Abstract
Objectif Présenter aux médecins de soins primaires une revue des lésions buccales blanches courantes, de même qu’un algorithme pratique de prise en charge.
Sources de l’information Entre janvier et avril 2024, une recension des lignes directrices de pratique clinique et des ouvrages scientifiques pertinents a été effectuée en utilisant la base de données PubMed MEDLINE sans limites de dates.
Message principal Il existe de nombreux diagnostics différentiels pour les lésions blanches dans la cavité buccale. Les infections fongiques; les proliférations liées au virus du papillome humain; les lésions réactives secondaires à des blessures d’origine physique, thermique ou chimique; et les entités cliniques précancéreuses et cancéreuses peuvent toutes se présenter sous forme de lésions blanches. Une reconnaissance précoce et une prise en charge appropriée sont donc importantes. Dans certains cas, un suivi à court terme des lésions non suspectes peut être envisagé pour évaluer la régression, la persistance ou la progression. D’autres lésions exigent des investigations et des traitements en temps opportun. En outre, il est d’une importance capitale de fournir aux patients un counseling adéquat concernant les facteurs de risque liés au mode de vie, notamment la consommation de tabac et d’alcool.
Conclusion Les lésions blanches dans la cavité buccale sont fréquentes et peuvent être observées couramment en milieu de soins primaires. La reconnaissance des problèmes les plus communs et le perfectionnement de leur prise en charge clinique améliorent les soins aux patients. Les médecins de soins primaires peuvent jouer un rôle crucial dans la détection précoce des pathologies buccales. Un triage approprié des lésions suspectes peut, par la suite, contribuer à diminuer les temps d’attente pour voir un spécialiste et à éviter des visites médicales inutiles aux patients.
Les lésions dans la cavité buccale sont communes et englobent différents problèmes de causes diverses. Parmi ces lésions figurent les leucoplasies buccales (LB), qui méritent une attention spéciale parce qu’elles sont associées à un potentiel risque de transformation en cancer. Selon la définition de l’Organisation mondiale de la Santé, la LB désigne une plaque blanche sur la muqueuse buccale dont le risque est discutable1,2 et elle ne constitue pas un diagnostic définitif en elle-même. Au cours des dernières années, l’épidémiologie des cancers de la tête et du cou a changé. On a observé une augmentation de l’incidence des carcinomes épidermoïdes oropharyngés liés au virus du papillome humain et une baisse simultanée des cas de LB et de carcinomes épidermoïdes buccaux (CEB) où le virus du papillome humain n’était pas en cause3. Par ailleurs, dans le cas des LB et des CEB, le tabagisme et la consommation d’alcool demeurent les plus importants facteurs de risque4-8.
Cette revue a pour but de présenter les lésions buccales blanches les plus courantes et d’offrir un algorithme de prise en charge clinique qui peut être utilisé en milieu de soins primaires.
Description du cas
Un homme de 76 ans se présente en clinique de soins primaires pour une visite périodique. Le patient signale qu’il a récemment remarqué une ulcération sur la langue. Il mentionne un léger inconfort, mais il est capable de manger et de boire normalement. Ses antécédents médicaux ne sont pas révélateurs. Le patient n’est pas fumeur et ne boit de l’alcool qu’à l’occasion. À l’examen, une importante érythroleucoplasie (plaque rouge et blanche) sur le bord latéral gauche de la langue est observée (Figure 1). Dans l’ensemble, la lésion est hétérogène, mais une grande surface présente une mince leucoplasie homogène. Des bords bien démarqués sont évidents dans les portions inférieures et antérieures de la lésion. L’érythroleucoplasie ne comporte pas d’induration à la palpation. Il n’y a pas non plus de lymphadénopathie à la palpation de la tête et du cou.
Bord latéral gauche de la langue montrant une mince plaque blanche homogène (flèches noires) avec une ulcération (flèche blanche)
Sources de l’information
Une recherche documentaire a été effectuée entre janvier et avril 2024 dans la base de données PubMed MEDLINE sans limites de dates. Les mots clés MeSH en anglais oral leukoplakia et practice guidelines ont été utilisés de manière indépendante, de même que des recensions par mots distincts en anglais leukoplakia, candidiasis, frictional keratosis, oral lichen planus, oral cancer et proliferative verrucous leukoplakia.
Message principal
Une évaluation rigoureuse des patients qui présentent une lésion blanche dans la cavité buccale, y compris un bilan médical, un bilan social et un examen complet de la tête et du cou, peut fournir des renseignements diagnostiques utiles pour la prise en charge ultérieure.
Candidose. La candidose buccale, communément appelée muguet, est une infection fongique causée par les espèces Candida. La forme la plus courante de la candidose est la candidose érythémateuse chronique9. Elle se présente comme un érythème buccal largement répandu, qui touche habituellement la langue dorsale et le palais dur. Une stomatite liée aux prothèses dentaires est associée au port d’un dentier et se présente comme un érythème mettant en cause les surfaces sous les prothèses, et les résultats de la culture confirment typiquement la présence des espèces Candida9. La candidose pseudomembraneuse se caractérise par des membranes blanches (Figure 2A) qui peuvent être raclées pour exposer une base érythémateuse9. Les professionnels des soins primaires devraient faire la distinction entre une langue saburrale caractérisée par une accumulation de kératine sur la surface dorsale et la candidose buccale (Figure 2B). Parmi les facteurs de risque d’une candidose buccale figurent l’immunodépression, comme un diabète mal contrôlé, des cancers hématolymphoïdes et le VIH/sida; la sécheresse buccale ou l’hyposalivation en raison de médicaments ou de l’âge; ou une utilisation antérieure d’antibiotiques ou de corticostéroïdes inhalés ou topiques9. Les patients souffrant d’asthme qui prennent des corticostéroïdes inhalés sont à risque plus élevé de candidose, qui touche surtout le palais mou et le palais dur postérieur. Le traitement consiste habituellement en un médicament antifongique topique ou systémique pendant 7 à 14 jours et un suivi 2 semaines après la thérapie antifongique9. Certains patients peuvent avoir besoin d’un prolongement du traitement antifongique allant jusqu’à 4 semaines. Même si les lignes directrices de 2016 de l’Infectious Diseases Society of America sur la candidose ne recommandent pas de dépister systématiquement le VIH chez les adultes atteints de candidose, les cliniciens devraient envisager un dépistage chez les patients ayant des facteurs de risque d’immunodéficience ou ceux qui ont des récurrences inexpliquées9. On devrait conseiller aux patients qui portent des prothèses dentaires ou d’autres appareils buccaux de les enlever et de les faire tremper dans une solution antifongique, car, à défaut de ce faire, le traitement pourrait échouer.
Candidose comparée à une accumulation de kératine : A) Candidose sur le palais mou et le palais dur postérieur se présentant comme des pseudomembranes blanches. B) Langue saburrale non liée à une candidose buccale.
Kératose de frottement. L’irritation chronique provoque un épaississement de la couche cornée (hyperkératose) qui se manifeste sous forme de plaques blanches dont les bords sont irréguliers et généralement entremêlés. Les lésions traumatiques buccales sont associées aux dents opposées et affectent donc souvent le trigone rétromolaire et les joues. Les patients qui ont l’habitude de se mordiller la joue (morsicatio buccarum) présentent une hyperkératose touffue, avec de petits fragments occasionnels d’épithélium qui se détachent de la muqueuse (Figure 3A). Les patients ayant des zones édentées sur le bord alvéolaire peuvent aussi développer des plaques blanches irrégulières en raison de la friction chronique (Figure 3B), surtout à cause de la mastication des aliments10. La kératose de frottement est un problème bénin, et le traitement se limite à éviter les traumatismes chroniques par friction.
Kératose de frottement : A) Morsicatio buccarum sur la muqueuse buccale gauche. B) Kératose bénigne de la crête alvéolaire du trigone rétromolaire droit.
Leucœdème. Le leucœdème se présente comme un changement gris-blanc sur la surface de la muqueuse buccale (intérieur de la joue). Un œdème intracellulaire intervient dans son apparition, sans qu’il y ait une évidence de cancer11. C’est pourquoi le leucœdème n’est pas considéré comme une entité pathologique, mais plutôt une variante de l’anatomie normale. Il est plus fréquent chez les patients d’origine africaine, chez ceux qui mastiquent de la chique de bétel et chez les fumeurs11,12. Le diagnostic du leucœdème peut être confirmé en étirant la muqueuse touchée, ce qui atténue ou fait disparaître complètement la couleur blanche11.
Leucoplasie buccale chevelue (LBC). La leucoplasie buccale chevelue est une condition bénigne qui se manifeste par des plaques blanches striées et parallèles qui se trouvent habituellement sur les bords latéraux de la langue13. Parmi les autres sites touchés, on peut mentionner les surfaces dorsales et ventrales de la langue et, dans de rares cas, la muqueuse buccale. Elle peut se présenter unilatéralement ou bilatéralement. La cause soupçonnée est la réactivation du virus d’Epstein-Barr et une réinfection des cellules épithéliales14. La plupart des cas ont été signalés chez des patients immunodéprimés, y compris des patients ayant une infection au VIH et particulièrement dans le contexte du sida, mais ils se sont aussi produits chez des patients immunocompétents15,16. En effet, il y a eu de nombreux rapports de LBC chez des patients immunocompétents et des patients ayant une immunodépression locale (p. ex. causée par des corticostéroïdes topiques). Par conséquent, la LBC devrait être envisagée quelle que soit la compétence immunitaire du patient17. Cette lésion ne pose pas de risque de transformation maligne en un CEB14. Toutefois, une biopsie est nécessaire pour exclure un changement dysplasique ou un CEB. Puisque la LBC est un problème bénin, un traitement n’est indiqué que pour des raisons esthétiques ou dans de rares cas d’inconfort. Il a été démontré qu’un traitement antirétroviral ciblant le virus d’Epstein-Barr avait réduit la LBC chez des patients immunodéprimés. Cependant, il ne s’agit pas d’une thérapie curative, parce que les lésions reviennent habituellement lorsque cesse le traitement18. Pareillement, une thérapie antirétrovirale a été associée à une réduction de la prévalence de la LBC chez des patients porteurs du VIH qui participaient à des unités d’essais cliniques aux États-Unis et à Haïti, mais ce n’est pas une cure19. Avant de commencer un traitement, il y a lieu de discuter avec le patient des résultats attendus du traitement par rapport aux effets secondaires possibles.
Lichen plan buccal (LPB). Le lichen plan buccal est une lésion médiée par une anomalie immunitaire qui se présente surtout sous forme de stries réticulaires blanches (stries de Wickham) sur une base érythémateuse (Figure 4). Les sites courants des lésions dans la bouche se trouvent bilatéralement sur la muqueuse buccale, la langue et les gencives20. Une ulcération peut se développer dans le cas d’un lichen plan érosif et causer de la douleur, surtout s’il y a exposition à des aliments épicés, acides ou chauds. Autrement, le LPB se présente comme des lésions blanches linéaires, annulaires ou papuleuses. Des plaques blanches avec des bords diffus peuvent être observées sur la surface dorsale de la langue. Le lichen plan peut aussi affecter la peau, les muqueuses génitales et, dans de rares cas, la muqueuse œsophagienne. Il a été signalé que de nombreux médicaments, y compris des antihypertenseurs et des statines, produisaient des réactions lichénoïdes, dont l’apparition peut être immédiate ou tardive. Une lésion lichénoïde isolée en contact avec une restauration dentaire, surtout si elle a été faite avec de l’amalgame, peut évoquer une réaction lichénoïde au matériau dentaire21. Le potentiel d’une transformation cancéreuse d’un LPB et des lésions lichénoïdes de la muqueuse buccale fait toujours l’objet de controverses22. Selon les estimations actuelles, les taux de transformation varient de 1,4 à 4,9 %, et les lésions sur la langue et les sous-types de lésions érosives et atrophiées sont associés aux taux les plus élevés de transformation en cancer23-26. Puisque le LPB est une maladie chronique, un traitement s’impose pour les lésions symptomatiques, parce qu’il peut falloir le suivre pendant des mois ou même des années. Le traitement de première intention du LPB est un corticostéroïde topique comme le fluocinonide à 0,05 % (gel, onguent ou crème), le clobétasol à 0,05 % (gel, onguent ou crème) et 0,5 mg/5 mL d’élixir de dexaméthasone27. Louisy et ses collègues ont présenté un algorithme clinique détaillé et complet sur le traitement du LPB27. S’il s’agit d’une lésion lichénoïde isolée, si la présentation est atypique ou si les lésions ne s’améliorent pas avec les corticostéroïdes, il y a lieu de procéder à une biopsie pour étayer le diagnostic clinique d’un LPB et exclure une dysplasie épithéliale. Un suivi clinique à long terme est aussi recommandé.
Lichen plan buccal : Stries réticulaires blanches, de même que des surfaces d’érythème sur la muqueuse buccale droite.
Diagnostics différentiels. Le nombre de diagnostics différentiels des lésions blanches est considérable. Les autres lésions blanches courantes incluent les brûlures thermiques et chimiques, qui se présentent comme des pseudomembranes blanchâtres qui peuvent être raclées, exposant ainsi une base érodée. Le dentifrice et le rince-bouche peuvent causer des réactions de contact et entraîner un pelage superficiel de la muqueuse (Figure 5A). La prise en charge se fonde sur la sélection de produits d’hygiène buccale doux et un suivi des symptômes après 2 semaines, quoique certaines lésions irritatives puissent prendre jusqu’à 1 ou 2 mois à se résorber28,29. Des présentations semblables de muqueuses érythémateuses peuvent être causées par des réactions de contact avec des produits comme la menthe et la cannelle30. Le virus du papillome humain peut causer des proliférations épithéliales bénignes de formes papuleuses ou verruqueuses (p. ex. papillome malpighien ou verrue vulgaire), que les personnes de tout âge ont couramment durant leur vie31 (Figure 5B). Il convient de signaler que d’autres maladies infectieuses peuvent présenter des lésions buccales blanches. La syphilis devrait être envisagée dans les diagnostics différentiels d’une leucoplasie, compte tenu de la présente ascension de son incidence au Canada32. La syphilis secondaire peut avoir comme signes des plaques de blanches à rosâtres (plaques muqueuses) sur la surface latérale de la langue et les muqueuses des lèvres et de la bouche33,34.
Diagnostics différentiels : A) Pelage superficiel de la muqueuse. B) Papillome squameux sur la surface dorsolatérale gauche de la langue.
Lésions cancéreuses et précancéreuses. La leucoplasie buccale est un diagnostic clinique défini par l’Organisation mondiale de la Santé comme étant une plaque blanche dont le risque est douteux après avoir exclu d’autres problèmes connus (Figure 1 [flèches noires] et Figure 6A)1,2. Ses bordures sont habituellement bien démarquées et visibles à l’examen clinique. La prévalence de la LB varie entre 2,6 et 4,0 %35,36. Ce problème revêt de l’importance parce qu’une transformation en cancer se produit dans 7,2 à 9,8 % des cas8,37. Des lésions persistantes chez des non-fumeurs ont tendance à avoir des taux plus élevés de transformation cancéreuse et des issues plus défavorables que des lésions semblables chez des fumeurs. La leucoplasie buccale sans dysplasie épithéliale confirmée à la biopsie comporte quand même un risque de transformation en cancer, quoique plus faible, et exige un suivi clinique. L’érythroleucoplasie (Figure 6B) et la leucoplasie proliférative (aussi appelée leucoplasie verruqueuse proliférative) ont été associées à un risque plus élevé de transformation cancéreuse que les LB. Selon les estimations, le taux de transformation en cancer de la leucoplasie proliférative varie entre 50 et 70 % avec le temps26,38.
Leucoplasie et érythroleucoplasie buccales cancéreuses et précancéreuses : A) Mince leucoplasie homogène sur la surface latéroventrale droite de la langue. B) Érythroleucoplasie sur la surface latérale gauche de la langue.
La leucoplasie proliférative (LP) se présente d’abord sous forme de plaques blanches minces et homogènes; elle progresse lentement vers une présentation multifocale (Figures 7A et 7B). Les plaques blanches peuvent se développer en une structure verruqueuse, bien que cela ne soit pas toujours présent ou prépondérant, selon un ratio femme-homme de 2,72 :139. Pour poser le diagnostic, il faut une biopsie afin d’évaluer la présence d’une dysplasie. Malheureusement, la LP est difficile à traiter, et son taux de récurrence est élevé. Parmi les stratégies thérapeutiques communes figurent l’excision chirurgicale, l’ablation au laser40 et la cryothérapie39. Par ailleurs, aucun de ces traitements ne s’est révélé efficace pour réduire considérablement le risque de transformation en cancer avec le temps. Un étroit suivi clinique des lésions à tous les 3 à 4 mois est essentiel, quelles que soient les interventions chirurgicales ou pharmacologiques effectuées. Quelques essais randomisés contrôlés expérimentaux ont fait valoir certains résultats prometteurs d’une immunothérapie avec l’imiquinod et le nivolumab41-43. Toutefois, plus de recherches sont nécessaires pour évaluer les risques à long terme de récurrence et de transformation cancéreuse.
Leucoplasie proliférative montrée sous forme de plaques homogènes blanches et multifocales affectant A) les gencives antérieures inférieures et la muqueuse de la lèvre inférieure et B) les gencives antérieures supérieures et la muqueuse de la lèvre supérieure
Investigations générales et prise en charge. Cette revue des lésions buccales blanches porte sur des présentations cliniques courantes, mais il existe de nombreuses autres entités cliniques. Cette section décrit une approche générale pour investiguer et prendre en charge des lésions buccales, en insistant particulièrement sur les lésions cancéreuses et précancéreuses dans des contextes de soins primaires.
Il faut passer en revue les antécédents médicaux du patient, y compris ses facteurs de risque associés, dont sa consommation active ou antérieure de tabac et d’alcool. La lésion doit être cliniquement évaluée par un examen visuel et tactile de la surface. L’Encadré 1 présente les paramètres cliniques liés à un risque accru de cancer35-37,44-46. Ces paramètres incluent le site anatomique de la lésion, la langue présentant le plus grand risque, et la muqueuse du palais dur, le risque le moins élevé. La présence de composantes rouges (érythroplasie ou érythroleucoplasie) et une induration devraient accroître la suspicion d’un cancer. Des marges bien définies et une surface supérieure à 200 mm2 sont aussi des caractéristiques inquiétantes. Toutefois, l’absence de ces observations cliniques ne signifie pas l’absence d’entités buccales précancéreuses ou cancéreuses, parce que toutes les lésions peuvent être cancéreuses ou précancéreuses où qu’elles soient et même sans facteur de risque.
Facteurs de risque de cancer, sites à risque élevé des lésions et caractéristiques cliniques évocatrices d’un cancer possible
Facteurs de risque
Âge avancé (p. ex. hommes de 50 à 70 ans et femmes de 60 à 80 ans)
Tabagisme
Consommation d’alcool
Consommation de chique de bétel, de pan masala ou de gutkha
Immunodépression (certains syndromes d’immunodépression primaire, infection au VIH, troubles iatrogènes)
Antécédents de cancer de la tête et du cou
Troubles buccaux préexistants potentiellement cancéreux
Sites à risque élevé des lésions
Langue (risque le plus élevé)
Plancher de la bouche
Palais mou
Gencive
Muqueuse buccale
Muqueuse des lèvres
Palais dur (risque le plus faible)
Caractéristiques cliniques préoccupantes
Apparence non homogène (verruqueuse, mouchetée, etc.)
Composante rouge (érythroplasie ou érythroleucoplasie)
Surface de la lésion de >200 mm2
Ulcération chronique sans guérison
Induration
Lymphadénopathie à la tête et au cou
Autres signes et symptômes : paresthésie, hypomotilité de la langue, douleur, dysphagie, odynophagie
Données tirées de Mortazavi et coll.27, Mello et coll.28, Guan et coll.29, Speight et coll.33, Warnakulasuriya et Ariyawardana34 et Mashberg et Samit35.
Si une lésion réactive est soupçonnée, l’élimination des facteurs potentiels de causalité et des irritants, comme le tabagisme ou des bords de dents aigus, peut être la première étape. Un suivi à court terme des lésions non suspectes est nécessaire pour évaluer la régression, la persistance ou la progession47. La persistance ou la progression lors des suivis signalent la nécessité de procéder à une biopsie.
Des lignes directrices de pratique clinique de 2016 par Shaw et Beasley rapportent un manque de données probantes de haut niveau étayant la prise en charge des LB, mais offrent des recommandations consensuelles en faveur d’une biopsie et d’une évaluation histopathologique plus approfondie48. La biopsie demeure le test critère standard pour le cancer, car un diagnostic histopathologique définitif éclairera les étapes subséquentes pour le patient et son équipe médicale20. Le Tableau 1 présente les indications pour une demande de consultation spécialisée qui devrait être envisagée si le traitement de première intention ne produit pas des résultats satisfaisants ou si le diagnostic demeure incertain.
Paramètres suggérés pour une demande de consultation dans le contexte des soins primaires
Dans les cas où aucune cause n’est déterminée ou en présence d’une ulcération persistante qui ne guérit pas sur la muqueuse buccale, une biopsie par incision devrait être effectuée sans tarder pour exclure ou confirmer une dysplasie ou un CEB (Figure 8)49. Plusieurs biopsies peuvent être faites si la lésion est étendue.
Algorithme pour l’investigation et la prise en charge des lésions buccales blanches en soins primaires
Il importe de décrire soigneusement la lésion et de partager les constatations pathologiques avec les autres professionnels de la santé buccale impliqués dans les soins au patient pour assurer un suivi approprié de l’évolution de la lésion. La description devrait comporter le site anatomique, la couleur, la texture, l’apparence, les marges et la taille. Des images cliniques devraient être prises si possible pour faciliter le suivi et surveiller l’évolution. Avant tout, il est d’une importance capitale d’offrir un counseling approprié au patient sur les facteurs de risque liés au mode de vie, comme la cessation du tabagisme et de la consommation d’alcool. Les biopsies buccales ne font pas partie de la formation de la plupart des médecins de soins primaires. Par conséquent, une prise en charge appropriée pourrait impliquer une demande de consultation auprès d’un otorhinolaryngologiste chirurgien cervico-facial, d’un spécialiste en pathologie buccale ou en médecine buccale, d’un chirurgien buccal ou d’un dentiste général formé de manière appropriée.
Résolution du cas
Le patient a subi des biopsies localisées près de l’ulcération et dans la partie plus homogène (régions antérieures et inférieures). Les constatations des biopsies de la région ulcérée ont révélé une dysplasie épithéliale de modérée à grave (dysplasie de haut grade), tandis que les observations des biopsies provenant de la zone homogène indiquaient une légère dysplasie épithéliale (dysplasie de bas grade). Il n’y avait pas de preuve de la présence d’un carcinome invasif. L’ablation complète de la lésion a été effectuée, et des rendez-vous de suivi ont été prévus à tous les 3 à 4 mois pour s’assurer de l’absence d’une récurrence.
Conclusion
Les lésions buccales blanches peuvent se présenter sous différentes formes et varient de bénignes à cancéreuses. La détection des lésions buccales blanches, un suivi approprié et une demande de consultation hâtive, au besoin, sont essentiels pour une prise en charge adéquate. Les médecins de soins primaires jouent un rôle central dans la détection précoce de ces pathologies buccales et dans leur traitement si possible. Le triage approprié des lésions suspectes peut subséquemment contribuer à réduire les temps d’attente pour voir un spécialiste et à éviter des visites inutiles aux patients.
Notes
Points de repère du rédacteur
▸ Cette revue décrit une approche générale pour l’investigation et la prise en charge des lésions buccales blanches en insistant sur les lésions cancéreuses et précancéreuses dans le contexte des soins primaires.
▸ Il faut passer attentivement en revue les antécédents médicaux du patient, notamment ses facteurs de risque associés, y compris la consommation active ou antérieure de tabac et d’alcool. Il faut effectuer une évaluation clinique de la lésion suspecte par un examen visuel et tactile.
▸ Les paramètres cliniques liés à un risque accru de cancer incluent le site anatomique de la lésion; sur la langue, la lésion présente le risque le plus élevé, tandis que sur la muqueuse du palais dur, le risque est le moins élevé. La présence de composantes rouges (érythroplasie ou érythroleucoplasie), d’une induration ou d’un site non homogène avec une apparence verruqueuse ou mouchetée devrait accroître le degré de suspicion. Des marges bien définies et une surface supérieure à 200 mm2 sont aussi des caractéristiques inquiétantes.
▸ Si une lésion réactive est soupçonnée, l’élimination des facteurs de causalité potentiels, comme le tabagisme ou des rebords de dents tranchants, constitue la première étape. Un suivi à court terme des lésions non suspectes est nécessaire pour évaluer la régression, la persistance ou la progression. La persistance et la progression justifient une demande de consultation en vue d’une biopsie.
Footnotes
Remerciements
Les images cliniques aux Figures 1 à 7 ont été fournies par la D Caroline Bissonnette avec la permission des patients.
Collaborateurs
Tous les auteurs ont contribué à la revue des ouvrages scientifiques et à la préparation du manuscrit aux fins de soumission.
Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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Cet article a fait l’objet d’une révision par des pairs.
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