Question clinique
La restriction du sodium améliore-t-elle les issues chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque chronique (ICC)?
Résultats
Chez les patients atteints d’ICC, la restriction de l’apport alimentaire en sodium à moins de 2 g/jour ne réduit pas la mortalité ni les hospitalisations en comparaison d’un seuil de 2 à 3 g/jour.
Données probantes
Quatre revues systématiques ont évalué la restriction du sodium chez des patients atteints d’IC (5 à 17 ECR, 479 à 1683 participants)1-4.
- Dans la revue systématique la plus exhaustive1, la restriction du sodium était fixée à moins de 2 g/jour dans 11 ECR et à 2 à 3 g/jour dans 6 ECR; le régime habituel se situait entre 2 et 5 g/jour (lorsque signalé), et la durée étudiée variait de 1 semaine à 1 an; 13 ECR portaient sur des patients en consultation externe et 4 sur des patients hospitalisés.
— Il n’y avait pas de différences significatives dans la mortalité toutes causes confondues ou d’origine cardiovasculaire, ni dans les hospitalisations.
- La restriction du sodium augmentait la mortalité et/ou les hospitalisations dans 3 revues et méta-analyses2-4.
— Les résultats5,6 découlant de 2 à 4 ECR du même groupe d’auteurs comportaient plusieurs problèmes, comme la duplication de rapports, des médicaments de fond inadéquats, des doses très élevées de furosémide (250 à 1000 mg/jour) et de strictes restrictions en apport liquidien (<1 L/jour), qui ne sont pas représentatifs des pratiques actuelles.
L’essai contrôlé randomisé et sans insu7 le plus vaste (806 patients) auprès de personnes atteintes d’ICC ayant une fraction d’éjection (>99 % de classe II à III selon la New York Heart Association) et un apport en sodium alimentaire de référence d’environ 2,2 g/jour a choisi aléatoirement des patients pour qu’ils ciblent un apport alimentaire en sodium de moins de 1,5 g/jour (objectif atteint à environ 1,7 g/jour) ou qu’ils suivent le régime habituel (apport d’environ 2,1 g/jour).
- Après 1 an, la mortalité ou les visites au département d’urgence ou les hospitalisations de causes cardiovasculaires : 15 % c. 17 % (régime habituel), aucune différence statistique.
La restriction du sodium n’améliore pas de manière constante les symptômes d’insuffisance cardiaque ou la qualité de vie1,4,7.
Contexte
La théorie de la restriction du sodium : l’activation du système rénine-angiotensine-aldostérone dans l’IC cause une rétention de sodium et d’eau. Une restriction excessive du sodium pourrait exacerber l’activation5.
Une itération antérieure suggérait initialement que la restriction du sodium aggravait les résultats, mais elle a été par la suite actualisée, après la rétractation de la revue systématique originale qui étayait cette conclusion5.
Les Canadiens consomment en moyenne 2,8 g/jour de sodium8.
Les lignes directrices canadiennes recommandent de ne pas consommer plus de 2 à 3 g de sodium par jour, tandis que les lignes directrices américaines et européennes recommandent d’éviter une consommation « excessive » de sodium sans préciser de quantité en particulier9.
Chez des patients hospitalisés en raison d’une IC aiguë, la restriction du sodium (<800 mg/jour) et des liquides (<800 mL/jour) a augmenté la soif sans réduire les signes ou les symptômes de congestion10.
Mise en application
Il n’y a pas suffisamment de données probantes concernant des cibles précises d’apport en sodium ou en liquides chez les personnes atteintes d’IC. Le guide alimentaire canadien recommande de limiter les aliments transformés, et de préparer les repas et les collations à l’aide d’ingrédients sans sodium ou à faible teneur en sel11. Il y a lieu d’informer les patients atteints d’IC à propos de ces recommandations, sans préciser de restrictions (surtout strictes). Chez les patients souffrant d’hypotension symptomatique ou qui ont une élévation des taux de créatinine de plus de 35 %, après avoir amorcé un médicament pour l’IC ou augmenté sa dose, il faut évaluer si les restrictions en sodium et en liquides sont excessives, examiner les doses de diurétiques et envisager des rajustements. Les problèmes peuvent se résorber tout en maintenant la médication pour l’IC qui améliore les issues.
Notes
Les articles d’Outils pour la pratique dans le MFC sont une adaptation d’articles révisés par des pairs qui se trouvent à http://www.toolsforpractice.ca et résument les données médicales probantes susceptibles de modifier la pratique des soins primaires. Coordonnés par la Dre Adrienne J. Lindblad, les articles sont élaborés par l’équipe du groupe PEER (Patients, Expérience, Évidence, Recherche) et soutenus par le Collège des médecins de famille du Canada et ses sections de l’Alberta, de l’Ontario et de la Saskatchewan. Vos commentaires sont les bienvenus à toolsforpractice{at}cfpc.ca.
Footnotes
Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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