Un homme commence tout juste à découvrir le sens de la vie humaine quand il plante des arbres à ombrage sous lesquels il sait très bien que jamais il ne s’abritera.
D. Elton Trueblood (traduction libre)
Les analogies impliquant la médecine familiale semblent intarissables. Chaque jour, il surgit une situation dans ma vie qui me fait penser aux façons dont nous envisageons notre profession. Certaines de ces comparaisons sont bien concrètes, tandis que d’autres se situent dans le monde de l’abstrait. Il est dommage que ma mémoire ne soit plus ce qu’elle était et j’admets que je ne me souviens que d’une fraction de ces réflexions et associations de génie. Cependant, la semaine dernière, pendant l’assemblée annuelle du Collège des médecins de famille de la Nouvelle-Écosse, une idée particulièrement brillante m’est venue, et j’ai réussi à m’en rappeler au moins jusqu’au moment de mettre la main sur un crayon!
Il m’est venu à l’idée, en écoutant les présentations très dynamiques et motivantes des résidents et des étudiants en médecine, que la médecine familiale et toutes ses composantes ressemblent en quelque sorte à l’agriculture. Nous sommes en fait des agriculteurs qui plantons parfois des petites semences éducatives et parfois des champs complets de réflexion dans l’esprit de nos étudiants. Nous cultivons des relations avec nos patients et nous inséminons leurs pensées avec des visions de bonne santé et d’espoir de jours meilleurs. Par notre dur labeur au nom de communautés et de populations entières, nous tentons d’influencer les politiques publiques qui permettront à nos systèmes de santé de régler les problèmes qui importent le plus à nos patients.
L’analogie avec l’agriculture, selon moi, est particulièrement frappante. Elle nous rappelle immédiatement bon nombre des défis que doivent surmonter les agriculteurs canadiens, qui travaillent fort depuis si longtemps pour assurer notre subsistance; elle nous fait aussi penser à la nature largement rurale de notre pays et au fait qu’une grande proportion des Canadiens vivent dans des régions rurales. Comme les agriculteurs, nous, les médecins de famille, devrions rarement nous attendre à des résultats immédiats de notre travail diligent. En effet, il me serait facile de penser en entrant au bureau chaque matin que mon travail est futile: voir ce qui semble une liste interminable de patients ayant une multitude de problèmes chroniques qui ne s’améliorent jamais. Par ailleurs, je sais par intuition que ce que je fais au quotidien finit par porter fruits. Un meilleur contrôle du diabète ou des profils lipidiques, par exemple, peut retarder l’apparition de cardiopathies chez les patients et prolonger leur vie dans 20 ou 30 ans.
Pareillement, les efforts pour améliorer la structure du système de santé exigent du temps avant de pouvoir produire des résultats. L’un des principaux problèmes en ce qui concerne les soins de santé au Canada vient du fait que nous nous attendons bien trop tôt à des résultats après la mise en place de réformes. Nous devons convaincre les décideurs que les changements que nous apportons à la prestation des soins aujourd’hui permettront plus tard au pays de récolter des bienfaits en abondance, même si nous ne serons probablement pas ceux qui bénéficieront de la moisson. Mais en gardant l’esprit ouvert et en continuant à travailler dur, nous devrions être capables de faire en sorte que les générations futures de Canadiens auront accès aux soins de santé centrés sur le patient dont elles auront besoin.
Continuons donc à labourer, à sarcler et à faire la rotation des cultures, n’épandons pas trop de fumier et, avant tout, ne vendons pas la ferme, car les semences sont prêtes à planter et nombreux sont ceux qui attendront la récolte.
Footnotes
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This article is also in English on page 253.
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