La migraine est courante chez les enfants; elle fait son apparition en moyenne à l’âge de 7 ans chez les garçons et de 11 ans chez les filles, et sa prévalence varie de 8 à 23 % à l’âge de 15 ans1–3. Elle cause une morbidité considérable associée aux absences de l’école, à une moins grande participation à des sports et même à la dépression4,5.
La pathogenèse de la migraine est multifactorielle6 et son diagnostic repose sur les symptômes. (Pour plus de renseignements, consultez les classifications des céphalées de l’International Headache Society7.)
Le traitement de la migraine
La migraine aiguë est difficile à traiter chez les enfants8 et, en dépit des paramètres publiés1, les pratiques thérapeutiques varient considérablement9,10. La thérapie a pour but de court-circuiter l’épisode aigu, d’éliminer la douleur, de reprendre les activités scolaires et physiques normales et de réduire le stress relié à des céphalées récurrentes chez les enfants et leur famille11. Le choix du médicament doit tenir compte des caractéristiques pharmacocinétiques et pharmacodynamiques et du profil de sécurité d’une thérapie avec un seul ou plusieurs médicaments11.
Divers agents pharmacologiques ont été utilisés comme thérapie abortive pour la migraine pédiatrique, dont les anti-inflammatoires non stéroïdiens et l’acétaminophène, les triptans et les antagonistes de la dopamine. Les évaluations de l’efficacité de ces traitements chez les enfants et les adolescents sont limitées par le petit nombre d’études randomisées contrôlées, et compliquées par les taux plus élevés d’effets placebo chez les enfants et les adolescents par rapport aux adultes12. Toutefois, dans un récent essai randomisé à simple insu comportant des volets parallèles et portant sur 45 enfants de 5 à 17 ans ayant un épisode de migraine créant une attente qu’un « médicament » serait administré avec 10 ml/kg de chlorure de sodium à 0,9 % par voie intraveineuse, il n’y a pas eu d’influence significative sur la réduction de la céphalée après 30 minutes13.
L’approche thérapeutique de la migraine inclut le soulagement des symptômes aigus, ainsi que la prévention des épisodes au moyen d’une combinaison de thérapie abortive immédiate et de modifications au comportement et au style de vie (p. ex. adoption d’une bonne hygiène du sommeil, activité physique, régime alimentaire équilibré et évitement des éléments déclencheurs connus).
Le sumatriptan
Pour expliquer la migraine, on a proposé une cause neurovasculaire entraînant une vasodilatation crânienne et il a été démontré que la sérotonine (5-hydroxytryptamine [5-HT]) inhibait cette cascade. L’élucidation de ce processus a mené au développement d’une classe de médicaments synthétiques, les triptans, qui agissent comme des agonistes sélectifs du recaptage de la sérotonine. Le sumatriptan fut le premier triptan à être homologué pour les adultes souffrant de migraine et il est disponible sous forme intraveineuse, orale ou intranasale.
Le mécanisme d’action exact du sumatriptan n’est pas complètement bien compris, mais il s’agit probablement de l’effet combiné d’une stimulation des sous-types de récepteurs de la sérotonine : la stimulation du récepteur 5-HT1B entraîne une vasoconstriction, tandis que l’activation du récepteur 5-HT1D inhibe l’inflammation neurogène durale, et la stimulation du récepteur dans le tronc cérébral inhibe la décharge et la sensibilisation dans les noyaux du trijumeau, causant de possibles effets analgésiques14,15.
L’administration intranasale de médicaments
L’administration de médicaments par voie intranasale est utilisée depuis des centaines d’années16 et son efficacité provient de l’accès aisé à la muqueuse nasale, au riche approvisionnement vasculaire et à l’atteinte rapide de niveaux pharmacocinétiques efficaces, possiblement par le contournement du métabolisme hépatique de premier passage17,18. Il est documenté que l’administration intranasale de médicaments est efficace pour un certain nombre d’indications (habituellement comme traitements « non indiqués » sur l’étiquette)19, notamment les convulsions20 et la sédation16. Parce que la migraine est souvent associée à de la nausée et à des symptômes gastro-intestinaux qui peuvent se traduire par une absorption non fiable des médicaments oraux, la voie intranasale d’administration comporte théoriquement des avantages et est moins invasive que les voies sous-cutanée ou intraveineuse d’administration des médicaments.
Le sumatriptan intranasal pour la migraine
Le sumatriptan intranasal est homologué pour le traitement de la migraine avec ou sans aura chez les adolescents en Europe, en Asie, en Australie et en Amérique centrale15. Aux États-Unis, la Child Neurology Society recommande l’ibuprofène et l’acétaminophène pour les enfants de 6 à 12 ans, et le sumatriptan intranasal pour les adolescents de plus de 12 ans1.
Avant le tournant du siècle, Ueberall et Wenzel ont signalé une efficacité allant jusqu’à 86 % chez 14 enfants de 6 à 10 ans dans une étude croisée randomisée contre placebo et à double insu dans laquelle ils utilisaient 20 mg de sumatriptan intranasal; ils ont démontré une réduction significative dans l’intensité de la douleur migraineuse (p = ,031)21. Peu après, Winner et ses collaborateurs ont rapporté que le sumatriptan intranasal était efficace et bien toléré chez 653 adolescents de 12 à 17 ans souffrant de migraine avec ou sans aura22. L’étude randomisée à double insu contre placebo sur un épisode unique a fait valoir qu’une proportion significativement plus grande d’adolescents traités avec 20 mg de sumatriptan ont connu un soulagement complet après 2 heures par rapport à ceux qui ont reçu un placebo (36 % c. 25 %; p < ,01). La photophobie et la phonophobie associées à la migraine étaient aussi diminuées considérablement. En 2006, les mêmes chercheurs ont étudié 738 adolescents souffrant d’un épisode de migraine de modérée à grave et ont constaté qu’une dose 20 mg de sumatriptan intranasal procurait un plus grand soulagement de la céphalée que le placebo 2 heures après le traitement (68 % c. 58 %; p= ,025)23. Dans cette étude et à l’analyse des données combinées des 2 études, il n’y avait aucune différence significative entre le placebo et une dose intranasale de 5 mg ou encore de 10 mg de sumatriptan. Un tiers des participants ont eu besoin de médicaments de secours dans tous les groupes participant à cette étude.
Dans une autre étude croisée à 2 sens et à double insu contre placebo en Finlande24, des enfants de 8 à 17 ans traités dans des cliniques externes ont reçu 10 ou 20 mg de sumatriptan intranasal ou un placebo. Près du double du nombre d’enfants dans le groupe prenant du sumatriptan ont connu un soulagement de leur céphalée par rapport à ceux du groupe ayant reçu un placebo 1 heure (51 % c. 29 %; p = ,014) et 2 heures (64 % c. 39 %; p = ,003) après le traitement. Comme dans les autres études, la dose de 20 mg (de même que dans les analyses en intention de traiter) était la plus efficace. Plus d’un tiers des enfants ont décidé de prendre avantage d’un analgésique de secours qui leur était offert, et une plus grande part encore dans le groupe traité au placebo.
Deux révisions systématiques ont fait la synthèse des données probantes sur l’utilisation du sumatriptan intranasal chez les enfants et les adolescents, et les 2 ont conclu que ce médicament était efficace et bien toléré pour le traitement de la migraine aiguë chez les enfants et les adolescents25,26. Dans leur révision en 2007, Callenbach et ses collègues ont signalé les résultats de 7 études qui variaient sur les plans de la conception, de la sélection des patients et du schéma thérapeutique26. Ils ont mentionné que les plus jeunes enfants pourraient avoir eu une meilleure réponse au sumatriptan que les adolescents, peut-être en raison d’une concentration plasmique plus élevée (dose plus élevée en mg/kg pour les plus jeunes enfants).
Enfin, dans une méta-analyse d’études évaluant le traitement de la migraine aiguë chez les enfants, Silver et ses collaborateurs ont trouvé que l’ibuprofène et le sumatriptan étaient les seuls médicaments dont l’efficacité était significativement plus élevée sur le plan statistique par comparaison au placebo. Ils ont signalé que le sumatriptan offrait un bienfait relatif de 1,26 (IC à 95 % de 1,13 à 1,41) pour la réduction de la douleur de la céphalée (nombre nécessaire à traiter = 7,4) et un bienfait relatif de 1,56 (IC à 95 % de 1,26 à 1,93) pour un soulagement complet de la douleur (nombre nécessaire à traiter = 6,9)27.
Innocuité
L’administration intranasale de sumatriptan est généralement sécuritaire et ne cause pas d’événements indésirables graves associés au médicament ni de changements cliniquement pertinents dans les valeurs d’analyses en laboratoire, les paramètres de conduction cardiaque ou les signes vitaux. Un dérangement dans le goût était l’effet indésirable le plus souvent signalé dans diverses études (19 à 32 % c. 2 % avec le placebo)22–24. Les effets secondaires du sumatriptan intranasal moins souvent rapportés incluaient la nausée (5 à 11 % c. 8 % avec le placebo) et les vomissements (3 à 5 % c. 2 % avec le placebo)15.
Conclusion
Il est difficile de traiter la céphalée migraineuse aiguë chez les enfants et les adolescents et, en dépit de la disponibilité de divers agents pharmacologiques, très peu d’options sont éprouvées comme étant cliniquement efficaces. Le sumatriptan intranasal est une option sûre et généralement efficace pour les enfants et les adolescents. Il faudrait faire d’autres études pour contrecarrer les limitations des échantillons de petite taille et mieux comprendre la faible concentration plasmique potentielle et les effets placebo observés dans les études jusqu’à présent.
Notes
PRETx
Mise à jour sur la santé des enfants est produite par le programme de recherche en thérapeutique d’urgence pédiatrique (PRETx à www.pretx.org) du BC Children’s Hospital à Vancouver, en Colombie-Britannique. Le Dr Meckler est membre et le Dr Goldman est directeur du programme PRETx. Le programme PRETx a pour mission de favoriser la santé des enfants en effectuant de la recherche fondée sur les données probantes en thérapeutique dans le domaine de la médecine d’urgence pédiatrique.
Avez-vous des questions sur les effets des médicaments, des produits chimiques, du rayonnement ou des infections chez les enfants? Nous vous invitons à les poser au programme PRETx par télécopieur au 604 875-2414; nous y répondrons dans de futures Mises à jour sur la santé des enfants. Les Mises à jour sur la santé des enfants publiées sont accessibles dans le site web du Médecin de famille canadien (www.cfp.ca).
Footnotes
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Cet article donne droit à des crédits Mainpro-M1. Pour obtenir des crédits, allez à www.cfp.ca et cliquez sur le lien vers Mainpro.
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Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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Références
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