéter à long terme peut être la seule solution. Les lignes directrices17 recommandent des cathéters sus-pubiens, principalement pour éviter les complications urétrales, et en raison de leur remplacement relativement facile18. Pour les patients qui n’ont pas une vessie hyperactive, l’utilisation d’un cathéter à valve devrait être envisagée, présumant que la personne plus âgée a la dextérité voulue pour ouvrir et fermer la valve. Un étui pénien ou une poche collectrice pour les hommes peuvent être des solutions pratiques, mais ces dispositifs sont difficiles à poser et à maintenir en place; ils sont préférables aux cathéters à demeure pour l’incontinence sans rétention. Les cathéters à demeure posent des risques élevés d’infection des voies urinaires liées à ces dispositifs, et tous les cathéters à demeure seront colonisés par des bactéries dans le mois suivant leur insertion19.
La prise en charge de l’incontinence urinaire chez les adultes plus âgés atteints de fragilité est complexe. Même si les traitements offerts aux personnes plus jeunes et plus robustes, y compris la médication et les interventions chirurgicales, peuvent convenir à des personnes plus âgées, il est essentiel d’adopter une approche individualisée qui comprend l’évaluation de la cognition de la personne, de son fonctionnement et de son réseau de soutien afin d’établir des objectifs appropriés et de réduire la survenance de l’incontinence non maîtrisée.
Notes
Lectures suggérées
ICS fact sheets. A background to urinary and faecal incontinence. Bristol, R.-U. : International Continence Society; 2013. Accessible à : https://www.ics.org/Documents/DocumentsDownload.aspx?DocumentID=2172. Réf. du 20 juin 2024.
Abrams P, Cardozo L, Khoury S, Wein A, rédacteurs.. Incontinence. 5th International Consultation on Continence, Paris February 2012. 5th edition 2013. Arnhem, Pays-Bas: European Association of Urology, International Consultation on Urological Diseases; 2013. Accessible à : https://www.ics.org/Publications/ICI_5/INCONTINENCE.pdf. Réf. du 20 juin 2024.
Tips for dealing with bladder control and leakage problems. Markham, ON: Canadian Continence Foundation; 2024. Accessible à : https://www.canadiancontinence.ca/tips-for-bladder-control. Réf. du 14 juin 2024.
Les Perles gériatriques sont produites de concert avec le Canadian Geriatrics Society Journal of CME, une revue révisée par des pairs publiée par la Société canadienne de gériatrie (http://www.geriatricsjournal.ca). Les articles font la synthèse des données probantes tirées des articles publiés dans la revue Canadian Geriatrics Society Journal of CME et présentent des approches pratiques à l’intention des médecins de famille qui soignent des patients âgés.
Footnotes
Intérêts concurrents
Le Dr William Gibson a reçu des honoraires de conférencier d’Astellas et Pfizer.
Cet article donne droit à des crédits d’autoapprentissage certifiés Mainpro+. Pour obtenir des crédits, allez à https://www.cfp.ca et cliquez sur le lien vers Mainpro+.
The English version of this article is available at https://www.cfp.ca on the table of contents for the July/August 2024 issue on page 462.
- Copyright © 2024 the College of Family Physicians of Canada