La Tribune aux idées audacieuses du Forum en médecine familiale (FMF) met en évidence des concepts qui pourraient changer les choses dans la pratique clinique, le perfectionnement professoral, l’éducation postdoctorale ou prédoctorale, les soins aux patients et leurs résultats, ou les politiques en matière de santé. Cette séance offre aux personnes et aux équipes une occasion de faire connaître de nouvelles idées, des réflexions novatrices et des développements en plein envol qui sont susceptibles d’amorcer des changements. Les idées présentées au FMF sont choisies en fonction des notes accordées par des réviseurs. Les innovateurs sont invités à participer à la séance de la Tribune aux idées audacieuses pour présenter et défendre leurs idées. La participation de l’auditoire permet de classer les meilleures propositions. Voici les meilleures idées présentées au FMF de 2024.
Des partenariats en santé mondiale axés sur l’équité peuvent transformer des systèmes de santé (meilleure note)
Le Département de médecine familiale et communautaire de l’Université de Toronto et l’École de santé publique de l’Université Kwame Nkrumah des sciences et des technologies à Kumasi (Ghana) collaborent dans un partenariat transformateur d’une durée de 10 ans. Cette coopération se concentre sur la production et la prestation conjointes de programmes d’éducation conçus pour améliorer les compétences des praticiens des soins primaires au Ghana (Afrique occidentale). Ces programmes portent sur une vaste gamme de sujets, dont les soins palliatifs, l’amélioration de la qualité à l’intention des professionnels de la santé, les soins d’urgence préhospitaliers, les soins d’urgence communautaires, de même que la préparation aux urgences et la réponse aux maladies susceptibles de causer des épidémies.
Après seulement 2 ans, ce partenariat Nord-Sud pratique, éthique et axé sur l’équité alimente des changements durables en accélérant l’atteinte des Objectifs de développement durable des Nations Unies et en établissant des plateformes pour la transformation de la santé en Afrique. Ce modèle peut immédiatement être répliqué pour tirer parti de la puissance de la médecine familiale pour promouvoir la santé mondiale. Ce partenariat a pour but d’instaurer des changements transformateurs dans tous les systèmes de santé africains et d’améliorer l’équité mondiale en matière de santé. En renforçant la compétence des praticiens des soins primaires au Ghana, ce partenariat vise à contribuer aux systèmes de santé qui emploient et maintiennent en poste des effectifs en soins primaires. La rétention d’effectifs compétents en soins primaires au Ghana est essentielle pour atteindre l’Objectif de développement durable 3 qui vise à « vivre en bonne santé et à promouvoir le bien-être de tous à tout âge »1.
En outre, il est posé comme prémisse qu’en établissant délibérément ce partenariat Nord-Sud sur un solide fondement éthique de solidarité, d’humilité, de sensibilité culturelle, de respect, et de responsabilité partagée pour guider le comportement du partenariat, cette initiative a le potentiel de catalyser une transformation individuelle, professionnelle et institutionnelle. Le partenariat est doté d’un robuste plan de surveillance, d’évaluation, d’apprentissage et d’adaptation produit conjointement dans le contexte d’un plan plus large pour une collaboration sur les études supérieures liées à la santé en Afrique. Les méthodologies reproductibles et adaptables comprennent des sondages d’évaluation en fin de cours, des entrevues avec les enseignants et des discussions en groupes témoins d’apprenants dans le contexte de cours à modules multiples.
Footnotes
Intérêts concurrents
Aucun déclaré
Référence
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Renouvellement illimité
S’il est question de boissons sucrées ou de malbouffe, c’est une très mauvaise idée de renouveler sans limites les commandes, mais quand il s’agit de médicaments d’ordonnance, le renouvellement illimité devient une façon efficace d’épargner du temps pour les médecins de famille. Pourquoi les prescriptions doivent-elles préciser un nombre fixe de renouvellements ou pourquoi les pharmacies exigent-elles une nouvelle ordonnance après un certain temps? Nous savons qu’une bonne partie de notre travail comme médecins de famille est de prendre en charge des maladies chroniques, et bon nombre de ces maladies nécessitent des médicaments qui changent très peu d’une année à l’autre. Et, qu’arriverait-il si nous pouvions inscrire simplement « illimité » dans la section des renouvellements de l’ordonnance pour un médicament contre le cholestérol ou l’hypertension, étant entendu que le médicament pourrait être renouvelé indéfiniment sans autre intervention par le prescripteur?
Il est évident que la mise en œuvre d’un tel plan éliminerait un grand nombre de prescriptions rédigées chaque année par les médecins de famille, dont chacune consomme du temps de travail supplémentaire chaque jour. Des paramètres de référence pourraient être établis pour mesurer le temps moyen nécessaire pour renouveler une prescription, ce qui pourrait servir à évaluer les économies potentielles de temps. Pour les médecins qui se servent du renouvellement des ordonnances pour effectuer des contrôles de routine (p. ex. analyses sanguines), ce changement pourrait donner l’élan voulu pour déléguer ces processus au personnel administratif à l’aide de rappels automatisés. Un moins grand nombre de renouvellements d’ordonnances signifierait plus de temps pour d’autres activités plus utiles pour les soins aux patients.
Footnotes
Intérêts concurrents
Aucun déclaré
Vision à deux yeux du développement de la relation
Les systèmes de santé comportent de multiples composantes, dont les services de santé publique et le rôle de la médecine familiale en soins primaires. Certains problèmes persistent lorsqu’il s’agit d’adopter des approches centrées sur la communauté et culturellement sécuritaires dans les systèmes de santé pour qu’ils répondent efficacement aux besoins holistiques en matière de santé chez les populations des Premières Nations, les Inuits et les Métis (PNIM).
Même si de nombreux efforts ont été déployés pour surmonter ces difficultés, les exemples d’une vision à 2 yeux se font relativement rares dans la pratique de la médecine familiale. Pour combler cette lacune, l’Indigenous Primary Health Care Council, conjointement avec des partenaires en soins primaires et en santé publique, a élaboré une trousse d’outils contenant des ressources à l’appui des FNIM et des équipes de santé dans la planification des programmes et des services par, avec et pour les communautés des PNIM. Parmi ces ressources figurent un guide sur l’engagement avec un modèle de l’état de préparation nécessaire, des listes de contrôle préalable et ultérieur à l’engagement et un sondage à l’initiative des communautés; et une fiche de travail, une liste de contrôle et un gabarit pour l’entente relative à la relation. Des exemples venant de communautés sont présentés dans les ressources pour faciliter l’apprentissage par la pratique.
Nous émettons l’hypothèse que l’utilisation de ces ressources aura un impact sur les milieux des soins primaires et de la santé publique en Ontario et partout au Canada en influant sur l’approche à l’égard des partenariats et de la prestation des services. Nous prévoyons de faire une évaluation quantitative des téléchargements et des rencontres d’engagement pour travailler avec ce matériel. Nous avons aussi l’intention d’examiner qualitativement les répercussions sur la culture, les changements dans la pratique, de même que les conséquences imprévues. La feuille de route pour développer la relation entre les communautés et les organisations des PNIM et des partenaires en santé publique et en médecine familiale est centrée sur des discussions partagées sur la finalité du partenariat, les fondements de la relation, le règlement des différends, l’approfondissement de la relation, le partage des ressources et de l’information, les rôles et les responsabilités, la communication, la prise de décisions et les pratiques culturelles.
Nous croyons que la mise en application du guide sur l’engagement et du modèle d’entente sur la relation peut se traduire par de meilleures relations entre les PNIM et leurs partenaires en santé publique et en médecine familiale. En définitive, un engagement plus approprié dans le système de la santé publique et le système des soins de santé peut entraîner de meilleurs résultats en santé chez les populations des PNIM sur les plans individuel, communautaire et populationnel au Canada.
Footnotes
Intérêts concurrents
Les auteurs travaillent avec l’Indigenous Primary Health Care Council ou avec Emerald Health Consulting.
À la vitesse de l’éclair : accélérer l’innovation grâce à l’interopérabilité de la santé numérique
Les soins primaires canadiens sont en situation de crise. Parce que les patients vivent plus longtemps avec des comorbidités multiples, les soins aux patients sont plus complexes. L’instauration des systèmes numériques a aidé d’une certaine façon, mais les degrés élevés de stress chez les praticiens, associés au fardeau administratif accru dû en particulier aux dossiers médicaux électroniques, sont bien documentés. L’interopérabilité (flux d’information) numérique limitée entre des systèmes en silos et la dépendance à l’endroit de la technologie de la télécopie ont exacerbé le stress des médecins de famille, ajoutant du temps à leurs heures de travail.
Il existe partout au pays des niches d’innovations cliniques en soins primaires, souvent à petite échelle, qui sont des solutions créées par des cliniciens à des problèmes du monde réel. Elles misent parfois sur des technologies numériques émergentes. Un programme national pourrait-il amplifier ces solutions novatrices, en particulier celles que sous-tendent les technologies de l’interopérabilité numérique qui améliorent l’efficacité du partage de l’information et réduisent ainsi le fardeau administratif numérique des médecins de famille? L’idée audacieuse proposée ici est une subvention à l’accélération des innovations cliniques visant à soutenir les innovations cliniques alimentées par des solutions fondées sur l’interopérabilité numérique.
Traditionnellement, les changements significatifs entourant l’adoption des technologies de santé numériques dans les soins primaires au Canada se sont produits lentement, en l’absence de catalyseurs de changement impliquant de multiples partenaires, comme les gouvernements et les groupes cliniques. Ce fut certainement le cas en ce qui a trait à l’adoption des dossiers médicaux électroniques au Canada. Les catalyseurs de changement peuvent prendre diverses formes, y compris la gestion du changement et les soutiens au leadership éclairé pour les cliniciens, de même que des mesures incitatives financières. Nous avançons comme hypothèse qu’une subvention à l’accélération clinique peut agir comme catalyseur de changement en identifiant et en appuyant des initiatives uniques, axées sur l’interopérabilité et qui ont le potentiel d’être déployées à plus grande échelle.
En outre, certaines idées pourraient s’aligner sur des normes nationales et recevoir l’appui des ministres de la Santé fédéral, provinciaux et territoriaux. L’impact de cette intervention sera mesuré à l’aide de paramètres d’évaluation et de techniques de sondage adaptés à partir de ceux utilisés dans des initiatives en santé numérique antérieures. Un tel programme pourrait donner un nouvel élan aux cliniciens qui apportent des changements avec des ressources limitées et renforcer la viabilité de leurs innovations.
Footnotes
Intérêts concurrents
Dr Rashaad Bhyat est un employé à temps partiel à Inforoute Santé du Canada, un organisme sans but lucratif financé par le gouvernement fédéral.
The English version of this article is available at https://www.cfp.ca on the table of contents for the February 2025 issue on page 88.
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