Un de mes collègues médecins de famille m’a confié récemment qu’en 30 ans de pratique, ce qu’il a trouvé le plus satisfaisant, c’était les accouchements et les soins en fin de vie. Les tâches administratives entourant le décès représentent une partie importante des soins en fin de vie, notamment savoir quand avertir le coroner et faire le constat en bonne et due forme.
Au cours des prochaines années, un nombre grandissant de médecins de famille participeront aux soins en fin de vie, avec le vieillissement des baby boomers souffrant de maladies chroniques, comme des cardiopathies, des pneumopathies ou le cancer, qui souhaiteront mourir à la maison entourés de leur famille1.
L’article par Myers et Eden ( page 1035) décrit une intervention éducative pour aider les médecins de famille à s’acquitter des tâches entourant le décès. Si beaucoup de médecins de famille se sentent mal à l’aise avec ces tâches, c’est peutêtre qu’ils ne connaissent pas bien leur rôle, ne sont pas sûrs des circonstances où il faut avertir le coroner ou trouvent difficile de remplir tous les formulaires.
Myers et Eden présentent un atelier de développement professionnel continu sur les tâches administratives entourant le décès. Élaboré à la suite d’une évaluation des besoins, cet atelier se penche sur les cas où il faut informer le coroner, le prononcé du décès ailleurs qu’à l’hôpital ou dans un centre de soins de longue durée et la façon de bien remplir le certificat de décès. L’atelier a eu comme résultats une bien meilleure compréhension de la Loi sur les coroners et des certificats de décès plus exacts. Les participants se sont dits satisfaits des connaissances apprises à cet atelier.
Responsabilités
Il se produit environ 80 000 décès par année en Ontario et le coroner fait enquête sur environ 20 000. Selon une estimation conservatrice, le coroner atteste du décès au nom des médecins de famille dans environ 2,5% des cas ou 500 par année (communication personnelle de J. Stanborough, coroner superviseur régional, mars 2007), parce qu’ils ne peuvent pas être présents, n’ont pas de remplaçants s’ils s’absentent ou ne veulent pas être impliqués dans le certificat de décès de leurs patients.
J’ai souvent été appelé en tant que coronaire de ma communauté à assister à un décès de cause naturelle à domicile. Dans bien des cas, les médecins de famille n’étaient pas disponibles ou ne voulaient pas être présents. Lorsque je leur demandais la raison de leur absence, ils semblaient surpris ou dérangés. Beaucoup ne comprenaient pas le rôle du coroner et s’attendaient à ce que ce dernier s’occupe de tous les décès à domicile. Certains n’avaient même pas de certificats de décès dans leur bureau. Ceux qui acceptaient d’être présents me demandaient souvent conseil sur la façon de bien remplir le formulaire. Mon expérience personnelle corrobore donc l’affirmation par Myers et Eden que les médecins de famille sont mal à l’aise dans ce rôle.
Des coroners ou des policiers peuvent communiquer avec les médecins de famille et leur demander d’assister au décès de leur patient à la maison et de compléter le certificat de décès. Les médecins de famille doivent comprendre que, dans de tels cas, le coroner a déjà examiné le dossier et déterminé qu’il ne s’agissait pas d’un décès à signaler en vertu de la Loi sur les coroners. Ceci veut dire qu’un médecin qui est familier avec la maladie du patient peut remplir le certificat de décès conformément à la Loi sur les statistiques de l’état civil, qui se lit comme suit:
Le médecin dûment qualifié qui soignait la personne décédée durant sa dernière maladie ou qui possède suffisamment de renseignements sur la dernière maladie remplit et signe, immédiatement après le décès, un certificat médical de décès, selon la formule prescrite, qui énonce la cause du décès conformément à la classification des maladies adoptée par renvoi dans les règlements. Il remet le certificat médical au directeur de services funéraires ou à l’autre personne à qui est confié le corps2.
Lorsque le décès est prévu, les médecins de famille peuvent être guidés par l’énoncé suivant du Collège des médecins et chirurgiens de l’Ontario dans sa politique sur les soins en fin de vie: le médecin estil prêt à procéder à la production du certificat de décès à domicile ou à déléguer une autre personne compétente pour le faire s’il n’est pas disponible? Lorsque le décès du patient à la maison est l’issue anticipée, il faut désigner à l’avance les personnes responsables de signer le certificat médical de décès. Il n’est pas acceptable de se fier au coroner pour le faire3.
Certaines provinces révisent leurs lois pour permettre à d’autres, comme des infirmières praticiennes, de prononcer le décès. Même dans de telles circonstances, il est probable que les médecins de famille seront toujours responsables de remplir le certificat médical de décès de leurs patients.
Avantages
À mon avis, les médecins de famille ne devraient pas s’esquiver de leurs obligations entourant le décès. C’est une partie importante de leur pratique et ils ont un devoir moral et éthique de s’en acquitter. Ce faisant, ils accomplissent un important rôle administratif. Ils sont aussi accessibles à leurs patients dans des moments difficiles. Ils peuvent passer du temps avec la famille à répondre aux questions et à soulager la détresse. Les familles l’apprécient beaucoup et le geste procure un sentiment remarquable de satisfaction aux médecins qui soignent ces patients depuis longtemps.
Comme le fait remarquer Huffman, les responsabilitésdu médecinde famille ne s’arrêtentpas à la mort du patient. En complétant soigneusement et exactement le certificat de décès, le médecin de famille contribue à assurer que les conséquences profondes du décès du patient sont ce qu’elles devraient être4.
Il peut être difficile et intimidant de remplir un certificat de décès. De nombreux articles décrivent les erreurs fréquentes commises par les médecins dans cette tâche, comme l’utilisation des mécanismes du décès plutôt que les maladies, le manque de spécificité dans le diagnostic et dans le moment du décès et une séquence imprécise lorsque de multiples facteurs sont en cause5,6.
Les médecins de famille doivent se rendre compte qu’en remplissant avec exactitude les certificats de décès, ils procurent au Canada les données primaires des tendances démographiques et épidémiologiques, allant de l’espérance de vie aux taux de mortalité spécifiques à une maladie.
Possibilités de formation
Myers et Eden démontrent l’utilité d’une intervention éducative pour que les médecins sachent bien remplir un certificat de décès. Malheureusement, elles se font rares sur ce sujet et elles le sont tout autant durant les études de médecine et la résidence.
La présentation de la Loi sur les coroners aux résidents dans ma communauté comporte un exposé de 10 minutes durant une séance d’orientation et des références à du matériel publié dans le site Web de l’hôpital. Il est démontré par de nombreuses études que le matériel écrit à lui seul ne produit pas beaucoup d’amélioration dans la rédaction du certificat de décès ni dans la connaissance de la Loi sur les coroners. Il est évident, selon l’article de Myers et Eden et d’autres études, que des ateliers interactifs en petit groupe permettent d’atteindre cet objectif.
Il serait intéressant de mesurer l’influence de tels ateliers sur la participation des médecins de famille aux soins en fin de vie et aux activités administratives afférentes. Je crois que les médecins de famille assumeraient ces responsabilités s’ils avaient la formation voulue. Le sujet devrait être au programme de toutes les conférences de médecins de famille au Canada.
Conclusion
Les médecins de famille seront de plus en plus appelés à participer aux soins en fin de vie de leurs patients à domicile et dans les centres d’accueil et de prononcer leur décès. C’est un rôle important des médecins de famille et ils ne devraient pas se soustraire à ce devoir. Il n’est pas acceptable de se fier au coroner pour prononcer un décès de cause naturelle à domicile.
Le malaise est peutêtre attribuable au manque de connaissance de la Loi sur les coroners. Des programmes de formation sur le certificat de décès, comme celui décrit par Myers et Eden, ont réussi à accroître les connaissances et l’exactitude des certificats de décès. L’élargissement de ce programme et la création d’activités semblables aideront les médecins de famille qui s’acquittent déjà de ces tâches et encourageront les autres qui n’y participent pas à exercer ce rôle important et satisfaisant.
Footnotes
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Les opinions exprimées dans les commentaires sont celles des auteurs. Leur publication ne signifie pas qu’el-les sont sanctionnées par le Collège des médecins de famille du Canada.
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