Gula plures occidit quam gladius—La gueule tue plus que le glaive.
Dès l’antiquité romaine, l’obésité était reconnue comme fatale à la santé et on attribuait cette condition à des excès alimentaires incurables. De nos jours, beaucoup de médecins sont tentés par la non-intervention devant leurs patients obèses. Ils ne sont pas pesés et il n’est pas question de parler de poids corporel! Récemment, l’obésité a été qualifiée de maladie, ce qui a réjouit les experts. Toutefois si l’obésité est une maladie incurable, j’ai bien peur qu’on dira qu’il est inutile de perdre son temps (précieux et limité) à la soigner.
J’argumenterai bien au contraire qu’il faut traiter l’obésité et que le médecin joue un rôle essentiel dans ce traitement. De plus, ce traitement est simple à mettre en pratique dans un espace de temps court.
Soigner le patient, pas son poids
Dire à un patient qu’il doit perdre du poids c’est aussi efficace que de dire à un asthmatique de respirer mieux! Soigner c’est évaluer les conséquences de l’excès pondéral sur la santé. La classification d’Edmonton, récemment proposée par Kuk et collab. est un outil intéressant à ce point de vue1. Cette classification s’accompagne de recommandations quant à l’intensité de l’intervention à mettre en place, allant du simple conseil de maintenir son poids à la chirurgie bariatrique. Cette évaluation est d’autant plus importante que les conséquences de l’excès de poids sont extrêmement variables d’un sujet à l’autre. Un des exemples de cette variabilité est l’existence d’obèses métaboliquement normaux2. Cette classification implique l’examen clinique, les mesures de paramètres biochimiques et parfois des investigations à la recherche de comorbidité telle l’apnée du sommeil. Ceci va prendre du temps et l’évaluation du patient obèse ne peut pas se faire en une seule séance. Nous sommes ici en terrain connu pour le médecin: approcher l’obésité comme on le ferait pour d’autres maladies chroniques.
Soigner en premier lieu les comorbidités
Les comorbidités seront des obstacles majeurs à toute tentative d’amaigrissement: l’apnée du sommeil dans sa forme sévère et la dépression en sont 2 exemples. Ces 2 conditions s’observent fréquemment chez l’homme comme chez la femme lorsque l’IMC dépasse 40 mais elles ne sont pas rares dans les formes moins graves d’obésité.3
Se donner un objectif raisonnable quant à l’importance et à la durée de la perte de poids
Peu de patients savent qu’ils peuvent améliorer considérablement leur santé en perdant un pourcentage très faible de leur poids. Ce pourcentage est de 5 % à 10 % pour la prévention (au moins temporaire!) du diabète de type 2. Ces objectifs doivent être définis avec le médecin car c’est lui qui va assurer le suivi médical.
Informer le patient sur les moyens qui sont à sa disposition pour changer son poids
Cette partie du traitement peut être un peu plus longue mais rien n’interdit de l’effectuer en plusieurs temps. À cette étape, le médecin peut se sentir démuni car il ne dispose pas de ses outils usuels: les médicaments. En effet, l’historique du traitement pharmacologique de l’obésité est une longue liste de catastrophes. De nos jours, seul l’orlistat qui inhibe l’absorption intestinale des lipides est à notre disposition. La récente introduction des analogues du GLP-1 pour le traitement du diabète constitue une nouveauté car ces produits entraînent une perte de poids. Il n’y a cependant pas de données à long terme sur ces médicaments et la gestion du poids reste une question d’éducation aux changements définitifs des habitudes de vie. Ces changements ne relèvent pas de la médecine et doivent être pris en charge par une équipe multidisciplinaire: nutritionnistes, psychologues et spécialistes en kinésiologie. Idéalement cette équipe travaille sur le même site que le médecin. La gestion du poids par un seul professionnel a un taux de succès de 5 % à long terme alors que la gestion du poids par une équipe multidisciplinaire a des résultats de l’ordre de 25 % à 40 %4. Le rôle du médecin est de référer son patient à une telle équipe et d’assurer le suivi médical. La prise en charge multidisciplinaire pendant 6 mois à un an avec des visites régulières, hebdomadaires ou aux 2 semaines, représentent des coûts de 2 000 $ à 3 000 $ et cette barrière financière est parfois insurmontable. Dans ces cas, le patient peut être orienté vers des organisations dans la communauté telles que Weight Watchers ou Choisir de maigrir.
Enfin le médecin se doit de mettre en garde le patient contre des méthodes dont l’inefficacité est prouvée et qui sont parfois dangereuses: les jeûnes à haute teneur en protéines, les produits naturels et la liposuccion en sont des exemples.
Le traitement chirurgical de l’obésité est en plein essor et les interventions sont de plus en plus simples et sécuritaires5. Le médecin doit être capable d’identifier les bons candidats à ces chirurgies et de les référer à des centres de chirurgie bariatrique reconnus. Il faut savoir que ces chirurgies exigent un suivi médical très serré du patient pendant 2 ans, et un suivi annuel par la suite6.
Notes
CONCLUSIONS FINALES
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Évaluer les conséquences de l’excès de poids sur la santé et traiter les comorbidités.
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Organiser la prise en charge du changement des habitudes de vie suivant une approche multidisciplinaire.
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S’il y a lieu, référer les patients en chirurgie bariatrique.
Footnotes
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Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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