
La médecine de famille est une discipline extraordinaire. Les compétences vastes et approfondies qu’elle nécessite font que les possibilités de carrière sont très nombreuses. La profession de médecin de famille peut prendre beaucoup de formes différentes, et c’est peut-être là sa plus grande force. Notre déf—notre choix—, c’est de faire en sorte que ces différences nous rendent plus forts plutôt que de semer la division et le confit. S’attacher aux différences fait peut-être partie de la nature humaine. Selon moi, une carrière en médecine de famille est une excellente occasion de reconnaître les similitudes et de célébrer les différences entre les nombreux parcours qu’elle offre.
À mi-chemin de mon premier diplôme, je n’avais pas encore décidé ce que je voulais devenir plus tard. Je tergiversais entre enseignant, chercheur ou médecin. Quand j’ai été accepté en médecine quelques années plus tard, j’ai hésité. Puis en examinant les choses de plus près, j’ai découvert que les médecins pouvaient aussi être des enseignants et des chercheurs. Je pouvais donc prendre une décision tout en restant indécis.
En faculté de médecine, j’ai aimé presque tous mes stages, mais la plupart du temps, l’enthousiasme du départ finissait par s’estomper. La médecine de famille m’allumait le plus : une discipline complexe, variée et exigeante, qui m’offrirait la possibilité de travailler avec des collègues incroyables et de construire des relations signifcatives avec mes patients. Comme tous les domaines de la médecine, elle me permettrait d’enseigner et de faire de la recherche, mais offrait aussi des options de pratique et des domaines d’intérêt variés. Mes collègues touchaient à différents domaines dans leur travail : accouchements, soins palliatifs, à domicile ou de longue durée, médecine d’urgence. Ils offraient également leurs services pour des sauvetages, des croisières, de la suppléance ou auprès d’équipes sportives. La portée et l’ampleur des compétences requises offraient d’innombrables options. C’était parfait.
Aujourd’hui, des dizaines d’années plus tard, je vois que la variété de ces options engendre certains problèmes, qu’il s’agisse de la rémunération des médecins de famille ou de l’effectif insuffsant dans plusieurs domaines de pratique. Cependant, pour mieux comprendre ces distinctions, il nous faut réféchir à notre vision des différentes perspectives qu’offre notre profession.
Pendant une bonne partie de ma carrière, j’ai prodigué des soins complets et globaux en médecine de famille. Lorsque j’étais dans l’armée, à mes débuts, j’ai reçu une formation supplémentaire en médecine de l’aviation, en médecine hyperbare (plongée) et en médecine des toxicomanies pour aider à répondre aux besoins de ma communauté. À peu près à la même époque, je travaillais également dans des cliniques sans rendez-vous pour maintenir mes compétences de prise en charge des patients plus jeunes et plus âgés. Puis, je suis devenu professeur à l’université; et même si je continuais à travailler dans une clinique 3 jours par semaine, pour certains de mes collègues, j’avais rejoint la tour d’ivoire. J’ai eu la chance d’emprunter des chemins variés en médecine de famille.
Il est dans notre nature de remarquer les différences et de comparer. Cela s’avère essentiel à maints égards, par exemple lorsqu’il s’agit de trouver le bon emploi pour chacun d’entre nous, de répondre aux besoins de nos communautés et de décrire la réalité qui est la nôtre. Toutefois, nous nous servons trop souvent de ces différences pour faire des distinctions, pour « nous » démarquer d’« eux ». En médecine de famille, nous avons des pratiques complètes et globales ou ciblées, nous sommes universitaires ou cliniciens « de première ligne », nous exerçons en zone urbaine ou rurale, etc. Le fossé existe jusque dans le monde universitaire, entre les personnes qui enseignent et celles qui font de la recherche, ou même entre les cursus ou les sujets de recherche! Il n’y a aucune limite à ce qui peut nous diviser.
En 2011, la Dre Iona Heath a donné une conférence Harveian Oration intitulée « Divided we fail » (La division mène à l’échec)1. Elle y parlait de la rupture entre les spécialistes de la médecine de famille et les autres spécialistes. Cela se produit aussi trop souvent dans notre discipline, pour des raisons bien trop nombreuses.
Les défs auxquels la médecine de famille est confrontée sont tellement importants que l’on a parfois l’impression que chaque fois qu’un problème est étouffé, un autre surgit. Cela dit, les difficultés internes, comme les divisions au sein de notre profession, sont celles qui devraient être les plus simples à gérer. Si la division mène à l’échec, l’union fait la force. Nous devrions souligner la formation vaste et approfondie qui est la nôtre ainsi que les possibilités qu’elle nous offre. Ce sont là nos forces : les différences sont inévitables, mais la division et le confit sont des choix. Cultivons nos forces ensemble. Célébrons les différents visages de la médecine de famille, car pour tant d’entre nous, ils sont ce qui nourrit notre amour de la profession. Si nous parvenons à nous mettre d’accord sur ce point, nous favoriserons l’unité et la force au sein de cette discipline extraordinaire qu’est la médecine de famille.
Footnotes
This article is also in English on page 144.
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