Pour la première fois de ma vie, je devais surveiller mon alimentation. Les résultats d’un test de tolérance au glucose à 22 semaines de ma première grossesse ont révélé que je faisais du diabète gestationnel. Dès lors, j’ai été entraînée dans un régime intense d’interventions médicales comprenant ce qui suit :
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jusqu’à 7 tests de glycémie par jour;
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vérification de la cétose (lire: uriner sur un bâtonnet) 3 fois par jour;
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20 minutes d’activité physique après chaque repas;
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injection d’insuline jusqu’à 2 fois par jour;
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analyses de laboratoire (lire: uriner dans une tasse) en moyenne 1 fois par semaine;
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examens de réactivité fœtale (encore uriner dans une tasse) 2 fois par semaine vers la fin de la grossesse;
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rendez-vous pour les conseils en alimentation, évidemment.
J’ai travaillé fort chaque jour pour contrôler mes taux de glycémie, suivant scrupuleusement l’horaire des piqûres, des mictions, des injections et de l’activité physique. Je voulais être une patiente obéissante: si je ne faisais pas ce qui est nécessaire pour assurer la santé de mon enfant à naître, quel genre de mère allais-je être? Avec un diagnostic de diabète gestationnel, mes notes en tant que bonne maman étaient en jeu.
Quels étaient exactement les taux de glycémie à atteindre? Il est intéressant de constater que ce qui semblait acceptable à un médecin de famille en inquiétait un autre. Ensuite, il y a eu l’obstétricien qui n’était pas d’accord avec ni l’un ni l’autre des médecins de famille. J’ai vu des approches différentes quant aux taux de glycémie à viser et des approches différentes pour mesurer les doses d’insuline. Le seul sujet sur lequel tout le monde s’entendait, c’était le régime alimentaire.
Guide alimentaire canadien ou alimentation à faible teneur en glucides
Le Guide alimentaire canadien1 semble être la référence pour le counseling en alimentation auprès de patients ayant le diabète. Ah, si je pouvais seulement apprendre à suivre le guide, alors, supposément, mon diabète gestationnel devrait être sous contrôle. Par ailleurs, je me suis rendu compte qu’en suivant le guide, mes taux de glycémie étaient difficiles à contrôler. Les fruits étaient souvent les coupables, comme l’étaient le pain et les céréales à haute teneur en fibres. J’ai donc fait mes propres recherches pour savoir ce qui se passait. J’ai trouvé que certains, dans le milieu médical, boudent le Guide alimentaire canadien, croyant que l’apport recommandé en glucides est trop élevé pour les patients ayant le diabète. J’ai trouvé les données scientifiques convaincantes et j’ai commencé à restreindre ma consommation de glucides. En variant la quantité et la variété de glucides que je mangeais, j’étais bien plus capable de réguler mes taux de glycémie que lorsque je me conformais au guide que m’avait donné la diététiste. C’était très intéressant. C’était beaucoup plus facile pour moi de respecter les taux de glycémie souhaités - et d’être la bonne maman que je voulais être - si mon alimentation était faible en glucides que si je suivais les conseils diététiques. Le résultat: moins d’insuline.
Mon enthousiasme pour un régime faible en glucides a cependant été accueilli avec un dédain manifeste de la part des professionnels de la médecine, d’où ma confusion. «Vous allez souffrir de famine», m’a dit un obstétricien. Ce commentaire était étrange, étant donné que je mangeais autant que je le voulais (ce qui est typique dans un régime faible en glucides) et que mon gain de poids durant la grossesse se situait dans la courbe normale. L’échographie a montré que la taille du bébé était aussi bien satisfaisante. «Vos taux de glycémie sont trop bas», m’a dit un médecin de famille. C’était de loin la critique la plus fréquente qu’on me faisait. On croyait que la cétose produite durant une alimentation faible en glucides pouvait nuire au développement du système nerveux du fœtus. Je me suis posé la question: certaines populations ont subsisté pendant des millénaires en suivant un régime cétogène (p. ex. les Inuits) et je n’ai trouvé aucune recherche prouvant des retards développementaux généralisés dans cette population. Le point crucial pour moi était que la cétose est un processus biologique naturel que le corps a développé pour maintenir un approvisionnement constant en énergie pour la mère et l’enfant. Pourquoi sommes-nous à l’aise d’injecter de l’insuline synthétique aux femmes enceintes, tandis que la cétose, qui est une source d’énergie qui se produit naturellement, est considérée avec tant de scepticisme?
Critères de la bonne maman
Même si je réussissais à bien contrôler ma glycémie, j’ai constamment rencontré de la résistance à mon approche en matière d’alimentation. Quand mes taux de glycémie étaient considérés trop bas, on me regardait avec désapprobation et on me disait de manger plus de glucides (mauvaises notes selon les critères de la bonne maman). Alors, lorsque mes taux de glycémie remontaient, on me félicitait même si ce changement d’alimentation voulait dire que je devais prendre de plus fortes doses d’insuline (très bonnes notes selon les critères de la bonne maman). Cette approche dans la prise en charge de mon alimentation m’a effectivement retiré tout contrôle de mes taux de glycémie. Observer les consignes, pour une personne ayant un diabète gestationnel, voulait dire manger ce qu’on me disait de manger, quels que soient les effets sur mes taux de glycémie. La stabilisation de ces taux? Elle restait en définitive entre les mains des médecins.
Changer de vitesse
Je soulève cette question dans l’espoir que le milieu médical réexamine les avantages et les inconvénients des régimes alimentaires faibles en glucides pour la prise en charge du diabète de type 2. Selon mon expérience, non seulement on connaît mal les régimes faibles en glucides, leur contenu et leur efficacité, mais il y a aussi un rejet automatique qui limite notre habileté à utiliser cet outil thérapeutique simple et efficace. Il y a clairement place à plus de dialogue et à plus de recherche sur les régimes faibles en glucides pour le diabète gestationnel, en particulier à la lumière des résultats de recherche actuels qui démontrent la réussite de ces régimes pour des patients ayant le diabète de type 22,3. Un dialogue et une recherche accrus sur le potentiel thérapeutique des régimes à faible teneur en glucides pourraient donner aux patients et aux médecins un puissant outil non pharmacologique permettant de contrôler les taux de glycémie et, ce faisant, améliorer peut-être le respect des recommandations par les patients et leur responsabilisation.
Footnotes
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This article is also in English on page 756.
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Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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