Les difficultés d’accès aux services de santé médicaux sont bien connues et ont fait l’objet de nombreuses réflexions et d’innovations1,2, notamment au cours des dernières années. Les modèles d’accès adapté et de collaboration interprofessionnelle représentent une avenue prometteuse pour répondre à cet enjeu de taille3,4.
Bien que l’adoption de ces modèles ait été favorisée par l’implantation progressive des groupes de médecine de famille et de formations en accès adapté, les résidents en médecine de famille restent peu impliqués dans cette transformation jusqu’ici.
Pourtant, les unités de médecine familiale (UMF) s’avèrent un endroit stratégique pour faire l’essai et la diffusion d’innovations des pratiques, notamment en raison de leur vocation d’excellence et de l’omniprésence de médecins résidents, en position d’apprenants. De plus, la mobilité des résidents durant et après leur formation constitue une opportunité de rayonnement de ces modèles novateurs.
Données probantes et meilleures pratiques
Bien que Murray et Tantau5 soulignent que l’accès adapté est difficile à implanter dans les milieux où des omnipraticiens travaillent moins de 6 demi-journées par semaine, situation commune en UMF compte tenu des obligations cliniques concomitantes en établissement ou à l’université, un essai randomisé effectué en milieu d’enseignement6 a démontré des améliorations substantielles, et surprenantes, au niveau de l’organisation fonctionnelle du milieu et des délais d’attente. De plus, une étude menée en 2004 a démontré que la participation de résidents aux projets d’améliorations permettait d’augmenter le nombre de patients inscrits et améliorait même l’efficience au sein d’une équipe7.
Par ailleurs, en plus de répondre à des problématiques d’accès, le modèle d’accès adapté contribue aussi à l’atteinte des compétences CanMEDS–Médecine familiale de la résidence, dont notamment8:
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Collaborateur—partage d’activités avec les infirmières;
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Communicateur—vulgarisation du modèle de rendezvous et évolution du contrat initial;
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Gestionnaire—gestion de la patientèle, du temps et de l’offre et de la demande; et
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Professionnel—gain d’autonomie et réduction de la pression de la liste d’attente.
Astuces pédagogiques
Devant ces réalités, nous avons entrepris un projet de déploiement du modèle d’accès adapté avec 2 résidentes à leur dernière année de formation dans notre UMF. Pour maximiser nos chances de réussite, nous avons établi quelques critères nécessaires au succès de l’entreprise (Encadré 1). À cet effet, il allait de soi que des enseignants avaient d’ores et déjà adopté le modèle afin de pouvoir guider les résidents dans cette démarche. Ceci avait aussi comme avantage que le secrétariat ainsi que le personnel infirmier était en déjà familiers avec le concept. Ensuite, un exercice d’uniformisation des structures d’horaire (durée des rendez-vous, pourcentage de plages de rendez-vous ouvertes) s’imposait afin de réduire l’impact de cette transformation au sein de l’équipe. D’autre part, pour rendre le fonctionnement le plus conforme possible à celui adopté par les superviseurs, une circonscription claire de la patientèle de chacune des résidentes a été effectuée.
Prérequis à l’implantation
Prérequis à l’implantation:
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Adoption d’un modèle d’accès adapté par les superviseurs impliqués
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Identification d’un médecin enseignant responsable du projet
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Secrétariat et professionnels familiers avec l’accès adapté
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Uniformisation des structures d’horaire des résidents
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Circonscription claire de la patientèle des résidents
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Information de toute l’équipe clinique et du secrétariat de l’initiative en cours
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Rencontres systématiques de suivi avec les résidents
Au moment de réaliser la transition, tous les enseignants de l’UMF ont été informés de l’initiative et sensibilisés aux possibles impacts sur la supervision, de même que sur l’imprévisibilité des comblements des rendez-vous. De plus, dès l’implantation, des rencontres de suivi pilotées par le médecin responsable du projet ont eu lieu à la fois avec les résidentes et les superviseurs afin de pouvoir apporter les ajustements requis en cas de besoin.
Outils et ressources issus du projet
Différents facteurs ont contribué au succès de notre expérience (Encadré 2). Tout d’abord, les résidentes se sont impliquées avec grand enthousiasme et ouverture aux changements. Il en a été de même de l’équipe d’enseignants qui a offert tout le soutien et la compréhension attendus. Notre expérience nous a également convaincus de l’importance d’une patientèle circonscrite, en tous points conforme à celles des médecins en pratique.
Facteurs de succès de l’implantation
Facteurs de succès:
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Enthousiasme et intérêt des résidents et enseignants à adhérer au projet
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Circonscription rigoureuse de la patientèle des résidents
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Constance du soutien professionnel aux résidents avant le début du projet
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Information suffisante aux patients concernant l’initiative dès le début de celle-ci
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Élaboration d’un système de remplacement des résidents entre eux pour pallier leurs mois d’absence du milieu de suivi longitudinal des patients
Cela dit, certains écueils ont pu être identifiés en cours de route. Parmi ceux-ci, le manque de disponibilité du personnel infirmier en soutien à la pratique s’avérait certainement le plus important. Ce n’était pas que la motivation avait fait défaut chez les infirmières, mais plutôt parce que le nombre de ressources était insuffisant par rapport au nombre de médecins ayant adopté le modèle. Nous avons aussi constaté que le fonctionnement était difficile à comprendre pour certains patients, ce qui aurait sans doute pu être amoindri par une intervention écrite précédant le changement. D’autre part, l’accès rapide à un rendez-vous s’est révélé plus ardu à réaliser pendant les mois de stage à l’extérieur de l’UMF au cours desquels les résidentes ne passaient qu’une demi-journée par semaine en bureau. Un système de remplacement des résidents entre eux aurait sans doute pu atténuer cette difficulté.
Conclusion
Six mois plus tard, le bilan de notre projet se révèle positif. Le sentiment d’efficacité et de responsabilité professionnelle accrue, la satisfaction des patients et la consolidation de la relation patient-médecin ont tous largement contribué à mousser l’intérêt pour le suivi longitudinal de patients. Les résidentes ont affirmé se sentir davantage prêtes à entrer en pratique en cabinet dès la fin de leur formation.
À la lumière de notre expérience, nous croyons qu’afin de maximiser ces bénéfices chez les résidents, l’accès adapté gagnerait à être implanté dès le début de la formation spécialisée. Cette implantation pourrait être progressive entre la première et la deuxième année de formation. Par exemple, la durée des rendez-vous, le pourcentage de plages urgentes et la taille de la patientèle pourraient être établis de manière à permettre aux résidents de fonctionner dans un modèle correspondant mieux à leurs niveaux de compétences. Une telle façon de faire donnerait sans doute la chance aux patients de mieux comprendre et profiter des avantages de ce modèle. Le défi de son intégration dans les programmes de médecine de famille demeure sans contredit celui de la fragmentation de la formation d’un milieu à l’autre et d’un stage à l’autre, bien loin des prérogatives de continuité véhiculées dans le modèle.
En somme, notre expérience d’implantation de l’accès adapté chez les résidents en UMF s’est avérée concluante. Bien que nous estimions que certains ajustements puissent optimiser son arrivée dans les sites de formation, nous sommes d’avis qu’il s’agit d’un modèle qu’il est possible et souhaitable de voir s’implanter dans tous les milieux soucieux d’améliorer l’accès aux services de santé de première ligne. De surcroît, l’initiative représente indiscutablement une voie prometteuse pour stimuler l’intérêt des résidents et des jeunes médecins de famille pour le suivi longitudinal, mais surtout intéresser l’ensemble de la communauté médicale à adapter leurs modèles d’accès.
D’autres ressources pour le modèle d’accès adapté sont disponibles auprès du General Practice Services Committee (www.gpscbc.ca/psp-learning/advanced-access/tools-resources) et de l’Alberta Access Improvement Measures (www.albertaaim.ca).
Notes
CONSEILS POUR L’ENSEIGNEMENT
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Le modèle d’accès adapté contribue à l’atteinte des compétences CanMEDS–Médecine familiale de la résidence, dont celles de collaborateur, de communicateur, de gestionnaire et de professionnel. Les résidents deviennent plus autonomes et la pression de la liste d’attente est réduite.
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Son implantation réussie dépend de l’intérêt et de l’engagement des résidents, des superviseurs impliqués, du secrétariat et des autres professionnels.
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Cette initiative représente indiscutablement une voie prometteuse pour stimuler l’intérêt des résidents et des jeunes médecins de famille pour le suivi longitudinal.
Occasion d’enseignement est une série trimestrielle publiée dans Le Médecin de famille canadien et coordonnée par la Section des enseignants du Collège des médecins de famille du Canada. La série porte sur des sujets pratiques et s’adresse à tous les enseignants en médecine familiale, en insistant sur les données probantes et les pratiques exemplaires. Veuillez faire parvenir vos idées, vos demandes ou vos présentations à Dre Miriam Lacasse, coordonnatrice d’Occasion d’enseignement, à Miriam.Lacasse{at}fmed.ulaval.ca.
Footnotes
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The English translation of this article is avalable at www.cfp.ca on the table of contents for the January 2015 issue on page e66.
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Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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Références
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