La formation médicale est basée sur des principes d’enseignement qui permettent aux diplômés en médecine qui ont obtenu le droit de pratique de poser les diagnostics adéquats et de prescrire les médicaments appropriés. Ces deux privilèges sont l’essence même d’un doctorat en médecine.
Depuis quelques années, certaines corporations professionnelles réclament le droit de poser des diagnostics et de prescrire des médicaments. Est-ce que la pratique de la médecine est devenue à ce point simple que d’autres formations professionnelles s’avèrent pratiquement équivalentes? Ou serait-ce plutôt les diverses pathologies qui se sont à ce point simplifiées dans leur gravité d’expression et d’évolution pour que d’autres professionnels puissent les prendre en charge aussi facilement? Ou encore, y aurait-il d’autres contingences non avouées à la base de ces revendications? Et si finalement la réponse à toutes ces tractations était la réussite pour tous d’un examen donnant droit à l’exercice de la médecine au Canada?
On ne peut nier que devant les difficultés d’accessibilité aux services médicaux, la pression politique est forte pour faire modifier certaines lois qui permettraient l’exercice de la médecine par d’autres professionnels. Ces professionnels se disent tout aussi habilités à prescrire les médicaments, et ils demandent la modification des lois pour ce faire.
Pourtant, devant ce courant de décloisonnement professionnel, il est curieux de constater que seul le champ de l’exercice de la médecine soit visé. Ainsi les infirmières praticiennes demandent le droit de prescrire des médicaments et de traiter des pathologies. Les pharmaciens demandent aussi ce droit, se positionnant comme les experts des médicaments. Et pourtant, ces 2 corporations refusent de reconnaître l’une à l’autre et aux autres certains privilèges qu’ils revendiquent pour eux-mêmes. Curieux, n’est-ce pas?
Je suis de ceux qui considèrent que la formation médicale est un champ d’expertise unique qui procure la capacité d’établir un diagnostic et de prescrire la médication appropriée. Je suis aussi de ceux qui croient que devant les pressions politiques qui s’exercent sur les règles de pratique professionnelle, les médecins devront exiger, dans ces changements et dans ce partage de l’exercice de la médecine, toutes les formes de privilèges dévolus aux autres corporations professionnelles. Ces privilèges incluront, entre autres, le droit de vendre des médicaments (les pharmaciens évoluant actuellement dans une situation de monopole contraire à toutes les règles de concurrence et de conflit d’intérêts), le droit de travailler en même temps pour le réseau public et en privé (comme beaucoup d’infirmières du réseau de la santé), le droit de s’engager du personnel paramédical et le droit de facturer le réseau public pour les services rendus.
Le décloisonnement ne peut se faire à sens unique. Il n’est plus question de permettre à l’un ce que l’on refuse à l’autre. Il n’est pas non plus question que le champ de la pratique de la médecine soit le seul visé par ces transformations. Les gouvernements qui auront à répondre à ces pressions politiques devront être cohérents et du même coup réviser en profondeur toutes les règles qui encadrent les professions du secteur de la santé. C’est une question d’équité concurrentielle pour tous les professionnels qui exercent dans le marché de la santé au Canada.
De plus, je suis d’avis que si les gouvernements accordent aux infirmières praticiennes et aux pharmaciens le droit de prescrire, ils doivent du même coup accorder ce droit aux autres professionnels de la santé. Ainsi, les physiothérapeutes, les chiropraticiens, les psychologues, les travailleurs sociaux, les infirmières, les nutritionnistes, les inhalothérapeutes, les ergothérapeutes et autres pourront aussi prendre en charge et traiter diverses pathologies, prescrire et vendre les médications nécessaires au bien-être des patients qu’ils traiteront, le tout avec succès ou non. Cette démarche aura au moins la qualité d’être juste et équitable envers tous les intervenants. Elle éliminera les monopoles et les chasses gardées et ne sera d’aucune façon discriminatoire pour quelque professionnel de la santé que ce soit.
Je demeure profondément convaincu que la pratique de la médecine est un exercice complexe, avec toutes les subtilités et les variantes qu’on lui connaît, et que la seule formation valable qui confère l’expertise nécessaire à poser correctement un diagnostic et à prescrire adéquatement les médicaments reste la formation médicale.
Accordons le droit au médecin de s’adjoindre des professionnels qui agiront sous sa responsabilité. Donnons-lui les leviers financiers pour y parvenir. Nous améliorerons grandement l’accessibilité et la qualité des services à la population. N’est-ce pas la façon dont fonctionnent la plupart des autres professionnels de la santé au Canada? Permettons ce modèle de soins aux médecins de famille canadiens et nos soins de santé à la population ne s’en porteront que mieux. Nous éviterons ainsi beaucoup de dérapage.
Finalement, pour ceux ou celles qui veulent faire des diagnostics et prescrire des médicaments, l’inscription dans une faculté de médecine demeure toujours une avenue possible.
Notes
CONCLUSIONS FINALES
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Poser un diagnostic et prescrire un médicament sont l’essence même du doctorat en médecine.
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Tout changement à la loi devra réviser chacune des règles régissant les ordres professionnels pour permettre une équité concurrentielle.
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Le droit de poser un diagnostic et de prescrire un médicament doit être soumis, pour tous, au même examen donnant droit à l’exercice de la médecine.
Footnotes
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Les parties à ce débat contestent les arguments de leur opposant dans des réfutations accessibles à www.cfp.ca. articipez à la discussion en cliquant sur Rapid Responses.
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Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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