Je travaille dans un département d’urgence pédiatrique très achalandé à Ottawa, en Ontario, qui reçoit 68 000 visites par année, ce qui représente en moyenne 180 enfants par jour. La saison des Fêtes 2012 était des plus occupées, comme on pouvait s’y attendre, et on recevait en moyenne 225 enfants aux 24 heures. Alors que je travaillais durant cette période, j’ai été frappée de constater le nombre d’enfants souffrant de symptômes viraux classiques (p. ex. toux, rhinorrhée, congestion) qui avaient été ou étaient traités présentement avec des antibiotiques. La fièvre et les autres symptômes persistaient et les parents venaient à l’urgence dans l’espoir de trouver une cure pour leur enfant. De nombreux parents semblaient surpris d’entendre la suggestion que la maladie virale de leur enfant se résorberait avec le temps sans prodiguer plus que des soins de soulagement. Où était leur nouvelle ordonnance d’antibiotiques?
La plupart des cas de fièvre chez les jeunes enfants immunisés en santé sont attribuables à des maladies virales1. Voici quelques stratégies fondées sur des données probantes pour soulager les symptômes courants associés aux maladies virales fébriles chez les enfants qui peuvent servir aux cliniciens pour rassurer les parents.
Mal de gorge
Il importe de diagnostiquer avec exactitude et de traiter les pharyngites dues aux streptocoques du groupe A pour prévenir les complications suppuratives ou non suppuratives. Toutefois, une récente synthèse systématique nous rappelle que les signes et les symptômes ne peuvent pas être utilisés pour diagnostiquer ou exclure de manière définitive l’angine streptococcique chez les enfants de 3 à 18 ans2. Dans la même synthèse, on a examiné 15 études évaluant l’exactitude de 5 critères de prédiction; aucune de ces règles n’avait un ratio de probabilité indiquant qu’elle pouvait être utilisée pour diagnostiquer une pharyngite streptococcique (probabilité de la présence de streptocoques du groupe A > 85 %).
L’angine streptococcique est rare chez les enfants de moins de 3 ans3. La plupart des enfants souffrant d’infections des voies respiratoires supérieures (IVRS) n’ont pas mal à la gorge et la probabilité qu’ils soient atteints d’une angine à streptocoques est de seulement 4 % (IC à 95 % de 3,37 % à 4,78 %)4. L’American Academy of Pediatrics, l’American Heart Association et la Infectious Diseases Society of America recommandent toutes de procéder à une analyse (test rapide ou culture de la gorge) dans les cas soupçonnés et d’éviter les analyses chez les enfants dont les symptômes concordent clairement avec une IVRS (p. ex. toux, rhinorrhée, congestion). Il est sécuritaire d’attendre les résultats avant de traiter, étant donné que la thérapie a pour but de prévenir les complications.
Mal d’oreilles
En 2009, la Société canadienne de pédiatrie publiait des lignes directrices exhaustives sur la prise en charge de l’otite de l’oreille moyenne (OOM)5. Les virus exercent un rôle important dans la pathogenèse de l’OOM et ils en sont habituellement la cause lorsque l’OOM se résorbe spontanément. Quoique l’OOM soit principalement une infection bactérienne, l’effet thérapeutique des antimicrobiens est faible. Environ 15 enfants doivent être traités pour qu’un seul voie ses symptômes disparaître après 48 heures6. Dans 80 % des cas, les enfants souffrant d’une OOM se sentiront mieux dans un délai de 3 jours sans antibiothérapie.
La plupart des patients jeunes et en santé de plus de 6 mois peuvent être pris en charge avec une approche «d’attente sous surveillance», comportant le traitement des symptômes (analgésie) et l’utilisation d’antibiotiques seulement si les symptômes persistent au-delà de 48 à 72 heures (ordonnance différée). Cette stratégie réduit l’incidence des complications associées à l’antibiothérapie sans entraîner de hausse importante des complications de l’OOM. La plupart des parents sont satisfaits de cette approche et suivront les instructions du médecin.
Toux et rhume
Les antibiotiques n’ont aucun rôle dans le traitement des IVRS pédiatriques. L’inflammation des voies respiratoires inférieures est habituellement reliée à une infection virale sous-jacente, à une bronchiolite ou à l’asthme, problèmes dont aucun n’exige une antibiothérapie.
En 2011, la Société canadienne de pédiatrie publiait un point de pratique sur la pneumonie7. Chez de jeunes enfants, la pneumonie bactérienne est relativement rare. Les causes les plus fréquentes de la pneumonie chez les nourrissons et les enfants d’âge préscolaire sont les virus hivernaux comme le virus respiratoire syncytial, l’influenza, le parainfluenza et le métapneumovirus humain.
On devrait soupçonner une pneumonie chez les enfants qui font de la fièvre (en particulier si elle dure depuis plus de 5 jours ou si la température est constamment plus élevée que 40°C), de la tachypnée, de la dyspnée, ont une faible saturation en oxygène, une toux persistante depuis plus de 10 jours, une réduction de l’air inspiré ou des bruits bronchiaux accrus à la respiration. Si on soupçonne une pneumonie, le diagnostic doit être posé à l’aide d’une radiographie thoracique, étant donné que trop de cas de pneumonie sont diagnostiqués à tort en l’absence d’une confirmation radiologique. La présence d’un sifflement pointe vers un diagnostic de bronchiolite ou d’asthme; les anomalies à l’imagerie radiologique du thorax peuvent être des indices de l’atélectasie ou des bouchons de mucus associés à ces problèmes. L’utilisation systématique de la radiographie pour la bronchiolite chez les nourrissons entraîne une utilisation inappropriée des antibiotiques pour cette infection virale et elle n’est pas recommandée8.
Phobie de la fièvre
La fièvre est souvent ce qui motive les parents à consulter un médecin pour leurs enfants. C’est fréquemment attribuable à la croyance que la fièvre est dangereuse et l’indice d’une infection grave qui nécessite des antibiotiques. Communiquez les principaux messages clés suivants aux parents d’enfants fiévreux.
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La fièvre chez les enfants en santé, immunisés, qui semblent bien, est causée la plupart du temps par des virus1.
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On a recours à l’anamnèse et à l’examen physique pour cerner la source de la fièvre et déterminer si d’autres analyses ou thérapies s’imposent.
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La fièvre est une réaction immunitaire normale (et n’est donc pas dangereuse)9.
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Seulement de 2 % à 5 % des nourrissons et des jeunes enfants ont des poussées fébriles et ce phénomène n’augmente pas le taux d’épilepsie ou de problèmes neurologiques plus tard dans la vie10.
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La plupart des enfants ont l’air malade lorsque leur température est élevée; c’est rassurant de voir qu’ils interagissent normalement lorsque la fièvre est traitée et que la température a baissé1.
Nous avons la possibilité de responsabiliser les parents et les soignants pour qu’ils s’occupent des enfants fiévreux à la maison, d’éviter les traitements excessifs inutiles et l’utilisation de plus amples ressources de la santé. Il faut bien sûr conseiller soigneusement les parents concernant les circonstances dans lesquelles leur enfant devrait être évalué par un médecin (p. ex. de la fièvre chez des nourrissons de moins de 3 mois, une fièvre qui persiste plus de 5 jours, une fièvre persistante lorsque la température est supérieure à 40°C, de la léthargie malgré un contrôle adéquat de la fièvre, la déshydratation ou la détresse respiratoire).
Un cadeau de cohérence
Les professionnels de la santé qui traitent des enfants à leur cabinet, dans des cliniques sans rendez-vous, à l’urgence ou ailleurs devraient être bien renseignés sur le traitement des maladies virales fébriles pédiatriques. Des tests diagnostiques comme l’écouvillonnage de la gorge et des radiographies thoraciques devraient être utilisés de manière appropriée pour confirmer les diagnostics et amorcer une antibiothérapie adéquate si nécessaire. Les professionnels de la santé devraient conseiller les parents avec confiance sur les soins de soulagement dont les enfants fiévreux ont besoin. Les parents doivent entendre un message cohérent au sujet de la fièvre et des maladies virales; transmettons-en un qui soit fondé sur des données probantes, avisé et bon pour les enfants.
Footnotes
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The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the December 2013 issue on page 1261.
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Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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