La rhinosinusite est une affection commune qui touche environ 1 adulte sur 8. L’incidence de la rhinosinusite aiguë chez les adultes américains est passée de 11 % (26 millions) en 20071 à 13 % (29,8 millions) en 20102. Si on transpose les taux de prévalence les plus récents à la population canadienne, on estime que 3,5 millions d’adultes canadiens souffrent de rhinosinusite aiguë chaque anné3.
Les patients qui consultent un médecin se plaignent souvent de symptômes sinusaux. Toutefois, jusqu’à 2 tiers des patients présentant des symptômes sinusaux ont une maladie virale plutôt qu’une infection bactérienne4. Même si les antibiotiques étaient autrefois prescrits systématiquement lorsqu’on soupçonnait une rhinosinusite bactérienne aiguë (RSBA), en raison des hausses du taux de la résistance aux antimicrobiens, l’angle du traitement a changé. En 2011, des lignes directrices canadiennes ont été publiées pour la RSBA et pour la rhinosinusite chronique (RSC)5,6 afin de tenir compte de l’évolution dans le diagnostic et le traitement tout en abordant les aspects uniques au système de santé canadien (p. ex. délais d’attente prolongés pour des interventions médicales et les consultations avec des spécialistes7).
Source des données
Les auteurs des lignes directrices ont effectué une recherche documentaire systématique et ont rédigé des recommandations. Une cote a été donnée à la fois en fonction de la fiabilité des données probantes et de la solidité des recommandations. On a sollicité les commentaires d’experts en la matière venant de l’extérieur, ainsi que l’aval de sociétés médicales canadiennes (Association pour la microbiologie médicale et l’infectiologie Canada, Société canadienne d’allergie et d’immunologie clinique, Société canadienne d’otorhinolaryngologie et de chirurgie cervicofaciale, Association canadienne des médecins d’urgence et Regroupement canadien des médecins de famille en santé respiratoire). Les cotes de fiabilité des données probantes et de solidité des recommandations (qui tiennent compte de la confiance du panel d’experts) sont fournies dans les lignes directrices intégrales. Parmi les 14 cliniciens experts impliqués dans l’élaboration des lignes directrices, on comptait 3 médecins de famille membres du Regroupement canadien des médecins de famille en santé respiratoire. Le financement pour l’élaboration des lignes directrices et l’examen systématique a été fourni par 5 entreprises pharmaceutiques dans le contexte d’une subvention sans restrictions. Aucun contact n’a eu lieu avec les sources de financement durant l’élaboration des lignes directrices et le processus d’examen.
Message principal
Pathophysiologie
La rhinosinusite bactérienne aiguë est une maladie d’origine bactérienne qui met souvent en cause un problème prédisposant (Encadré 1)8 qui déclenche un processus inflammatoire dans les muqueuses nasales et les sinus. Le processus inflammatoire entraîne la constriction des voies nasales, un mauvais drainage du mucus des sinus et une mauvaise oxygénation des tissus, ce qui prédispose la région à la croissance microbienne.
De nombreuses études ont identifié les Streptococcus pneumoniae et les Haemophilus influenzae comme étant les 2 principaux pathogènes impliqués dans la RSBA, notamment dans plus de la moitié des cas9–13. Les Moraxella catarrhalis sont un pathogène moins commun chez les adultes, mais il est à l’origine du quart des cas chez les enfants14. Les Streptococcus pyogenes, les Staphylococcus aureus, les bacilles Gram négatif et les anaérobies buccales sont aussi des pathogènes moins courants dans les cas de RSBA10,15,16. Les espèces Peptostreptococcus, Fusobacterium et Prevotella, ainsi que des aérobies mixtes et des bactéries anaérobies facultatives (streptocoques α-hémolytiques, streptocoques microaérophiles et S aureus) sont des espèces anaérobiques communément associées aux RSBA d’origine odontogène17.
Anamnèse médicale et examen physique pour la RSBA
Anamnèse
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Examen physique
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RSBA—rhinosinusite bactérienne aiguë, IVRS—infection des voies respiratoires supérieures
Données tirées de Desrosiers.8
Diagnostic
Les lignes directrices proposent le moyen mnémotechnique PODS (douleur, Pression ou sensation de plénitude faciales; Obstruction nasale; troubles de l’oDorat; Sécrétions nasales purulentes ou écoulement rhinopharyngé coloré) pour aider à se rappeler les symptômes importants dans le diagnostic (Figure 1)5,6. Des symptômes mineurs (toux, pression ou douleur aux dents ou aux oreilles, fatigue, halitose et céphalée) sont considérés comme des éléments pouvant corroborer le diagnostic.
Des règles prévisionnelles, si elles ne sont pas diagnostiques, peuvent aider à confirmer le diagnostic d’une RSBA4,18,19. La présence de 3 critères de Berg ou plus (rhinorrhée purulente avec prédominance unilatérale, douleur locale avec prédominance unilatérale, pus dans la cavité nasale ou rhinorrhée purulente bilatérale) a un ratio de probabilité positive de 6,75 d’une RSBA, tandis que la présence de 4 critères de Williams ou plus (maux de dents maxillaires, mauvaise réponse aux antihistaminiques ou aux décongestionnants, transillumination anormale, sécrétions nasales purulentes et sécrétions nasales colorées) a un ratio de probabilité positive de 6,4 d’une RSBA.
Le diagnostic se fonde à la fois sur des symptômes spécifiques et leur durée, exigeant la présence d’au moins 2 symptômes importants (dont 1 doit être l’obstruction nasale, une purulence nasale ou une sécrétion postnasale colorée) pendant au moins 7 jours sans amélioration (Figure 1)5,6 ou une maladie diphasique avec fièvre. Parce que les simples rhumes causés par des rhinovirus se présentent avec des symptômes semblables à ceux d’une RSBA, la durée des symptômes est importante pour aider à exclure les causes virales. Le simple rhume atteint le sommet de sa gravité en 3 jours et une amélioration est remarquée dans les 7 jours suivants10. La persistance ou l’aggravation des symptômes viraux laisse présager une complication comme une bronchite, une rhinosinusite ou une pharyngite20. Environ 2 % des infections des voies respiratoires supérieures évoluent pour devenir une RSBA10.
La rhinosinusite bactérienne aiguë se caractérise aussi par une apparition soudaine d’une infection sinusale symptomatique durant moins de 4 semaines. Les symptômes disparaissent complètement durant cette période de rétablissement, soit spontanément ou après un traitement21,22. Si la RSBA se caractérise par 3 épisodes ou moins par année, 4 épisodes ou plus se classent comme une RSBA récurrente.
Le diagnostic en milieu de soins primaires n’exige pas de culture nasale systématique ou d’autres procédures effractives, à moins qu’il ne se produise des complications ou une évolution inhabituelle. Pour les cas simples, le diagnostic est posé en se fondant sur les constatations faites durant une anamnèse et un examen physique rigoureux (Encadré 1)8.
Rôle de l’imagerie
Quoique l’imagerie radiologique ne soit pas nécessaire à des fins diagnostiques dans les cas simples de RSBC, l’imagerie pourrait être bénéfique pour les patients présentant des RSBA récurrentes ou ceux dont les symptômes exigent d’exclure d’autres causes de la maladie. Dans de tels cas, l’imagerie (3 clichés simples des sinus ou une tomodensitométrie) peut fournir d’autres renseignements essentiels qui pourraient aider au diagnostic. Les résultats d’imagerie laissant présager une RSBA incluent l’opacité complète de l’image ou la présence d’un niveau d’air ou de liquide. L’épaississement des muqueuses comme seule caractéristique n’est pas un critère diagnostique de la RSBA parce que cette constatation est observée chez des patients asymptomatiques23 et dans la plupart des cas d’infections virales des voies respiratoires supérieures24. Les résultats d’imagerie doivent toujours être considérés en même temps que les symptômes cliniques.
Drapeaux rouges pour une urgente consultation
Les symptômes qui indiquent un prolongement de la maladie des sinus jusqu’à l’orbite ou les structures intracrâniennes (Figure 1)5,6 exigent une demande de consultation urgente et un traitement intense25–27. De tels symptômes se décrivent comme une douleur orbitale, une forte fièvre et de l’œdème (indiquant une cellulite préseptale); une restriction des mouvements oculaires, de la douleur, une sensibilité, une chemosis conjonctivale, de l’exophtalmie (inflammation postseptale); une absence de mouvements des globes et une acuité visuelle réduite (abcès sous-périosté ou orbital); la cécité (occlusion de l’artère centrale de la rétine, neurite optique, ulcération cornéenne, panophtalmie); et un état mental altéré avec forte fièvre, une migraine frontale ou rétro-orbitale, ou la présence de signes généraux méningés (complications intracrâniennes [p. ex. abcès cérébral, thrombose des sinus caverneux, méningite]).
Traitement
La thérapie a pour but de soulager les symptômes en contrôlant l’infection, en réduisant l’œdème et en dégageant l’obstruction des orifices sinusiens28. Dans les lignes directrices, on recommande d’utiliser la gravité de la maladie pour orienter la thérapie. On évalue la gravité en fonction de la durée et de l’intensité des symptômes, ainsi que des effets de la maladie sur la qualité de vie du patient (Figure 1)5,6. Dans les cas de RSBA de légère à modérée, on peut utiliser des corticostéroïdes intranasaux (CSIN) pour atteindre les objectifs thérapeutiques. En réduisant l’inflammation, les CSIN favorisent le drainage des sinus et en améliorent la ventilation29. Dans une étude clinique, le furoate de mométasone pendant 15 jours a grandement amélioré les scores des symptômes, à partir du deuxième jour, par rapport à l’amoxicilline pendant 10 jours (P = ,002) ou un placebo (P < ,001)30. Par rapport au placebo, le furoate de mométasone a été associé à une amélioration significative de la qualité de vie pour les patients souffrant d’une RSBA (P = ,047)31. Il convient de signaler que le furoate de mométasone est homologué au Canada pour le traitement de la rhinosinusite aiguë, avec ou sans symptômes d’infection bactérienne32. Même si les recommandations dans les lignes directrices se fondaient sur des données probantes limitées, une nouvelle étude vient corroborer davantage l’utilité des CSIN en monothérapie33. Dans cette étude, les patients qui répondaient aux critères d’admissibilité, notamment des signes et des symptômes de rhinosinusite d’une durée de 8 à 13 jours, ont été choisis aléatoirement pour prendre du furoate de fluticasone en vaporisateur nasal (110 μg 1 ou 2 fois par jour) ou un placebo pendant 15 jours33. Les scores moyens quotidiens, matin et soir, se sont statistiquement améliorés, mais seulement modérément sur le plan clinique (−2,97 pour le placebo, −3,36 pour le fluticasone 1 fois par jour et −3,33 pour le fluticasone 2 fois par jour) dans les groupes traités au fluticasone par rapport à ceux prenant un placebo. Il n’y avait pas de bienfaits significatifs dans le délai d’amélioration des symptômes ni dans les scores SNOT-20 validés (Sino-Nasal Outcome Test), mais le traitement au furoate de fluticasone était associé à une productivité et à un sommeil considérablement meilleurs par rapport au placebo (P < ,05)33. L’ajout d’une antibiothérapie était faible dans tous les groupes de traitement (3 %). Dans les 4 études sur la monothérapie aux CSIN jusqu’à présent, une seule étude ne signalait aucun bienfait. Toutefois, on utilisait dans cette étude des CSIN moins puissants, le budésonide, et la durée des symptômes des patients inscrits était d’aussi peu que 4 jours34. Le nombre moyen de jours de symptômes au moment de la présentation était moins élevé (7 jours, allant de 4 à 14 jours) que la durée des symptômes recommandée actuellement pour commencer un traitement. Un traitement pourrait ne pas être nécessaire à moins que les symptômes persistent depuis au moins 7 jours. Dans l’ensemble, le manque d’efficacité des CSIN et des antibiotiques signalé dans cette étude reflète probablement le fait que de nombreux cas étaient d’origine virale.
Les recommandations en faveur du recours aux CSIN sont corroborées dans les constatations de la plus récente étude et continuent d’être appuyées par d’autres lignes directrices nouvellement publiées35. Le traitement avec des CSIN n’a pas été associé à des complications, à des événements indésirables ou à la récurrence36. Les lignes directrices de l’Infectious Diseases Society of America présente une faible recommandation d’utiliser les CSIN principalement chez les patients ayant des antécédents de rhinite allergique37. S’il n’y a pas d’amélioration des symptômes après une monothérapie de 3 jours aux CSIN, il faudrait envisager l’ajout d’antibiotiques.
Que dire des antibiotiques?
L’efficacité des CSIN utilisés avec des antibiotiques a été signalée dans une méta-analyse qui a cerné les bienfaits significatifs d’une thérapie aux CSIN pendant 15 à 21 jours (budésonide, propionate de fluticasone ou furoate de mométasone) accompagnée d’une antibiothérapie pour améliorer les symptômes de la toux et de l’écoulement nasal chez les patients ayant une RSBA36. Dans cette méta-analyse, la combinaison de toutes les options de traitements a produit respectivement 73 % et 66 % de patients dans les groupes traités et ceux avec placebo ayant éprouvé une amélioration à la fin de l’étude, ce qui représente un nombre nécessaire à traiter de 15 et une réduction du risque relatif de 9 %36,37. Les nombres nécessaires à traiter dans les études individuelles variaient de 5 à 31, mais il convient de signaler que différentes populations de patients, diverses puissances ou concentrations de médicaments étaient à l’étude. Dans l’une des études, les patients souffrant d’une RSBA de modérée à grave qui recevaient de l’amoxicilline-clavulanate en plus du furoate de mométasone ont rapporté des scores de symptômes considérablement améliorés (moyenne calculée du jour 1 au jour 15) par rapport aux patients prenant une monothérapie aux antibiotiques (P ≤ ,017)38. Dans une étude sur des patients souffrant de RSBA et ayant des antécédents de sinusites récurrentes ou de rhinite chronique, les patients qui prenaient du céfuroxime axétil plus un vaporisateur de propionate de fluticasone mentionnaient un taux significativement plus élevé de réussite clinique (93,5 % c. 73,9 %, P = ,009) et une durée plus courte des symptômes (6 jours jusqu’à la réussite clinique c. 9,5 jours, P < ,01) par rapport au groupe suivant une monothérapie aux antibiotiques39. Il n’y a pas eu d’événements indésirables sérieux avec les CSIN et aucune récurrence de la maladie. Dans une étude observationnelle auprès de patients se présentant chez leur médecin de première ligne avec des symptômes cliniques de rhinosinusite depuis au moins 7 jours, un traitement était assigné selon les normes locales de la pratique40. On a analysé les effets de 15 jours de traitement sur les principaux scores de symptômes et de qualité de vie. Des corticostéroïdes intranasaux, des antibiotiques et des décongestionnants oraux ont été prescrits respectivement à 91 %, 61 % et 27 % des patients. Les principaux scores de symptômes se sont améliorés entre le jour 1 et le jour 15 (de 8,4 à 1,9). Au point de départ, 88,4 % et 43,2 % des patients signalaient respectivement de la douleur ou un malaise et des problèmes avec leurs activités habituelles, tandis que 31,5 % et 1,4 % des patients rapportaient ces problèmes de santé au jour 15. Les auteurs de l’étude ont constaté que 90 % des patients montraient une amélioration cliniquement pertinente. Les lignes directrices recommandent que les antibiotiques soient réservés au traitement des symptômes graves, aux patients souffrant de maladies concomitantes sous-jacentes, à ceux à risque de complications ou aux patients inquiets de leur qualité de vie ou de leur productivité. Cette approche est conforme aux efforts de l’Organisation mondiale de la Santé visant à promouvoir une utilisation rationnelle des antibiotiques41. Des méta-analyses portant sur des études cliniques sur les antibiotiques pour une RSBA signalent que les risques d’échec clinique sont réduits de moitié avec des antibiotiques42–44. Par ailleurs, ces résultats sont dilués par l’observation qu’un fort pourcentage des patients traités avec un placebo avaient signalé une amélioration ou la disparition des symptômes après 7 à 14 jours (69 %42 à 80 %43). Une récente étude auprès de patients ayant des symptômes de modérés à graves de RSBA ou une maladie diphasique s’ajoute aux travaux scientifiques qui remettent en question l’utilité des antibiotiques pour une RSBA45. Les groupes prenant de l’amoxicilline et ceux traités au placebo ont rapporté des améliorations semblables dans les symptômes et la qualité de vie aux jours 3 et 10, tandis que le groupe traité à l’amoxicilline a indiqué une différence légère mais statistiquement significative au jour 7. Le manque d’efficacité n’était pas attribué à la résistance aux antimicrobiens qui était faible dans cette population. Une méta-analyse a rapporté un soulagement plus rapide des symptômes et un taux plus faible de complications chez les patients prenant un antibiotique par rapport à ceux prenant un placebo, mais des taux de rechute semblables44. De plus, les antibiotiques sont associés à une incidence plus élevée d’effets secondaires, notamment, selon une méta-analyse, 2 fois plus d’effets indésirables chez ceux traités avec un antibiotique par rapport au groupe prenant un placebo44.
Lorsqu’on décide de prescrire des antibiotiques, divers facteurs entrent en jeu dans leur choix (Encadré 2)22,46–48. L’amoxicilline représente la thérapie de première intention. On devrait utiliser un macrolide ou une association triméthoprim-sulfaméthoxazole (TMP-SMX) pour les patients allergiques aux β-lactamines. Parmi les agents de deuxième intention, on peut mentionner une association d’amoxicilline/acide clavulanique ou des fluoroquinolones avec activité accrue contre les bactéries Gram positif (Figure 1)5,6. L’absence de réponse après 72 heures d’antibiothérapie indique une résistance à l’antibiotique et il faudrait changer de classe d’antibiotiques ou prendre un agent de deuxième intention. Lorsqu’on prescrit des antibiotiques, un traitement de 10 jours est jugé suffisant. Si les symptômes s’améliorent mais ne disparaissent pas complètement, il n’est pas justifié d’utiliser immédiatement un deuxième antibiotique. Le Tableau 1 présente le coût des antibiotiques et des traitements pour la RSBA49,50.
Facteurs à prendre en compte dans la prescription d’antibiotiques
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RSBA—rhinosinusite bactérienne aiguë
Résistance aux antimicrobiens
Parce que la résistance aux antimicrobiens influence considérablement les coûts des soins de santé, les résultats médicaux et le contrôle des maladies infectieuses51,52, il faut user de prudence dans le choix des antibiotiques. Au Canada, le taux de résistance des isolats de S pneumoniae à la pénicilline atteignait 17 % en 200753 après avoir gravité autour de 15 % depuis 1998.54 Le taux de résistance le plus élevé est contre l’érythromycine (19 %), ce qui soulève certaines inquiétudes concernant la résistance croisée potentielle à d’autres macrolides (p. ex. azithromycine, clarithromycine). L’amoxicilline a conservé une activité contre les S pneumoniae (< 2 % de résistance)55,56. Les taux de résistance aux fluoroquinolones (p. ex. ciprofloxacine, levofloxacine, moxifloxacine, gatifloxacine) demeurent également faibles (< 2,5 % en 2005)54.
L’incidence accrue de production de β-lactamase par des souches de H influenzae et de M catarrhalis, qui se traduit par une résistance à l’ampicilline, est une source de préoccupations croissantes. Au Canada, on a trouvé que 19 % et 92 % des isolats de H influenzae et M catarrhalis respectivement produisaient du β-lactamase57. Les taux de résistance des H influenzae produisant du β-lactamase étaient faibles à l’amoxicilline-clavulanate (0,2 %), aux céphalosporines (0,5 % à 12,2 %), aux fluoroquinolones (0 % à 0,1 %) et à la clarithromycine (1,9 %), tandis que la résistance aux TMPSMX (18,5 %) était plus élevée57.
En dépit de leur propension à produire du β-lactamase, les M catarrhalis demeurent sensibles à presque tous les antibiotiques, sauf à l’aminopénicilline57. Aux États-Unis, 4 % des cas de RSBA étaient associés aux S aureus résistants à la méthicilline d’origine communautaire58, qui sont habituellement sensibles à la clindamycine, à la doxycycline et aux TMP-SMX, mais résistants aux antimicrobiens β-lactamines59.
Controverses à propos du recours aux antibiotiques
Il convient de faire remarquer que les recommandations concernant l’utilisation et le choix des antibiotiques ne sont pas les mêmes dans d’autres lignes directrices publiées récemment (p. ex. les lignes directrices sur la RSBA chez l’adulte et l’enfant de la Infectious Diseases Society of America37 et les directives des Medication Use Management Services pour les infections d’origine communautaire49). Dans les lignes directrices canadiennes, on réserve les antibiotiques à des cas précis de RSBA et cette approche se conforme à celle d’autres lignes directrices internationales antérieures60,61 et d’autres directives récentes35 pour le traitement de la RSBA. Les différences dans le choix des antibiotiques reflètent partiellement les tendances différentes dans les taux de résistance envisagés par les groupes d’auteurs. Des agents antimicrobiens spécifiques qui n’apparaissent pas dans les lignes directrices canadiennes pourraient aussi être appropriés. De fait, les recommandations quant aux agents antibiotiques changeront probablement, compte tenu du profil en évolution des taux de résistance aux antimicrobiens. En définitive, le jugement clinique et les tendances de la résistance locales sont essentiels dans le choix des antibiotiques.
Thérapie d’appoint
Même si les données probantes tirées d’études cliniques sont rares concernant les thérapies d’appoint dans le traitement des RSBA, ces traitements peuvent aider à atténuer les symptômes associés aux RSBA. Il a été signalé que les analgésiques (p. ex. anti-inflammatoires non stéroïdiens, acétaminophène), les décongestionnants oraux et topiques et l’irrigation nasale avec une solution saline contribuent à atténuer les symptômes. Les décongestionnants topiques sont controversés et ne devraient pas être utilisés pendant plus de 3 jours en raison du risque de retour de la congestion. Les études sur les décongestionnants oraux pour le traitement de la RSBA chez les adultes sont limitées; toutefois, les lignes directrices canadiennes et d’autres recommandent les décongestionnants oraux comme une option pour les patients sans contre-indications, en raison de l’efficacité de tels agents pour soulager la congestion nasale. Même si les patients qui ont une forte composante d’allergie pourraient bénéficier d’antihistaminiques, ce médicament n’est pas recommandé chez les adultes non atopiques atteints de RSBA en raison du risque d’exacerber l’épisode en asséchant les muqueuses nasales61.
Suivi
L’absence d’une réponse après 72 heures de traitement exige que l’on passe au prochain niveau du traitement (Figure 1)5,6. Si l’échec se produit après une deuxième série d’antibiothérapie, il y a lieu de demander une évaluation par un spécialiste. Lorsque les délais d’attente pour voir un spécialiste ou avoir une tomodensitométrie sont longs (≥ 6 semaines), il y a lieu de demander une tomodensitométrie et d’initier une thérapie empirique pour RSC durant la période d’attente5.
Pour les patients qui guérissent d’une RSBA mais très tôt récurrente, on pourrait envisager d’essayer des CSIN et de faire une demande de consultation avec un spécialiste. Il faudrait aussi évaluer la contribution possible d’une allergie ou de facteurs immunologiques. Une demande de consultation urgente doit être faite pour des patients souffrant d’épisodes persistants et récurrents accompagnés de symptômes graves. Les patients ayant des RSBA récurrentes ou pour qui le traitement échoue après des séries prolongées d’antibiotiques ont probablement une RSC et une consultation spécialisée permettra de procéder aux observations objectives (endoscopie ou TDM) nécessaires au diagnostic. D’autres cas où il est indiqué de demander une consultation se trouvent à la Figure 1 (encadré inférieur gauche)5,6.
Conclusion
Les lignes directrices canadiennes sur le diagnostic et la prise en charge de la RSBA offrent des recommandations à jour pour aider les cliniciens à diagnostiquer avec exactitude et à traiter leurs patients souffrant de RSBA. Malgré un manque de spécificité, l’utilisation des symptômes en fonction de leur durée pour le diagnostic des cas non compliqués de RSBA est la meilleure approche disponible pour le diagnostic en cabinet. Les corticostéroïdes intranasaux se révèlent comme modestement bénéfiques comme thérapie d’appoint ou comme monothérapie, tandis que les antibiotiques devraient être réservés aux cas graves de la maladie chez des adultes autrement en santé. Les lignes directrices canadiennes sur la RSBA offrent aux cliniciens des outils utiles pour diagnostiquer et prendre en charge efficacement leurs patients souffrant de cette maladie.
Acknowledgments
Je remercie Dre Lynne Isbell de son assistance rédactionnelle.
Notes
POINTS DE REPÈRE DU RÉDACTEUR
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La rhinosinusite est une affection courante qui touche environ 1 adulte sur 8. Les patients qui consultent un médecin se plaignent souvent de symptômes sinusaux mais jusqu’à 2 tiers des patients ayant de tels symptômes ont une maladie virale plutôt qu’une infection bactérienne. Les antibiotiques étaient autrefois prescrits systématiquement lorsqu’on soupçonnait une rhinosinusite bactérienne aiguë (RSBA) mais, en raison des taux de résistance aux antimicrobiens, l’angle du traitement a changé.
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Les lignes directrices canadiennes pour le diagnostic et la prise en charge de la RSBA offrent des recommandations à jour pour aider les cliniciens à diagnostiquer les cas de RSBA non compliqués et les traiter. Malgré un manque de spécificité, l’utilisation des symptômes en fonction de leur durée est la meilleure approche à notre disposition pour diagnostiquer les cas simples de RSBA en cabinet. Les corticostéroïdes par voie intranasale se révèlent modestement bénéfiques comme thérapie d’appoint ou comme monothérapie, les antibiotiques étant réservés aux cas sévères de la maladie chez les adultes autrement en santé.
Footnotes
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Cet article donne droit à des crédits Mainpro-M1. Pour obtenir des crédits, allez à www.cfp.ca et cliquez sur le lien vers Mainpro.
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Cet article a fait l’objet d’une révision par des pairs.
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The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the March 2014 issue on page 227.
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Intérêts concurrents
D Kaplan a siégé à des comités consultatifs pour AstraZeneca, Boehringer Ingelheim, Merck, Novartis, Pfizer, Purdue et Takeda et a reçu de ces entreprises des honoraires de conférencier. Il n’a reçu aucun financement pour la rédaction de cet article. Les services rédactionnels ont été financés avec des fonds prévus dans la stratégie de diffusion du groupe des lignes directrices cliniques canadiennes sur la sinusite.
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Références
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