
Bien que cet article paraisse en juin, je l’écris en avril, à l’approche du milieu de mon mandat. C’est le printemps, une saison de renouveau et de changement. Pour moi, c’est un moment pour prendre du recul et réfléchir au leadership, alors que je me prépare pour les six prochains mois.
Lors de la célébration du centenaire de la Fédération des femmes médecins du Canada, avant de devenir présidente, j’avais exprimé certaines réserves à une collègue, une colonelle décorée des Forces armées canadiennes, concernant l’aspect pompeux de la cérémonie d’investiture de la présidente. Ma collègue m’a expliqué que cette cérémonie symbolisait une transition importante dans le leadership, marquant le moment où j’accepterais la responsabilité de diriger l’organisation avec humilité et respect. Elle m’a expliqué que cette célébration ne se concentrait pas uniquement sur moi, mais mettait plutôt l’accent sur les obligations qui m’incombaient en tant qu’ambassadrice et servante du Collège des médecins de famille du Canada (CMFC), et que l’acceptation de ces responsabilités méritait une cérémonie. En l’écoutant, j’ai vu mes réserves s’estomper. Elle semblait décrire le leadership au service d’autrui, un style de leadership qui résonne profondément en moi. Ce terme, formulé pour la première fois par Robert K. Greenleaf dans son essai « The Servant as Leader1 », décrit une personne qui aborde le leadership avec le sentiment qu’elle souhaite avant tout servir. Greenleaf explique que c’est de ce désir de servir qu’émerge « un choix conscient qui pousse à aspirer à diriger1 ». Cette notion m’a portée tout au long de la cérémonie et continue de m’inspirer aujourd’hui.
Ce concept de servir le CMFC non pas en tant que Carrie, mais en tant que présidente et porte-parole, a été renforcé lors de ma formation médiatique. Pendant la séance, l’animateur m’a mis dans une situation délicate en essayant de me faire dire des choses que je pourrais regretter plus tard. Il m’a incitée à partager mes propres sentiments sur la crise en médecine de famille. Sous une pression croissante, j’ai fini par exprimer mon opinion personnelle … et j’ai immédiatement été rappelée à l’ordre : quand je parle au nom du CMFC, mon point de vue personnel n’a pas d’importance.
J’ai trouvé cette leçon facile à assimiler et, dans l’ensemble, relativement simple à mettre en pratique. Je travaille avec un conseil d’administration exceptionnel et un chef de la direction brillant et dévoué, soutenu par une équipe remarquable. Nous ne sommes pas toujours d’accord sur tous les points, mais nous travaillons ensemble pour parvenir à un consensus, et je suis fère de tout ce que nous avons accompli. Nous avons approuvé un budget équilibré, commencé à renforcer nos relations avec nos sections provinciales, partenaires et membres, et nous continuons à défendre la médecine de famille à un moment où les gouvernements et le public ont particulièrement besoin de nous entendre. Parler au nom du CMFC s’est avéré très facile.
Mais que se passe-t-il lorsqu’un leader n’est pas d’accord? Que faire lorsqu’il y a des tensions, des conflits ou des malentendus qu’il semble impossible de surmonter? C’est à ce moment que les choses se compliquent. Dans de telles situations, on espère toujours qu’un consensus soit possible. Mais si ce n’est pas le cas, et que l’on croit profondément au leadership au service d’autrui, quelle est la bonne chose à faire?
Je me suis retrouvée dans cette situation durant la première partie de ma présidence, et ce fut un moment particulièrement difficile à vivre. J’étais partagée, tiraillée dans plusieurs directions. D’un côté, j’étais fère de notre travail acharné, de nos nombreuses victoires durement obtenues et de l’orientation générale du CMFC. De l’autre, une question spécifique me perturbait profondément, et pourtant, je n’arrivais pas à m’exprimer. J’avais l’impression d’être forcée de choisir entre Carrie et ma fonction de présidente.
Ces derniers temps, notre monde me semble de plus en plus polarisé et les gens peinent à accepter la complexité. Les leaders se retrouvent confrontés à des enjeux profondément personnels, tant pour eux-mêmes que pour leurs membres. Pourtant, beaucoup ont adopté une pensée binaire, ce qui rend presque impossible une résolution qui soit inclusive. Pour ma part, plutôt que de choisir entre Carrie et la présidente, j’ai choisi d’être les deux, en portant la tension et la complexité avec compassion. Et bien que je ne m’exprime qu’en tant que présidente, je peux, en tant que Carrie, essayer de résoudre les conflits. Je peux rester ouverte à la critique, essayer de construire des ponts et chercher à comprendre autant que j’espère être comprise.
Footnotes
This article is also in English on page 437.
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