La bronchiolite est une inflammation aiguë des bronchioles entraînant l’œdème et la nécrose des petites voies respiratoires, et la production accrue de sécrétions1. Elle est causée par des infections virales, le plus souvent par le virus respiratoire syncytial2, et elle touche les enfants de moins de 2 ans3. En Amérique du Nord, l’incidence de pointe de bronchiolites s’observe entre les mois de décembre et mars4. Le tableau clinique courant comprend la rhinorrhée et la toux, suivies de la tachypnée, de battements des ailes du nez, de l’utilisation des muscles accessoires et, dans certains cas, de crépitations et de sibilances5. Le diagnostic repose sur l’anamnèse et l’examen physique. Les prélèvements sanguins et les radiographies des poumons sont rarement nécessaires1.
Le traitement de la bronchiolite consiste principalement en mesures de soutien et comprend l’aspiration des sécrétions, l’encouragement à boire et le maintien de l’hydratation. Les autres traitements sont notamment les bronchodilatateurs, les corticostéroïdes et la nébulisation de solution saline hypertonique. Toutefois, selon les lignes directrices de l’American Academy of Pediatrics1 et de la Société canadienne de pédiatrie6, il faut éviter de prescrire l’albutérol ou le salbutamol avec des corticostéroïdes par voie systémique aux nourrissons atteints de bronchiolite. Bien que la nébulisation de solution saline hypertonique ne soit pas recommandée dans les situations d’urgence, elle peut être envisagée chez les nourrissons hospitalisés pour bronchiolite7. La supplémentation en oxygène est recommandée chez les enfants dont la saturation en oxygène est inférieure à 90 %1,6. La mesure la plus importante de prévention de la contamination est le lavage des mains.
Nébulisation d’épinéphrine chez les patients hospitalisés
L’épinéphrine est un agoniste α-adrénergique et β-adrénergique mixte. L’action α-adrénergique est responsable de la vasoconstriction et de la réduction de l’œdème des voies respiratoires8, ce qui en fait un acteur potentiel du traitement de la bronchiolite aiguë.
Les chercheurs canadiens Patel et collaborateurs9 ont évalué la durée de l’hospitalisation chez 149 nourrissons nés à terme en bonne santé âgés de jusqu’à 12 mois qui avaient été admis à l’hôpital pour un premier épisode d’infection aiguë des voies respiratoires et de respiration sifflante. La durée de l’hospitalisation chez les nourrissons qui avaient reçu une nébulisation d’épinéphrine (solution à 2,25 %), d’albutérol (solution à 5 mg/mL) ou de sérum physiologique placebo (chlorure de sodium à 0,9 %) était comparable (nombre moyen [ET] d’heures : 59,8 [62] sous l’épinéphrine, 61,4 [54] sous l’albutérol et 63,3 [47] sous le placebo; p = 0,95). Des constatations semblables ont été rapportées par les chercheurs australiens Wainwright et coll.10 Après une nébulisation d’épinéphrine ou de placebo, aucune différence n’a été observée quant à la durée de l’hospitalisation (p = 0,16) chez 194 nourrissons en bonne santé qui manifestaient un premier épisode de respiration sifflante et avaient reçu un diagnostic clinique de bronchiolite. Ces 2 études étaient incluses dans une revue systématique11 ayant conclu que la nébulisation d’épinéphrine et celle de sérum physiologique placebo avaient des effets comparables sur la durée de l’hospitalisation (différence moyenne : −0,35 jour; IC à 95 % : −0,87 à 0,17 jour).
Une étude suivante, menée en Norvège12, a confirmé que l’épinéphrine n’avait aucun effet sur la durée de l’hospitalisation chez 404 nourrissons atteints de bronchiolite de modérée à grave (épinéphrine racémique dissoute dans une solution saline à 0,9 % c. solution saline à 0,9 % seule; p > 0,43). L’hospitalisation était prolongée si l’épinéphrine par inhalation était administrée selon un calendrier « fixe » comparativement à un calendrier « sur demande » (61,3 heures, IC à 95 % : 45,4 à 77,2 heures c. 47,6 heures, IC à 95 % : 30,6 à 64,6 heures; p = 0,01).
Association d’épinéphrine et de solution saline hypertonique
Les données portant sur les effets de la solution saline hypertonique chez les nourrissons atteints de bronchiolite sont contradictoires13 et certaines études laissent croire qu’elle pourrait raccourcir la durée de l’hospitalisation des enfants hospitalisés depuis plus de 3 jours7. Il a été proposé que l’association d’épinéphrine et de solution saline hypertonique soit bénéfique aux enfants hospitalisés.
Les investigateurs ont administré une nébulisation de solution saline hypertonique à 3 % en association avec 3 mL d’épinéphrine ou 3 mL d’un placebo (c.-à-d. eau stérile) à 185 nourrissons nés à terme et en bonne santé (de moins de 24 mois) atteints de bronchiolite modérée admis dans un hôpital espagnol14. L’état des nourrissons du groupe épinéphrine s’est amélioré significativement plus tôt (p = 0,029 et p = 0,036 aux jours 3 et 5, respectivement), et la durée de l’hospitalisation était significativement plus courte dans le groupe épinéphrine par rapport au groupe placebo (moyenne [ET] de 3,9 [1,9] c. 4,8 [2,3] jours; p = 0,011). Par ailleurs, dans une petite étude menée en Tunisie15 auprès de 94 nourrissons nés à terme (âgés de jusqu’à 12 mois) qui présentaient un premier épisode de bronchiolite aiguë modérée, la durée de l’hospitalisation des nourrissons ayant reçu une association de 2 mL d’épinéphrine et de 2 mL de solution saline hypertonique à 5 % toutes les 4 heures était comparable à celle des patients qui avaient reçu la solution saline hypertonique seulement ou le sérum physiologique placebo (moyenne [ET] de 3,5 [2,0], 3,6 [1,7] et 4,5 [3,8] jours, respectivement; p = 0,316).
Bien que l’étude espagnole fournisse un argument convaincant en faveur de l’association d’épinéphrine et de solution saline hypertonique, il est prématuré de recommander ce traitement, et des études d’envergure permettant de reproduire les résultats de l’étude espagnole sont nécessaires avant d’entériner ce traitement.
Nébulisation d’épinéphrine chez les patients ambulatoires
Bien que les résultats parmi les nourrissons hospitalisés fassent état d’une réponse insuffisante à la nébulisation d’épinéphrine, une recherche portant sur le traitement administré à l’urgence s’est penchée sur les bienfaits du traitement précoce par épinéphrine à l’urgence. Une revue Cochrane11 comprenait 5 études16–20 menées auprès de 995 enfants qui avaient reçu une nébulisation d’épinéphrine par rapport au sérum physiologique placebo. Les données cumulatives pointaient vers un taux d’admission significativement inférieur au jour 1 après la visite à l’urgence parmi les enfants qui avaient reçu l’épinéphrine (risque relatif [RR] : 0,67; IC à 95 % : 0,50 à 0,89), un bienfait qui était disparu au jour 7 après la visite à l’urgence (RR = 0,81; IC à 95 % : 0,63 à 1,03). Le taux d’admission était le paramètre d’évaluation principal dans 219,20 de ces 5 études, alors que le score clinique était le paramètre d’évaluation principal, et le taux d’admission, le paramètre d’évaluation secondaire dans les autres études.
Lorsque la nébulisation d’épinéphrine racémique a été comparée à la nébulisation d’albutérol et de sérum physiologique placebo dans le traitement de la bronchiolite, dans une clinique de soins urgents des États-Unis19, 65 nourrissons nés à terme et en bonne santé âgés de 6 semaines à 24 mois qui avaient reçu un diagnostic de bronchiolite ont été randomisés pour recevoir 5 mg d’épinéphrine racémique en nébulisation, 5 mg d’albutérol ou un volume équivalent de sérum physiologique placebo (3 doses à 0, 30 et 60 minutes). L’hospitalisation a été nécessaire chez 10 des 17 nourrissons du groupe épinéphrine et chez 16 des 25 nourrissons du groupe sérum physiologique placebo (p > 0,05).
Dans une autre vaste étude menée au Canada, 20 800 nourrissons nés à terme et en bonne santé (âgés de 6 semaines à 12 mois) atteints de bronchiolite modérée qui avaient visité 8 urgences pédiatriques durant la saison de pointe du virus respiratoire syncytial ont reçu une nébulisation d’épinéphrine et la dexaméthasone par voie orale (groupe 1), une nébulisation d’épinéphrine et un placebo par voie orale (groupe 2), une nébulisation placebo et la dexaméthasone par voie orale (groupe 3) ou une nébulisation placebo et un placebo par voie orale (groupe 4). Les 2 traitements par nébulisation administrés à intervalle de 30 minutes consistaient en 3 mL d’épinéphrine 1:1000 ou de solution saline. Le traitement oral consistait en 1 mg/kg de dexaméthasone (maximum de 10 mg) ou un placebo administré après la première nébulisation à l’urgence, suivi de doses uniquotidiennes de dexaméthasone (0,6 mg/kg) ou d’un placebo pendant 5 jours. Au jour 7, le taux d’admission à l’urgence des nourrissons sous épinéphrine et dexaméthasone était inférieur à celui des nourrissons sous placebo (RR = 0,65; IC à 95 % : 0,45 à 0,95; p = 0,02; analyse non ajustée). Cependant, après l’analyse ajustée en fonction de multiples comparaisons, le RR des admissions à l’urgence au jour 7 dans le groupe sous épinéphrine et dexaméthasone par rapport au groupe sous placebo n’était plus significatif (IC à 95 % : 0,41 à 1,04; p = 0,07). La nébulisation d’épinéphrine ou la dexaméthasone par voie orale en monothérapie n’ont pas abaissé le taux d’admission par rapport au placebo, et ce, tant dans l’analyse non ajustée que dans l’analyse ajustée. L’effet de prévention des admissions à l’urgence de la nébulisation d’épinéphrine ne semble être que transitoire. D’autres études sont nécessaires pour confirmer ces résultats.
Conclusion
Il ne faut pas administrer la nébulisation d’épinéphrine aux enfants hospitalisés, sauf comme agent de secours dans les cas d’atteinte grave, c’est-à-dire lorsque la fréquence respiratoire est notablement plus rapide, qu’il y a rétractions et baisse de la saturation en oxygène. Chez les enfants vus à l’urgence, les données probantes n’étayent pas l’efficacité de la nébulisation d’épinéphrine chez les nourrissons atteints de bronchiolite. Chez les enfants qui présentent une atteinte grave, les fournisseurs de soins peuvent administrer une dose d’épinéphrine et surveiller tout signe d’amélioration chez le patient. En l’absence de signe d’amélioration, on déconseille l’administration de doses subséquentes. L’association d’épinéphrine et d’autres agents (p. ex. solution saline hypertonique ou dexaméthasone par voie orale) doit faire l’objet de plus de recherche afin de confirmer un bienfait.
Notes
PRETx Pediatric Research in Emergency Therapeutics
Cette Mise à jour sur la santé des enfants est produite par le programme de recherche en thérapeutique d’urgence pédiatrique (PRETx à www.pretx.org) du BC Children’s Hospital à Vancouver, en Colombie-Britannique. Le Dr Sakulchit est membre du programme PRETx et le Dr Goldman en est le directeur. Le programme PRETx a pour mission de favoriser la santé des enfants en effectuant de la recherche fondée sur les données probantes en thérapeutique dans le domaine de la médecine d’urgence pédiatrique.
Avez-vous des questions sur les effets des médicaments, des produits chimiques, du rayonnement ou des infections chez les enfants? Nous vous invitons à les poser au programme PRETx par télécopieur au 604 875-2414; nous y répondrons dans de futures Mises à jour sur la santé des enfants. Les Mises à jour sur la santé des enfants publiées sont accessibles dans le site web du Médecin de famille canadien (www.cfp.ca).
Footnotes
Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the December 2016 issue on page 991.
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