La pauvreté est une réalité pour de nombreuses familles qui vivent dans les quartiers défavorisés canadiens. Il n’existe pas de définition précise de la pauvreté au Canada. Par contre, on estime que 9,6 % des Canadiens vivaient avec un faible revenu en 20091. Le seuil d’un faible revenu se définit comme étant une situation telle que la famille pourrait se retrouver dans des circonstances financières difficiles parce qu’elle dépense une plus grande portion de ses revenus pour des biens essentiels (nourriture, vêtements, logement) que la moyenne des familles de taille similaire2. Des recherches antérieures ont démontré des associations importantes entre une situation socioéconomique défavorable, un mauvais rendement scolaire et des troubles psychiatriques3. En plus de vivre les répercussions des effets négatifs de la pauvreté sur la santé, les familles marginalisées des quartiers défavorisés éprouvent de grandes difficultés à accéder aux soins de santé en général. Parmi ces difficultés figurent les problèmes de transport, les barrières culturelles et linguistiques, l’absence d’assurance-maladie, la discrimination et la stigmatisation4. Les enfants sont particulièrement vulnérables puisqu’ils doivent compter sur les autres pour défendre leurs intérêts. De plus, les enfants canadiens provenant de familles défavorisées ont 2 fois plus de chances de vivre dans des familles dysfonctionnelles que les enfants provenant de familles à revenu élevé5. Les enfants présentent un intérêt particulier puisque l’accès aux soins de santé en temps opportun est la meilleure façon de prévenir les maladies. En 2009, près de 1 enfant canadien sur 10 vivait dans une famille à faible revenu1.
Centres de santé en milieu scolaire
Il y a plusieurs endroits où les populations marginalisées des régions urbaines accèdent habituellement aux soins de santé. Parmi eux se trouvent l’urgence des hôpitaux, les centres de santé communautaires et les initiatives novatrices de prestation des soins de santé comme celles dans les refuges pour sans-abri et les centres jeunesse4. Ces services visent traditionnellement les jeunes et les adultes marginalisés. Le milieu scolaire représente un point d’accès novateur pour les enfants en bas âge qui font face à des obstacles liés aux de santé. Dans plusieurs régions, les écoles se sont transformées en «carrefours» communautaires qui offrent des services et des programmes aux familles au sein de la communauté scolaire. Pour les familles marginalisées, les écoles représentent une possibilité d’accès aux soins de santé dans un environnement pratique et familier.
En particulier, les États-Unis ont établi plus 1 900 centres de santé en milieu scolaire (CSMS), dont 57 % sont établis dans les milieux urbains6. Des chercheurs américains ont démontré que les enfants des quartiers défavorisés qui avaient eu accès aux CSMS dès le primaire avaient moins de difficulté à recevoir des vaccins, à passer des examens médicaux et à recevoir des traitements pour des maladies ou des blessures7. De plus, les taux d’inscription aux CSMS élémentaires et leur degré d’utilisation sont plus élevés parmi les enfants qui n’ont traditionnellement pas ou qui ont peu d’accès aux soins de santé8. Par exemple, une étude américaine a démontré que les élèves couverts par un régime public d’assurance-maladie ou dépourvus d’assurance étaient plus enclins à utiliser leur CSMS et engendraient des taux d’utilisation plus élevés que les élèves adhérant à un régime privé d’assurance-maladie7. En 2003, Webber et ses collaborateurs ont signalé que l’accès au CSMS était associé à une réduction substantielle du nombre d’hospitalisations et à un gain de 3 jours de présence à l’école pour les enfants ayant des maladies chroniques9.
Projet pilote
La façon dont l’expérience états-unienne pourrait se traduire au Canada demeure encore incertaine car les soins de santé en milieu scolaire n’ont pas encore été évalués au pays. La University of Toronto, en Ontario, le St Michael’s Hospital à Toronto et le conseil scolaire de Toronto ont mis sur pied un projet pilote qui a pour but d’offrir des soins de santé en milieu scolaire aux enfants les plus vulnérables et les moins bien desservis vivant dans des communautés défavorisées. L’intégration des soins de santé au milieu scolaire est un moyen de relever les défis que représente l’accès à des soins pour les enfants qui en ont le plus besoin.
Le projet pilote de Toronto permet aux enfants des quartiers défavorisés de recevoir des soins de santé dans une clinique médicale située dans une école primaire et dont le personnel compte un médecin de famille, un pédiatre et un pédiatre spécialisé en développement. Les élèves sont référés par des parents, des enseignants et le personnel de soutien de l’école en raison de diverses préoccupations médicales et développementales.
Notre expérience initiale avec ce programme a été très enrichissante, mais elle a aussi soulevé un certain nombre de défis en ce qui a trait au pont qu’il y a à bâtir entre les 2 très différents systèmes financés par le public que sont l’éducation et la santé. Ces 2 systèmes ont contribué des expériences et des approches différentes aux soins de santé en milieu scolaire, et il a fallu de leur part une bonne collaboration et une compréhension mutuelle. Par exemple, les questions entourant le consentement, la confidentialité et le rôle de dépositaire de renseignements sur la santé ont nécessité une attention spéciale puisque la prestation de soins se déroulait dans des établissements scolaires.
Les réalités des populations multiculturelles des quartiers défavorisés présentent des défis additionnels, comme les barrières culturelles et linguistiques, une population immigrante constamment en changement, ainsi que les effets négatifs de la pauvreté sur la santé10. Le projet pilote de Toronto est un exemple flagrant qui nous démontre à quel point nous devons tenir compte des besoins diversifiés des quartiers défavorisés dans l’élaboration d’un modèle de prestation de soins de santé accessible et efficace. Une des étapes importantes pour surmonter ces obstacles est d’organiser des séances d’information à l’intention des communautés desservies par l’école avant d’implanter un CSMS afin que les familles puissent se renseigner à propos du projet pilote. De plus, le CSMS s’est doté d’un coordonnateur clinique multilingue qui pouvait faciliter la communication avec les familles qui ne parlent pas l’anglais. La collaboration avec les ressources scolaires existantes, comme le travailleur social de l’école, permet d’améliorer la coordination des soins pour les nouveaux immigrants et les familles de réfugiées. Enfin, une bonne connaissance des ressources communautaires par l’équipe de soins de santé était essentielle pour diriger les familles vers les services tels que les centres de la petite enfance, les pharmacies et les laboratoires, et pour coordonner les soins avec leurs médecins de famille existants. De plus, pour les enfants qui n’avaient pas de médecins de soins primaires, le CSMS a permis d’établir des contacts entre les familles et les médecins de famille dans la communauté.
La diversité ethnique du Canada est autant une force qu’un défi en ce qui concerne la prestation des soins de santé. Les professionnels de la santé devraient réfléchir à des façons nouvelles et novatrices de répondre aux besoins de santé des communautés multiculturelles du Canada. Les soins de santé en milieu scolaire sont un modèle permettant d’assurer que l’accès aux soins de santé soit équitable pour tous les enfants vivant au Canada. Par ailleurs, pour réussir, un tel modèle de prestation de soins de santé pour les enfants des quartiers défavorisés nécessitera une étroite collaboration entre les administrateurs scolaires, les professionnels de la santé et les décideurs politiques.
Footnotes
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Cet article a fait l’objet d’une révision par des pairs.
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Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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