
Les fondateurs du CMFC et de la profession de médecine de famille au Canada étaient des gens optimistes et rêveurs qui nourrissaient de grandes ambitions. Le but premier de l’organisation, fixé dès son incorporation en 1968, était de promouvoir la prestation de soins médicaux de la plus grande qualité à la population du Canada1. La médecine de famille incarne l’excellence des soins de santé au Canada, mais la profession – et la famille professionnelle des médecins de famille – sont en danger.
Quand je suis devenu directeur général et chef de la direction, je me suis demandé si les fondateurs du CMFC étaient naïfs au point de ne pas pouvoir imaginer ou envisager un monde dans lequel les membres ne voudraient pas adhérer au CMFC ou payer des droits d’adhésion plus élevés. N’ont-ils pas prévu les risques futurs liés au fait de demander aux membres d’approuver les hausses des droits d’adhésion? Les gouvernements ne demandent pas aux citoyens s’ils sont d’accord pour payer des impôts, surtout lorsque les avantages ne sont pas immédiatement tangibles ou ne les concernent pas directement. C’est peut-être justement ça. Les fondateurs ne souhaitaient pas que les hausses des droits d’adhésion soient obligatoires, comme les impôts – ils espéraient que les membres seraient ravis de soutenir la médecine de famille parce qu’elle joue un rôle indispensable dans la vie des patients et dans les soins de santé.
Depuis des décennies, les médecins de famille dispensent plus de 50 % des soins de santé au Canada, obtiennent les meilleurs résultats chez les patients et sont des fournisseurs de services efficaces et rentables2. Les gouvernements et nos négociateurs ont cependant sous-évalué leur rôle, n’allouant aux soins primaires qu’un maigre 5 % du budget des soins de santé3. Je suppose que les fondateurs ne pouvaient pas prévoir cette incongruité. Ça me fait penser à une citation de Mark Twain : « La vérité est toujours plus surprenante que la fiction, parce que la fiction doit coller à ce qui est possible, alors que la vérité, elle, n’y est pas obligée4 ». Être une ressource des plus précieuse mais systématiquement sous ‐estimée fait en sorte que les membres en viennent tout naturellement à perdre confiance. Le système les a laissé tomber, eux et leur famille professionnelle, et ils se demandent : « Pourquoi le CMFC n’en a-t-il pas fait plus? » Notre récent sondage indique une perte de confiance des membres à l’égard de la profession et, par conséquent, de leur famille professionnelle.
Notre profession et notre famille professionnelle traversent une période difficile. Les fondateurs étaient-ils des idéalistes naïfs, ou se sont-ils assurés que les membres aient du pouvoir? Je crois que c’est un mélange des deux. Les membres votent contre la hausse des droits d’adhésion depuis huit ans, ce qui force le Collège à réfléchir à sa proposition de valeur. Depuis quelques années, le CMFC agit de manière plus responsable sur le plan financier (en réduisant ses coûts et ses effectifs de 10 % à 15 %) et priorise l’augmentation de la valeur offerte aux membres. À titre de seul porte-parole de la médecine familiale au Canada, nous avons également renforcé nos activités de plaidoyer. Le temps est maintenant venu d’optimiser ces efforts. L’un des objectifs premiers des fondateurs était : « Éclairer et orienter l’opinion publique au Canada relativement à la médecine de famille5 ». La médecine familiale est la pierre angulaire du système de soins de santé canadien, et notre valeur est désormais reconnue par les politiciens, par les médias et, surtout, par le public. Il se passe rarement une semaine sans que les médias parlent du nombre de patients sans médecin de famille, des politiciens qui promettent de régler la pénurie de médecins de famille ou d’autres sujets similaires.
Le CMFC abandonne l’idée de demander des hausses des droits d’adhésion sans que celles-ci soient reliées à des activités spécifiques. En même temps, il a besoin de stabilité financière pour continuer d’assumer ses fonctions de base – comme l’établissement de normes – et les tâches qui prennent plus de temps mais qui sont essentielles – comme le plaidoyer. À cette fin, il intégrera des clauses d’ajustement au coût de la vie dans tous ses produits et frais pour tenir compte de l’inflation. Obtenir l’approbation des membres pour les augmentations liées à l’inflation assurera au CMFC la stabilité financière dont il a besoin pour continuer d’assumer ses fonctions de base. Limiter les hausses régulières à l’inflation fera en sorte que les membres conserveront le contrôle et la responsabilité des augmentations des droits d’adhésion fixées par le CMFC pour des fonctions spécifiques.
À ce moment-ci de l’histoire, alors que notre pays reconnaît qu’il est important que chaque Canadien et Canadienne ait un médecin de famille, il est temps pour nous de consolider notre famille professionnelle tout en demeurant redevables envers nos membres. Les fondateurs du CMFC étaient ambitieux et brillants et je crois, peut-être naïvement, que c’est exactement ce dont ils pourraient rêver.
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