La bronchiolite est l’infection des voies respiratoires inférieures la plus courante chez les nourrissons et les enfants de moins de 2 ans, ainsi que la cause la plus fréquente d’hospitalisation durant l’enfance. Le taux d’admissions à l’hôpital pour une bronchiolite a augmenté considérablement en Amérique du Nord au cours des 2 dernières décennies; le taux annuel d’admissions à l’hôpital chez les enfants canadiens atteints de bronchiolite est passé de 15 à 39 admissions par 1000 enfants1. Quoique divers virus puissent présenter un portrait clinique semblable de fièvre, de toux, de rhinorrhée et de degrés variables de détresse respiratoire, le virus respiratoire syncytial est le pathogène prédominant à l’origine de la bronchiolite aiguë2,3. En dépit de décennies de recherche, les interventions de soulagement pour assurer une hydratation et une oxygénation adéquates demeurent la pierre angulaire du traitement pour ces enfants4.
Solution saline hypertonique pour la bronchiolite
Au cours des 2 dernières décennies, la recherche sur le traitement de la bronchiolite a exploré le recours à une solution saline hypertonique. Les mécanismes d’action théoriques de la solution saline hypertonique comprennent un flux osmotique d’eau dans la couche de mucus, qui réhydrate ainsi le liquide à la surface des voies respiratoires et améliore la clairance mucociliaire, tout en réduisant l’œdème des voies respiratoires en absorbant l’eau des muqueuses et sous-muqueuses5.
La première étude concernant la solution saline hypertonique portait sur 65 nourrissons atteints principalement d’une légère bronchiolite et ce, en milieu de clinique externe en Israël. Dans cette étude, une solution saline hypertonique à 3 % avec une inhalation de terbutaline, administrée 3 fois par jour pendant 5 jours, a amélioré significativement les cotes de gravité clinique par rapport à une solution saline normale avec de la terbutaline (p < ,005). Les auteurs ont fait remarquer que le même effet aurait pu ne pas être observé chez des nourrissons dont les cotes cliniques auraient indiqué une maladie plus grave6.
Solution saline hypertonique avec épinéphrine
L’utilisation de l’épinéphrine dans le cas des problèmes affectant le système respiratoire est étayée par sa capacité de causer une vasoconstriction (se traduisant par des muqueuses décongestionnées), de réguler le flux sanguin pulmonaire, de relaxer les muscles bronchiaux, de supprimer les médiateurs chimiques et de réduire l’œdème et les sécrétions catarrhales dans les voies respiratoires supérieures par l’intermédiaire de son effet antihistaminique7.
Il reste encore à déterminer les résultats de l’utilisation de l’épinéphrine seule en milieu de soins de courte durée, mais une méta-analyse et une revue de Cochrane font valoir que l’épinéphrine pourrait avoir un effet positif sur la bronchiolite en clinique externe quand on la compare avec le salbutamol et un placebo8,9.
L’ajout d’épinéphrine aux inhalations de solution saline a produit des résultats ambivalents. Dans une étude canadienne, une solution saline hypertonique à 3 % nébulisée, à laquelle était ajoutée de l’épinéphrine racémique, n’a pas donné de meilleurs résultats cliniques qu’une solution saline normale nébulisée chez 46 enfants atteints d’une bronchiolite soignés à l’urgence. La gravité de la maladie a entraîné un taux d’admission de 45 % dans cette cohorte. Le changement moyen dans les scores d’évaluation de la détresse respiratoire et la saturation en oxygène n’était pas statistiquement significatif lorsque le groupe ayant reçu la solution saline hypertonique était comparé avec le groupe témoin. Le taux d’admission était de 22 % inférieur dans le groupe qui avait reçu la solution saline hypertonique; par ailleurs, ce résultat n’était pas non plus significatif sur le plan satistique10.
Dans un essai randomisé contrôlé à double insu en Israël, la solution saline hypertonique avec de l’épinéphrine racémique était meilleure que la solution saline nébulisée normale, l’épinéphrine racémique étant administrée 3 fois par jour jusqu’au congé de l’hôpital chez 52 nourrissons non asthmatiques souffrant de bronchiolite. Les scores moyens de gravité clinique ont été améliorés les premier, deuxième et troisième jours (7,3 %, 8,9 % et 10 % respectivement; p < ,001), et la durée du séjour à l’hôpital a été réduite de 25 % chez les enfants ayant reçu de la solution saline hypertonique à 3 % par rapport à ceux qui avaient eu de la solution saline normale (p < ,05)11.
Le même groupe de chercheurs a continué à recruter des patients et les données combinées sur plusieurs saisons font valoir une amélioration significative dans le groupe traité avec la solution saline hypertonique à 3 %. Les scores cliniques moyens (écart-type) étaient de 7 (1) dans le groupe ayant reçu la solution saline hypertonique et de 6,25 (1,1) dans le groupe ayant pris la solution saline normale (p < ,05) le jour 1, de 6,45 (1) et 5,35 (1,35) respectivement le jour 2 (p < ,05). Le séjour à l’hôpital était aussi significativement plus court (p < ,05)12.
Solution saline hypertonique avec bronchodilatateurs
Dans une autre étude contrôlée randomisée à double insu canadienne, on comparait 3 doses consécutives soit de solution saline hypertonique à 3 % nébulisée avec du salbutamol ou encore de la solution saline normale et du salbutamol. L’étude portait sur un total de 81 enfants qui s’étaient présentés à l’urgence de 4 hôpitaux généraux. Quoiqu’on n’ait pas trouvé de différences statistiquement significatives entre les 2 groupes, les enfants dans le groupe ayant reçu la solution saline hypertonique avaient tendance à s’améliorer davantage, notamment un taux d’admission le jour même de 18 % (IC à 95 % de 9 % à 32 %) contre 27 % (IC à 95 % de 16 % à 42 %). Les scores de détresse respiratoire étaient plus bas dans le groupe de la solution saline hypertonique que dans le groupe de la solution saline normale; par ailleurs, les différences n’étaient pas significatives sur le plan satistique13.
Récentes études
La plus récente revue de Cochrane sur la bronchiolite, publiée en 2013, examinait les effets de la solution saline hypertonique nébulisée. Cette revue portait sur 11 études et plus de 1000 enfants atteints d’une bronchiolite de légère à modérée et faisait valoir que le traitement avec une solution saline hypertonique à 3 % nébulisée se traduisait par un séjour significativement plus court à l’hôpital par rapport à la solution saline normale nébulisée (différence moyenne de 1,15 jour; IC à 95 % de 1,49 à 0,82; p < ,00001), ainsi qu’un score clinique significativement plus bas (jour 1, p = ,0004; jour 2, p = ,001; jour 3, p < ,00001)14. La méta-analyse révèle aussi qu’aucun effet significatif à court terme de jusqu’à 3 doses de solution saline hypertonique nébulisée n’avait été observé chez les patients à l’urgence; toutefois, les résultats combinés des 4 études à l’urgence montraient une réduction de 37 % dans les taux d’hospitalisation chez ceux traités avec la solution saline à 3 % par rapport à ceux qui avaient reçu la solution saline normale (non significatif sur le plan statistique)14.
Dans un essai contrôlé randomisé ouvert, en groupes parallèles et multicentrique, réalisé au Royaume-Uni et portant sur plus de 300 enfants atteints de bronchiolite et ayant besoin d’un supplément d’oxygène et d’une hospitalisation, il n’y avait pas de différence en ce qui avait trait à être prêt à recevoir son congé (rapport des risques de 0,95, IC à 95 % de 0,75 à 1,20) ou au moment du congé réel (rapport des risques de 0,97, IC à 95 % de 0,76 à 1,23) entre ceux qui avaient reçu les soins habituels seulement et ceux qui avaient été traités avec une solution saline hypertonique à 3 % administrée par nébulisation aux 6 heures15.
Une étude clinique randomisée à double insu réalisée dans le contexte d’un service d’urgence pendant 3 saisons consécutives de bronchiolite portait sur plus de 400 enfants dont l’âge se situait entre au moins 34 semaines de gestation et 2 ans. On leur a administré 4 ml de solution saline hypertonique à 3 % ou encore de solution saline normale par inhalation jusqu’à 3 fois après un traitement préalable avec de l’albutérol nébulisé. Le taux d’admission chez les enfants ayant reçu la solution saline hypertonique à 3 % était plus bas, se situant à 29 % par rapport à 43 % chez ceux ayant reçu la solution saline normale (rapport de cotes ajusté de 0,49 [IC à 95 % de 0,28 à 0,86]). La durée moyenne du séjour à l’hôpital était aussi moins longue dans le groupe ayant reçu la solution saline hypertonique par rapport à l’autre groupe, mais cette réduction n’était pas significative sur le plan statistique16. Une deuxième étude dans le contexte de l’urgence a dégagé des résultats contradictoires. L’étude portait sur 62 enfants en détresse respiratoire après un essai d’albutérol qui ont été choisis au hasard pour recevoir par nébulisation soit une seule dose de solution saline hypertonique à 3 % ou encore de solution saline normale. Dans le groupe de la solution saline hypertonique, il y a eu moins d’amélioration dans les scores de détresse respiratoire après 1 heure par comparaison au groupe de la solution saline normale17.
Pour interpréter les études qui font valoir des résultats conflictuels, il faut tenir compte de la petite taille des échantillons et du fait que la concentration optimale, la fréquence des doses et la durée de la thérapie avec de la solution saline hypertonique n’ont pas encore été déterminées. Jusqu’à ce qu’on ait réglé ces questions, il est probable que les études publiées produiront des résultats divergents18.
Lignes directrices nationales
En 2014, l’American Academy of Pediatrics et la Société canadienne de pédiatrie ont toutes 2 publié des exposés de position mis à jour sur le diagnostic et la prise en charge de la bronchiolite chez les enfants de moins de 2 ans. Les 2 guides de pratique clinique ne préconisent pas l’utilisation de solution saline hypertonique nébulisée chez les nourrissons souffrant de bronchiolite vus à l’urgence; par contre, dans les 2 cas, ils mentionnent qu’une solution saline hypertonique à 3 % pourrait être utile en milieu hospitalier, car elle a potentiellement des bienfaits pour les patients dont la durée du séjour est plus longue (supérieure à 3 jours)3,19.
Conclusion
En dépit du nombre considérable d’études publiées récemment sur la solution saline hypertonique pour la bronchiolite, les données probantes demeurent équivoques et elle ne devrait pas être utilisée systématiquement. Il pourrait y avoir un rôle pour son utilisation chez les enfants hospitalisés pour une bronchiolite pendant plus de 3 jours. Jusqu’à ce qu’on ait réalisé des études contrôlées randomisées de plus grande envergure, la base du traitement de la bronchiolite devrait demeurer des interventions de soulagement.
Notes
PRETx
Mise à jour sur la santé des enfants est produite par le programme de recherche en thérapeutique d’urgence pédiatrique (PRETx à www.pretx.org) du BC Children’s Hospital à Vancouver, en Colombie-Britannique. La Dre Grewal est membre et le Dr Goldman est directeur du programme PRETx. Le programme PRETx a pour mission de favoriser la santé des enfants en effectuant de la recherche fondée sur les données probantes en thérapeutique dans le domaine de la médecine d’urgence pédiatrique.
Avez-vous des questions sur les effets des médicaments, des produits chimiques, du rayonnement ou des infections chez les enfants? Nous vous invitons à les poser au programme PRETx par télécopieur au 604 875–2414; nous y répondrons dans de futures Mises à jour sur la santé des enfants. Les Mises à jour sur la santé des enfants publiées sont accessibles dans le site web du Médecin de famille canadien (www.cfp.ca).
Footnotes
Cet article donne droit à des crédits Mainpro-M1. Pour obtenir des crédits, allez à www.cfp.ca et cliquez sur le lien vers Mainpro.
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Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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Références
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