Une toile qui représentait une paysanne a attiré mon regard. Quelque chose de cette femme me rappelait ma grand-mère. Peinte dans des couleurs simples, elle semblait partager la force de ma grand-mère – une force acquise en travaillant la terre sans pouvoir recourir à la technologie et en élevant seule plusieurs enfants.
Cette peinture, une œuvre du peintre anglais Frederick Sandys, est celle qui m’a le plus touché durant notre visite au Musée des beaux-arts du Canada (MBAC) à Ottawa. Dre Alison Eyre, coordonnatrice du programme des Diplômés inter-nationaux en médecine (DIM) du Département de médecine familiale de l’Université d’Ottawa, en Ontario, nous avait amenés au MBAC afin de nous exposer à la culture de notre pays d’adoption.
Enfant, en Éthiopie, on m’a envoyé vivre chez ma grand-mère. Nous élever semblait la combler— il est certain qu’elle appréciait notre compagnie. La plupart de ses journées débutaient avec des prières, suivies d’un « bon matin » lancé aux moutons et au bétail. Elle trayait les vaches et m’offrait un peu de ce lait pour le petit-déjeuner avant que j’aille à l’école. Le reste du lait allait aux enseignants embauchés par les autorités locales, à titre d’indemnité. C’était une femme forte – indépendante et travaillante – et elle est encore un modèle pour moi. Elle m’a enseigné d’importantes leçons de vie, et le souvenir de sa force et de son courage m’accompagnera encore très longtemps.
Après l’école primaire, j’ai déménagé dans une petite ville, avec ma mère et mon beau-père, afin de poursuivre mes études. La plupart de mes amis dans le village de ma grand-mère ne poursuivaient pas leurs études après le primaire, n’ayant pas les moyens de déménager. J’ai été chanceux et j’en ai profité en m’appliquant à mes études. Parce que j’obtenais d’excellentes notes, on m’a offert l’une des 150 places à l’école de médecine de notre pays de 65 millions d’habitants. Six années plus tard, j’ai commencé à pratiquer la médecine générale en milieu rural – il faut accomplir de 4 à 5 années de pratique avant de pouvoir retourner faire sa résidence. Dans mon cas, cependant, ces années ont été abrégées puisque je me suis marié à une Canadienne d’origine éthiopienne et que j’ai émigré pour la suivre au Canada. Après mon arrivée ici, j’ai passé environ 18 mois à me préparer aux examens et à traverser le long processus de demande pour obtenir un poste de résident DIM.
La pratique au Canada
Le retour à la formation et à la pratique a été une étape passionnante de ma vie professionnelle. Je suis l’un des premiers participants du programme de pré-résidence (PPR) pour les diplômés internationaux en médecine (DIM) en Ontario. Le programme PPR est un nouveau programme de quatre mois conçu pour familiariser les DIM acceptés à la résidence en médecine familiale au système de santé canadien et au programme de résidence même. Il est financé par le ministère de la Santé et des Soins de longue durée, et est exécuté par DIM-Ontario. Nous avons passé la majorité des deux premiers mois en salle de classe, à étudier l’approche axée sur le patient. À cela s’ajoutaient d’autres sujets, tels que le rôle de l’Ordre des médecins et chirurgiens de l’Ontario, l’utilisation des lignes directrices cliniques, la recherche documentaire, de même que l’interaction avec les résidents en médecine familiale. Dans l’ensemble, cette partie a été très utile, mais la plupart des participants pensaient qu’elle aurait pu être écourtée.
La deuxième moitié du PPR s’est déroulée dans nos universités respectives. Elle était conçue pour nous familiariser concrètement avec le rôle de résident en médecine familiale. Chacun de nous a été jumelé à un résident pendant une semaine, à tour de rôle. Nous suivions nos résidents durant leurs activités cliniques – et même parfois jusqu’à la cafétéria. La plupart des participants ont constaté que cette partie du PPR était une expérience concrète, qui les a aidés à comprendre le système.
Le processus de qualification est extrêmement compétitif, puisqu’il y a beaucoup plus de DIM que de postes à combler. Bien qu’il n’y ait pas de données exactes sur le nombre de DIM, l’Association of International Physicians and Surgeons of Ontario estime à environ 4 000 le nombre des DIM sans per-mis d’exercer en Ontario1.
Les critères d’admission au programme des DIM-Ontario comprennent l’examen d’évaluation et l’exa-men d’aptitude-I du Conseil médical du Canada, un examen d’anglais langue seconde et un test de conversation anglaise.
La transition vers la pratique au Canada m’a révélé de nouvelles dimensions de l’apprentissage et de la pra-tique, non sans difficultés. Il n’est pas si difficile d’obtenir de bonnes notes à un bref examen d’anglais, mais il faut du temps pour apprendre à utiliser une langue seconde dans les activités quotidiennes en tant que médecin.
Il n’est pas facile non plus de s’intégrer à une nouvelle culture. En Éthiopie, les médecins pratiquent la même médecine sur le plan de la structure, mais la relation médecin-patient est plus paternaliste; la prise de déci-sions revient au médecin, et la participation du patient à son plan de soins est minime. Les systèmes de santé sont différents, comme le sont les taux de prévalence des maladies. En Éthiopie, nous disons: «Si vous connaissez les maladies infectieuses, vous connaissez la médecine. » Les maladies cardiovasculaires et le cancer, qui sont des préoccupations majeures au Canada, ne sont pas les principales priorités là-bas. Les maladies infectieuses telles que la malaria, le sida et la tuberculose sont les prin-cipales causes de morbidité et de mortalité.
Représentation artistique
Le matin où nous avons visité le musée, nous avions pour tâche de désigner des œuvres d’art qui représen-taient notre passé et notre transition vers le Canada. J’ai vu le Canada dans Les bienfaits de la paix, de l’artiste français Pierre Puvis de Chavannes. Cette toile mon-tre comment les gens peuvent être productifs s’ils ont la liberté de concrétiser leurs idées et leurs désirs dans un environnement de paix. Pour moi, c’est ce qu’offre le Canada, où règne la liberté d’intérêts, de parole et d’expression. C’est absolument merveilleux, pour autant qu’on ait tous pour devise de vivre pour améliorer notre société et notre pays.
Remerciements
Je désire remercier Dre A. Eyre, qui m’a encouragé et aidé à écrire cet article.
Footnotes
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Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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