La formation médicale et la démographie des étudiants en médecine ont subi des changements importants au cours de la dernière décennie. Plusieurs mesures ont été mises en place afin d’accroître la main d’œuvre médicale et d’en amoindrir les disparités régionales. Le Collège des médecins de famille du Canada intervient régulièrement auprès des décideurs pour qu’ils posent des gestes concrets en ce sens, incluant la mise en place de mesures pour accroître l’attraction pour le métier de médecin de famille. Inévitablement, ceci impose une pression importante sur le réseau de formation.
En conséquence, peu de praticiens en exercice échapperont à la demande de s’impliquer dans la formation médicale. D’ailleurs, en prêtant le serment d’Hippocrate tout médecin s’engage à rendre aux générations futures l’instruction qu’il a reçue. Or, on entend souvent ce type de commentaire de la part de collègues: «je ne me vois pas comme un enseignant. J’avais justement choisi de pratiquer dans un milieu où il ne se fait pas d’enseignement».
Cette hésitation à s’engager concrètement à la préparation de la relève peut sans doute provenir d’une méconnaissance des différentes façons, pour un médecin de famille, d’y contribuer. En effet, à travers plusieurs opportunités d’influencer le recrutement et l’entraînement à la carrière de médecin de famille, chacun d’entre nous peut trouver le créneau où il sera à l’aise de s’impliquer!
Trouvez votre créneau
En participant à la promotion de la médecine familiale auprès des futurs médecins
Il n’est pas nécessaire d’enseigner «vraiment» pour participer à la promotion de la discipline. Nous savons tous que notre travail est mal connu d’une partie de la population (plusieurs pensent encore qu’il se limite à diriger les patients vers les «spécialistes» après une évaluation sommaire), mal connu aussi de nos collègues des autres spécialités et par conséquent des étudiants en médecine. Ils sont toujours étonnés lorsqu’ils saisissent mieux nos spécificités, de même que l’étendue de nos champs d’action et la variété de nos interventions (incluant les actes techniques).
Avez-vous déjà songé à accepter l’invitation du GIMF (Groupe d’intérêt en médecine familiale, qui est constitué au sein des étudiants en médecine de niveau prégradué pour faire la promotion de notre métier) de la faculté de médecine près de chez vous pour aller témoigner sur votre pratique ou pour aller faire la démonstration d’une pratique que vous faites couramment, ou même pour recevoir un étudiant à votre cabinet et lui permettre d’observer votre travail pendant quelques heures?
Ce sont des interventions simples qui ont un impact important en terme de promotion. Vous pourriez aussi profiter de la présence de médecins en formation dans votre région pour faire visiter votre cabinet ou pour participer à une activité sociale avec eux même si vous n’intervenez pas directement dans le stage.
En étant le médecin de famille d’un étudiant en médecine
Rarement on a mentionné que c’était une façon de contribuer à la promotion du rôle du médecin de famille. Le modèle de rôle commence dès l’entrée en faculté, voire même dans les années précédentes, et une connaissance intime de la place du médecin de famille en étant son patient est probablement un élément négligé. C’est surtout une contribution à la portée de tout médecin en exercice! Si nous reconnaissons que ceci a son importance, peut-être verrons-nous bientôt apparaître des activités de formation continue sur les façons d’être un bon médecin pour des collègues ou des étudiants en médecine.
En siégeant au sein d’organisations qui déterminent les conditions de pratique et de formation en médecine familiale
En acceptant une telle responsabilité, le médecin de famille n’a pas besoin d’être en contact direct avec des médecins en formation et peut tout de même contribuer activement à faire en sorte que notre profession gardera son attrait et que les programmes de formation prépareront une relève compétente et bien adaptée à la pratique en changement. Qui de mieux pour connaître ce pour quoi les programmes de formation devraient préparer les médecins de famille de demain que les praticiens du terrain directement impliqués dans leur communauté? Même à distance, vous pouvez influencer le choix des étudiants en médecine pour la pratique générale!
En acceptant parfois un étudiant en médecine en stage dans sa pratique
Et ceci pour des stages à différents niveaux de la formation. En effet, le contact avec la «vraie pratique» est crucial dès le début de la formation médicale et la plupart des facultés ajustent leur curriculum en ce sens, multipliant ainsi les demandes de milieux de stage dans la communauté.
Il s’agit alors surtout de permettre à l’étudiant de prendre contact avec les différentes facettes de notre travail clinique, comme un «compagnon» du temps des artisans, et de lui donner accès au raisonnement diagnostique et au processus de décision clinique qui nous habite, en silence, avec chacun de nos patients. Pas besoin d’être certain, pas besoin de tout faire «comme les guides de pratique», pas besoin de tout connaître, juste de mettre des mots sur notre réflexion médicale et sur notre art de personnaliser nos connaissances au service de chacun de nos patients.
En s’engageant pour une charge de cours à la faculté de médecine
Le nombre d’enseignants requis pour chacun des cours a augmenté de façon exponentielle avec l’augmentation des admissions en médecine, d’autant plus que les méthodes de formation actuelles favorisent l’instruction en petits groupes. Les facultés se tournent donc de plus en plus vers les médecins en exercice, sans statut de professeur régulier, pour participer à l’enseignement.
Il est assez aisé d’agir ainsi comme tuteur d’un cours qui est déjà développé et bien encadré et pour lequel on nous fournit la formation pédagogique adaptée. Les collègues qui le font reconnaissent aussi que la mise à jour nécessaire pour cet enseignement devient même pour eux une occasion de formation continue.
Or les étudiants nous confirment que le fait de côtoyer des médecins de famille comme professeurs joue un rôle crucial dans leur réflexion pour leur choix de carrière. C’est une occasion privilégiée pour notre profession de se faire connaître. Vous avez peut-être déjà songé que même si vous n’avez pas l’intérêt pour superviser dans le cadre de stages, vous pourriez agir avec plaisir comme professeur à la faculté pour quelques heures par année.
En faisant partie du groupe des éducateurs médicaux au sein des programmes de médecine familiale
Les départements de médecine familiale de chaque université canadienne offrent maintenant un cadre stimulant et soutenant à ceux et celles qui consacrent une partie de leur travail régulier à l’enseignement. On observe un nombre grandissants de ces éducateurs médicaux qui ont notamment la responsabilité d’agir comme personnes ressources pour l’ensemble des précepteurs.
En s’impliquant comme précepteur de formation en médecine de famille dans sa communauté
Les besoins en nombre de médecins de famille qui acceptent de superviser des externes ou des résidents augmentent de mois en mois. Être superviseur est une tâche exigeante qui nécessite une organisation de pratique appropriée, une collaboration étroite de l’équipe de collègues ainsi que des institutions de santé impliquées, et une formation pédagogique continue. C’est un rôle valorisant et soyez certains que les étudiants cherchent et apprécient des milieux de formation où ils pourront exercer et apprendre dans un contexte le plus représentatif possible de leur future pratique.
Trouvez du soutien
Avez-vous identifié votre créneau? Bien sûr, chacun de ces rôles comporte ses inconforts et peut générer le sentiment de ne pas être bien préparé pour le faire. C’est une préoccupation majeure de la Section des enseignants du CMFC qui souhaite faire la promotion du rôle de formateur dans la communauté et contribuer au développement d’outils de formation continue adaptés à ce rôle.
La nouvelle chronique du Médecin de Famille Canadien, intitulée «Occasion d’enseignement» a été développée dans cette perspective. Elle propose en synthèse aux médecins de famille qui enseignent des stratégies concrètes et fondées sur des évidences concernant différents aspects de l’éducation médicale. Sous l’égide de la Section des enseignants du CMFC, elle traite d’un sujet pratique qui peut intéresser un large éventail de médecins de famille jouant le rôle de précepteurs. Elle sera mise à votre disposition quelques fois par an et rendue accessible dans langue de votre choix: en version française ou anglaise, dans la revue, suivant la langue dans laquelle elle a été écrite, et en version traduite accessible au même moment sur www.cfp.ca via CFPlus. La série a débuté en juin, sous l’intitulé «Seminar», par un texte de Dre Karen Schlutz traitant du défi d’enseigner la continuité des soins1. Ce mois-ci, Drs Grant Russel et Alan Ng (CFPlus) nous parle des façons d’inclure l’observation directe des stagiaires à notre pratique d’enseignement déjà bien chargée2.
Vos suggestions de sujets à traiter dans cette chronique ou vos propositions de textes à publier sont les bienvenus. Nous vous invitons aussi à joindre votre voix à celle du groupe des médecins de famille impliqués en formation médicale au sein de la Section des enseignants pour réclamer, par exemple, une formation pertinente pour enseigner, des conditions de travail favorisant l’implication en formation, et un curriculum de formation qui prépare bien au métier.
Peu importe le moyen que nous choisirons, soyons certains d’avoir, tous et chacun, l’occasion de jouer notre rôle, c’est-à-dire d’influencer la qualité de la formation de nos futurs collègues! C’est une responsabilité collective, et chaque intervention peut faire la différence pour l’avenir de notre profession et pour la qualité des soins de première ligne offerts à la population.
Footnotes
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Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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This article is also in English on page 862.
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