Il y a de nombreuses années, dans une communauté inuite du Nunavik, au Québec, un résident m’a appris la définition de la thérapie cognitivo-comportementale (TCC). Il s’agit d’une forme de psychothérapie structurée, de durée limitée et fondée sur des données probantes, qui aide les patients à reconnaître et à modifier leurs schémas de pensée et comportements inadaptés. Reconnue pour son efficacité dans le traitement de divers troubles de santé mentale, la TCC représente un outil précieux pour les médecins de famille souhaitant améliorer les résultats cliniques en soins primaires. Ce résident suivait un patient atteint de schizophrénie dont les symptômes étaient généralement bien maîtrisés et stables sous médication. Toutefois, environ deux fois par année, il se présentait au cabinet, très agité, en répétant : « Je suis un fantôme! Je ne veux pas être un fantôme! Personne d’autre n’est un fantôme! Pourquoi moi? »
On lui faisait une injection d’halopéridol, ce qui l’apaisait rapidement. Il s’endormait ensuite pendant quelques heures, puis, à son réveil, il oubliait la raison de sa visite et repartait calmement. Un jour, alors qu’il était pris en charge par un résident, je suis passé devant le bureau dont la porte était entrouverte. J’ai entendu le résident lui dire : « Alors, Amaruq, j’ai entendu dire que tu pensais être un fantôme? »
C’était une approche audacieuse. Amaruq, bien sûr, reprit aussitôt sa tirade.
« Amaruq, arrête un peu! » lança le résident. « J’ai compris. »
Amaruq s’interrompit.
« Dis-moi, Amaruq, sais-tu ce que disent les fantômes? » poursuivit le résident.
« Non », répondit-il.
« Ils disent “bouh” », expliqua le résident avant d’ajouter : « Et toi, est-ce que tu dis “bouh”? »
« Non », répondit Amaruq.
« Alors, tu n’es pas un fantôme. »
Un sourire illumina le visage d’Amaruq. « Je ne suis pas un fantôme. Je ne dis pas “bouh” », répéta-t-il. Puis il se leva et quitta la pièce, toujours rayonnant.
Nous avons noté dans son dossier : Si Amaruq revient en affirmant qu’il est un fantôme, demandez-lui simplement s’il dit « bouh ».
Former les résidents à la TCC
En enseignant la TCC aux résidents, j’ai l’occasion de rendre hommage à ce résident dont l’intervention m’a offert une leçon inoubliable sur l’efficacité de cette approche. Mon objectif est de leur faire comprendre que la TCC est un outil essentiel dans le traitement de l’anxiété et de la dépression. On sait que les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine donnent des résultats peu concluants : moins de 60 % des patients atteignent une rémission et 30 % à 40 % ne constatent aucune amélioration significative1. Sans compter les nombreux effets secondaires.
Les études sur l’efficacité de la TCC montrent un taux moyen de rémission de 50 %, sans effets secondaires². Dans notre centre de médecine de famille, les résidents rencontrent des patients au sein de l’unité de santé pour adolescents. Des psychologues observent les patients à l’aide d’une caméra en circuit fermé et discutent ensuite avec les résidents des options de prise en charge. Cette approche permet aux résidents de mieux comprendre les indications de la TCC.
Programme d’intervention dans les écoles secondaires
Pendant leur stage auprès des adolescents, les résidents participent à un programme d’intervention dans les écoles secondaires. Ils animent des discussions en classe sur les troubles de santé physique et mentale, répondent aux questions anonymes soumises par les élèves et leur fournissent notre numéro de téléphone afin qu’ils puissent obtenir du soutien lorsqu’ils ne savent pas vers qui se tourner. Devant l’augmentation marquée du nombre d’adolescents cherchant de l’aide pour l’anxiété et la dépression durant la pandémie de COVID-19, les psychologues de notre centre de médecine de famille ont élaboré une série de huit ateliers sur les principes et stratégies de la TCC. Ces ateliers, portant notamment sur la restructuration cognitive, la pleine conscience, la régulation des émotions et la tolérance à la détresse, ont été offerts aux conseillers d’orientation, aux travailleurs sociaux et aux psychologues des commissions scolaires du Québec afin de mieux les outiller pour accompagner les jeunes. Cette série d’ateliers vise à doter le personnel de soutien des compétences nécessaires pour mieux gérer les problèmes de santé mentale et de comportement des élèves, dans l’espoir de réduire le recours aux soins primaires. Les résidents sont particulièrement fiers de leur rôle au sein de ce programme d’intervention. L’un des quatre grands principes de la médecine de famille, mis de l’avant par le Collège des médecins de famille du Canada, est d’être une ressource pour la communauté3, un aspect rarement abordé dans les programmes de formation. Ces résidents en font l’expérience concrète.
Conclusion
La thérapie cognitivo-comportementale est une approche fondée sur des données probantes pour le traitement des troubles de santé mentale, pouvant être adaptée à la pratique clinique. Vous trouverez ci-dessous trois sites Web proposant divers outils, formations et ressources permettant aux médecins en soins primaires d’approfondir leur compréhension et d’intégrer plus efficacement la TCC dans leur pratique.
Notes
Ressources additionnelles
Retrouver son entrain. Toronto, ON: ACSM National. Accessible à : https://cmha.ca/fr/bounce-back. Réf. du 10 mars 2025.
Phillips W. Think CBT cognitive behavioural therapy. Londres, R.-U.: Think CBT. Accessible à : https://thinkcbt.com/think-cbt-worksheets. Réf. du 10 mars 2025.
Cognitive behavioural therapy (CBT) skills physician wellness group training. Vancouver, C.-B.: Développement professionnel continu, Faculté de médecine, Université de la Colombie-Britannique; 2025. Accessible à : https://ubccpd.ca/collaborate/portfolios/cbt-skills. Réf. du 10 mars 2025.
Conseils pour les enseignants
▸ Quand on enseigne la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) aux résidents, il est important de leur rappeler que la prescription d’inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine sans accompagnement par la TCC constitue une approche thérapeutique incomplète, qui pourrait réduire les chances de rémission chez les patients.
▸ Ce centre de médecine de famille a mis en place un système permettant aux patients d’avoir accès à un psychologue pour de la TCC en quelques mois. On informe également les patients à qui l’on prescrit des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine que sans accompagnement par la TCC, leurs chances de voir leurs symptômes s’améliorer sont beaucoup plus faibles.
Occasion d’enseignement est coordonnée par la Section des enseignants du Collège des médecins de famille du Canada. La série porte sur des sujets pratiques et s’adresse à tous les enseignants en médecine familiale, en mettant l’accent sur les données probantes et les pratiques exemplaires. Veuillez faire parvenir vos idées, vos demandes ou vos soumissions à la Dre Viola Antao, coordonnatrice d’Occasion d’enseignement, à viola.antao{at}utoronto.ca.
Footnotes
Remerciements
Je tiens à remercier le Dr Perry Adler, directeur du service de psychologie de l’Unité de santé des adolescents du Centre de médecine familiale Goldman Herzl à l’Hôpital général juif, qui, avec l’aide de Jake Shenker et d’autres stagiaires en psychologie, a conçu le cours virtuel sur les concepts de la thérapie cognitivo-comportementale destiné au personnel des écoles secondaires locales.
Intérêts concurrents
Aucun déclaré
The English version of this article is available at https://www.cfp.ca on the table of contents for the April 2025 issue on page 270.
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