Il est question actuellement de transformer la médecine palliative en une spécialité médicale formelle. Ce projet aurait bien sûr des avantages et des inconvénients. Fautil y donner suite?
Comme la naissance, la mort est un événement normal, non une pathologie. La médecine vient aider, sans médicaliser à outrance, soucieuse de soulager tout en laissant à l’autre la pleine possibilité d’être lui-même. La médecine palliative se penchera sur la douleur physique, psychologique, relationnelle, sociale, spirituelle, religieuse, se préoccupant du malade et de son confort aussi bien que de sa famille souffrante. La médecine palliative est holistique, globale, multidimensionnelle, interdisciplinaire et proche des cellules familiales. La formation de médecins de famille attentifs, capables d’unifier les traitements, de partager les décisions avec d’autres professionnels et de tenir compte du malade dans son ensemble sera donc précieuse. Y a-t-il une approche qui appelle mieux la médecine de famille? D’autant plus que les malades émergent d’un long commerce avec une médecine spécialisée centrée sur l’organe malade, où leur personne s’est souvent effacée derrière la maladie. Il convient d’inverser maintenant les choses et de traiter le malade, non la maladie.
La fin de la vie se déroule souvent à l’hôpital mais la maison est d’emblée et deviendra demain le milieu normal pour mourir. Une équipe de soins bien structurée, même soutenue par des soins infirmiers de qualité et des bénévoles, ne pourra jamais remplir seule tout ce contrat: la famille elle-même et les amis sont aussi intimement impliqués. La complexité des situations humaines, sociales, psychologiques et médicales appelle ici l’intervention sur place d’un médecin ayant le profil d’un médecin de famille compétent.
Il est évident que tout le monde meurt! Et tout le monde devrait avoir accès à des soins palliatifs de proximité, où que l’on soit sur le territoire canadien. Le développement de la médecine palliative impose un recrutement urgent de professionnels compétents. L’émergence d’un accès universel aux soins palliatifs me semble exiger l’implication prioritaire des médecins de famille, déjà disséminés sur le territoire et appelés à développer ou à maintenir une carrière en médecine de famille avec un versant de soins palliatifs.
Même dans un hôpital universitaire offrant des soins de pointe, la médecine palliative me semble essentielle. Les stratégies de santé, les approches technologiques sophistiquées, font parfois oublier qu’on s’occupe de personnes malades et que leur choix peut être de ne plus être traitées. La présence de médecins de famille responsables des soins palliatifs dans ces équipes de soins vient offrir un recours précieux aux malades, tout en offrant un exemple essentiel aux plus jeunes en apprentissage professionnel, qui verront comment chaque approche a sa juste place à l’hôpital universitaire, quand changer de stratégies, comment impliquer les familles, comment maintenir une compassion active à l’hôpital, etc.
La médecine palliative ne se prête donc pas bien à devenir une spécialité au même titre que les spécialités d’organes (cardiologie, pneumologie, etc.) ou de phases de la vie (pédiatrie, gériatrie) parce qu’elle est forcément très multidisciplinaire, holistique et parce qu’elle implique tout le noyau familial.
Les activités de recherche et d’évaluation des soins et des technologies en soins palliatifs sont semblables aux activités qui se déroulent dans les départements de médecine de famille: similitude dans les approches, dans la cueillette de données, dans les analyses et les écrits. La formation en médecine familiale comporte déjà une exposition à la recherche et prépare minimalement à cette activité. Après la fin de ces études, des stages complémentaires en soins palliatifs de 1 an sont offerts aux médecins de famille intéressés. Cela en fera des consultants compétents mais non pas des chercheurs. Il faut pour cela une formation spécifique plus prolongée à mon avis (2 ou 3 ans au moins). Celle-ci pourra se faire en recherche clinique, en épidémiologie et dans toute autre discipline pertinente comme cela se fait déjà en médecine de famille. Créer une spécialité en soins palliatifs n’offrira pas une vraie solution au problème de l’émergence requise d’activités de recherche et nuira peut-être au recrutement professionnel.
C.S. Lewis1 disait en 1940 que la souffrance est un haut parleur-d’humanité. Il voulait dire par là que certaines situations de la vie nous rapprochent soudainement du mystère de l’humanité partagée dans sa beauté comme dans sa fragilité. Qu’on pense à la naissance d’un enfant, à notre réaction à un sauvetage périlleux réussi, mais aussi à la souffrance d’une personne qui meurt, brutalement arrachée aux siens. Il émerge de ces expériences un appel universel qui dépasse les frontières, les idéologies, les cultures. A côté de cet appel, les techniques sont naines, bien que nécessaires. La médecine palliative vit dans l’ombre de cet appel, grandit de s’y sentir impliquée, s’épanouit à s’efforcer d’y répondre de son mieux avec tous ceux qui sont impliqués, y compris avec l’apport des approches spécialisées. Cela lui demande du temps, de la disponibilité, une vision large, une compréhension des familles et des sociétés, une disponibilité personnelle et aussi une science régulièrement mise à jour. N’est-ce pas là la description du médecin de famille comme on s’efforce de les former?
Notes
CONCLUSIONS FINALES
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La médecine palliative est forcément très multidisciplinaire.
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La médecine palliative est une activité complémentaire aux spécialités.
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La médecine palliative prône une approche globale et familiale.
Footnotes
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This article is also in English on page 841.
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Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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Les auteurs pourront de réfuter les arguments de leur opposant dans réfutation d’un prochain numéro.
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