Dernièrement, l’Institut canadien d’information sur la santé a publié son rapport sur les tendances des dépenses en santé de 1975 à 20171. Le rapport prévoyait que ces dépenses atteindraient 242 milliards en 2017, ou 11,5 % du produit intérieur brut.
La part des dépenses qui augmente le plus rapidement est celle des médicaments. En 2017, il est prévu que le coût des médicaments sera de 33,9 milliards. C’est une augmentation de 5,5 % depuis 20162. Le pourcentage des dépenses en médicaments (16,4 %) les classe au deuxième rang après le coût des hôpitaux (28,3 %) dans l’ensemble des dépenses en soins de santé1.
Il est vrai que les médicaments sont des outils importants en médecine pour diminuer la mortalité et améliorer la qualité de vie des patients. Par contre, en voyant de telles données, j’ai comme réflexe de penser: comment pouvons-nous contribuer à limiter les dépenses en médicaments?
Pourrions-nous travailler davantage sur les habitudes de vie avant de prescrire des médicaments pour certaines maladies chroniques? Y a-t-il moyen d’aider certains de nos patients avec des méthodes non pharmacologiques avant de prescrire des médicaments? Pouvons-nous prescrire moins d’antibiotiques pour des conditions qui sont probablement virales?
Devrions-nous réviser plus régulièrement la liste des médicaments de nos patients pour tenter d’en diminuer le nombre? Est-ce qu’ils sont encore tous utiles? Ont-ils vraiment aidé nos patients ou les aident-ils encore? Y a-t-il des médicaments qui servent seulement à couvrir les effets secondaires d’autres médicaments?
Les opioïdes sont au 7e rang des 10 classes de médicaments qui coûtent le plus cher. Nous savons déjà que nous devons réduire le nombre de comprimés que nous prescrivons pour faire face à la crise de santé publique liée aux opioïdes. Cela contribuerait également à réduire les coûts.
La pratique de la médecine de famille est exigeante. Étant des généralistes, nous sommes déjà très rentables. Nous réglons chaque jour de multiples problèmes en une visite qui, autrement, auraient nécessité la contribution de plusieurs autres spécialistes. Cela a pour conséquence que nos consultations sont chargées. De plus, notre objectif principal est d’améliorer la santé de nos patients. Ces 2 facteurs font en sorte qu’il est difficile de prendre le temps de réfléchir à l’impact de nos prescriptions sur les coûts totaux en santé. Malgré ces difficultés, je crois qu’il est important de faire l’effort nécessaire pour contribuer à limiter la hausse des coûts en médicaments.
Pour faire face à ce défi, j’ai 2 suggestions à nous faire.
Travailler dans une organisation de type « Centre de médecine de famille »
Depuis la création d’un Groupe de médecine de famille (le modèle de Centre de médecine de famille du Québec) en 2011 dans ma communauté, nous avons la chance de travailler avec d’autres professionnels de la santé. Les infirmières contribuent fortement au suivi des maladies chroniques et nous aident à travailler sur les habitudes de vie de nos patients avant d’envisager de nouveaux médicaments. Les travailleurs sociaux nous aident à éviter l’utilisation de certains médicaments en santé mentale. La kinésiologue aide nos patients à bouger davantage, et notre pharmacienne, à réviser nos listes de médicaments.
Mieux connaître le prix des médicaments et limiter l’influence de l’industrie pharmaceutique
D’une part, il n’est pas facile de connaître le prix des médicaments dans notre pratique. Certains dossiers médicaux électroniques le permettent, mais l’information n’est pas organisée pour être facilement utilisable. L’an dernier, au Forum en médecine familiale, un résident a présenté une application intéressante pour nous aider à comparer le prix des médicaments. Il s’agit de « PrescribeSmart ». Je vous invite à y jeter un œil, c’est très intéressant.
D’autre part, il faut être conscient de l’impact que peut avoir l’industrie pharmaceutique sur nos prescriptions par leurs techniques de marketing. Certains d’entre nous peuvent être intéressés à rencontrer des représentants pour avoir de l’information sur les nouveaux produits disponibles. Il faut prêter attention à l’impact de cette relation sur nos habitudes de prescription et s’assurer que nos principales sources d’informations sont libres de conflits d’intérêts. À produit égal, la molécule au plus faible prix devrait être notre premier choix.
Notre principale préoccupation est d’améliorer la santé de nos patients. L’impact financier de nos prescriptions est cependant non négligeable. Considérant que le coût des médicaments augmente d’année en année, il est de notre devoir de faire notre part pour faire face à ce défi qui fragilise notre système de santé publique.
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