Sous le thème de la recherche, ce numéro spécial du Médecin de famille canadien (MFC) est consacré à la crise que connaît le secteur de la médecine familiale et des soins primaires au Canada. Il prend racine dans les conversations qu’entretiennent les rédacteurs invités pour ce numéro spécial, soit le Dr Alan Katz et la Dre Vivian R. Ramsden, le directeur de la recherche au Collège des médecins de famille du Canada (CMFC) Steve Slade, et le rédacteur en chef du MFC le Dr Nicholas Pimlott. La discussion s’est entamée dans le cadre du Forum en médecine familiale du CMFC, il y a plus de 4 ans, et se poursuit depuis. Cliniciens ou chercheurs ayant des expériences différentes et œuvrant dans différents milieux, les rédacteurs invités ont des perspectives uniques, et qui parfois se recoupent, sur l’importance de la recherche en médecine familiale, à laquelle ce numéro spécial du MFC porte une attention particulière.
Une polycrise
Katz et Slade écrivaient que le Canada fait face à une polycrise en soins primaires : le manque de médecins de famille; le fardeau des tâches administratives en médecine familiale; l’épuisement des médecins de famille; et les défis en matière de viabilité financière des cabinets de médecine familiale comptent parmi les facteurs qui définissent cette crise1.
Les systèmes de santé des régions rurales et éloignées sont confrontés à des défis encore plus grands, notamment la pénurie chronique de dispensateurs de soins de santé, le taux élevé d’épuisement professionnel au sein de la main-d’œuvre et l’accès restreint aux services de première ligne2,3. En Saskatchewan, par exemple, où la Dre Ramsden habite et travaille, un tiers de la population vit en région rurale ou éloignée, où les obstacles à une prestation de soins opportuns et exhaustifs sont accentués par des difficultés socioéconomiques, l’isolement géographique et la pénurie de ressources locales3. Avec plus de 74 Premières Nations déjà confrontées à des disparités en matière de santé, la crise en soins primaires touche disproportionnellement les patients des collectivités rurales, éloignées et autochtones, comparativement à ceux des régions urbaines4.
Par souci de pertinence dans le contexte de la pratique familiale, les questions de recherche devraient être formulées par des travailleurs de la santé et des patients, dans les milieux de pratique familiale5. La recherche participative nécessite que les personnes touchées par la recherche y soient impliquées à chacune des étapes. Les travailleurs de la santé et les patients connaissent le contexte des soins, et ont la capacité de formuler et de mettre à l’essai des hypothèses sur l’amélioration des soins. L’objectif de ce numéro spécial est d’intégrer le mieux possible la recherche et l’érudition qui incarnent aussi ces valeurs.
Le processus
La première étape de l’élaboration de ce numéro axé sur la recherche était d’inviter des chercheurs et des spécialistes en médecine familiale de partout au pays à soumettre des idées pour des propositions de manuscrits en réponse à la crise. En deuxième lieu, un examen de ces idées à l’interne a permis de déterminer dans quelle mesure elles répondent à la crise, puis de solliciter la soumission de manuscrits complets. Ces derniers ont ensuite fait l’objet d’un examen externe par les pairs. La participation des intervenants du milieu de la recherche en médecine familiale du Canada a été extraordinaire; le nombre de manuscrits proposés dépassant de loin les capacités de la revue à en publier. Nous sommes à la fois honorés et reconnaissants.
Les résultats
Les articles publiés dans ce numéro spécial du MFC surpassent les attentes très élevées en matière de pertinence et de qualité. Ils fournissent des informations sur la crise en médecine familiale et dans les soins primaires au Canada, proposent des solutions à partir de la recherche originale, et offrent une évaluation de la littérature actuelle sur la médecine familiale.
Les médecins de famille soutiennent depuis longtemps que l’un des principaux défis auxquels ils font face est l’aspect administratif des soins, un fardeau qui augmente constamment depuis quelques années. Un examen critique de la littérature scientifique mené par Storseth et coll. (page e126)6 de même qu’une étude qualitative de Brown et coll. (page e148, article complet disponible en anglais, résumé en français)7 portent sur ce problème. Dans leurs commentaires éclairés, Terry et coll. (page e90, article complet disponible en anglais)8 et Gilfoyle et coll. (page e101, article complet disponible en anglais)9 soulignent la nécessité de prendre en compte le point de vue des médecins de famille dans la conception et la mise en œuvre d’outils visant à réduire le fardeau administratif, notamment l’intelligence artificielle.
L’écart grandissant entre le revenu des omnipraticiens et celui des spécialistes a également exacerbé la crise, en faisant de la médecine familiale un choix de carrière moins attrayant pour les étudiants en médecine. Un commentaire de McCracken et coll. (page 388)10 ainsi que les études de Grady et coll. (page e140, article complet disponible en anglais, résumé en français)11 et de Jacobs et Bell (page e135, article complet disponible en anglais, résumé en français)12 explorent comment des modèles de rémunération améliorés pourraient aider à résoudre la crise.
Notons en outre les commentaires éclairés et axés sur les solutions de plusieurs auteurs qui abordent les moyens de rendre la médecine familiale plus attrayante pour les étudiants en médecine, allant de la création d’une nouvelle école de médecine innovatrice à l’Université Simon Fraser (page e94, article complet disponible en anglais)13 au développement des modèles de soins axés sur le travail d’équipe (page e98, article complet disponible en anglais)14.
Les patients et les collectivités d’abord
Enfin, mais surtout, nous voulions présenter le point de vue crucial des patients face à la crise. Pour ce faire, nous sommes fiers de partager le plus récent rapport de l’initiative pancanadienne NosSoins, de Kiran et coll. (page 397, article complet disponible en anglais, résumé en français)15. Nous sommes reconnaissants à Brenda Andreas, ancienne coprésidente du conseil consultatif des patients du Réseau canadien de recherche en soins primaires, membre du conseil consultatif de l’Institut des services et des politiques de la santé aux Instituts de recherche en santé du Canada, et représentante des patients au Conseil administratif du Groupe de recherche nord-américain sur les soins primaires, qui fournit aux lecteurs des renseignements précieux sur la façon dont nous pouvons développer un système de soins primaires plus solide, équitable et adapté, dans lequel les patients et les communautés sont le point central (page 376)16.
Footnotes
Les opinions exprimées dans les éditoriaux en collaboration spéciale sont celles des auteurs. Leur publication ne signifie pas qu’elles soient sanctionnées par le Collège des médecins de famille du Canada.
This article is also in English on page 368.
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