Scénario de cas
Vous avez comme patient un jeune homme traité pour le VIH dont la charge virale était indétectable. Il demande à vous voir pour une évaluation urgente et, quand vous le voyez, il ne semble pas très heureux. « Je crois avoir l’herpès », vous dit-il. Il a des frissons et une myalgie depuis 3 jours. Vous l’examinez et vous trouvez des vésicules entourées d’érythème près de la base de son pénis et il y a une lymphadénopathie sensible localement. Vous faites une culture virale pour l’herpès et un test d’amplification des acides nucléiques pour la syphilis et le lymphogranulome vénérien (LGV) dans le but de dégager un diagnostic différentiel. Votre patient vous dit qu’il sait que l’herpès génital est incurable et il vous pose 2 questions : « Quel sera l’effet de l’herpès sur ma charge virale de VIH? » et « Y a-t-il un risque de transmission de l’herpès même avec un traitement? »
Données probantes
Le virus de l’herpès simplex (VHS) de type 2 est courant et infecte 10 % des adultes au Canada selon les estimations1. Lorsqu’il y a une infection simultanée au VHS et au VIH, l’effet est doublement négatif. Il a été démontré que la réactivation du VHS génital augmente la charge virale du VIH, le risque de transmission du VIH et la progression de la maladie2,3. Une co-infection au VHS et au VIH augmente l’excrétion virale du VHS, le risque de transmission du VHS, de même que la fréquence et la gravité des symptômes du VHS4,5. Une personne qui a de nombreux partenaires et des relations sexuelles non protégées est à risque plus élevé d’infections concomitantes. La syphilis et le LGV sont moins fréquents, mais ils sont en hausse au Canada, surtout chez les hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes6 et ceux qui sont porteurs du VIH6,7.
On utilise principalement une thérapie suppressive (acyclovir, famciclovir ou valacyclovir) pour prévenir la récurrence; seul le valacyclovir a été éprouvé comme réussissant à réduire le risque de transmission du VHS chez des personnes immunocompétentes. Les effets sur la transmission du VHS à ceux qui sont porteurs du VIH sont incertains. Dans une récente révision systématique, on a examiné si une thérapie antivirale suppressive pour le VHS chez des personnes co-infectées avec le VIH prévenait la transmission du VHS8. La plupart des études utilisaient des marqueurs de substitution, comme la détection du VHS et la charge virale. La seule étude qui mesurait directement la transmission du VHS n’a pas cerné d’effets protecteurs avec un tel traitement (taux de transmission de 9 % avec l’acyclovir c. 6 % avec un placebo). Les résultats de cette étude restent à confirmer. Même si des données préliminaires indiquaient que le valacyclovir réduisait la détection du VHS et la charge virale chez les porteurs du VIH n’ayant jamais pris de thérapie antirétrovirale, cet effet n’a pas été observé chez ceux qui suivaient actuellement une thérapie antirétrovirale8.
Prise en charge
Vous présentez à votre patient un résumé des données probantes. L’infection au VHS est associée à une augmentation de la charge virale du VIH et du risque de transmission du VIH. Il n’a pas été démontré qu’une thérapie suppressive réduisait le risque de transmission du VHS, mais elle peut contribuer à réduire la récurrence. Même s’il peut se produire une excrétion virale même sans symptômes, le risque de transmission du VHS est le plus élevé lorsque des symptômes sont présents. Vous le questionnez et vous apprenez que, depuis que sa charge virale était indécelable, il a eu des relations sexuelles non protégées. Vous discutez de la nécessité d’utiliser des condoms pour réduire le risque de transmission du VHS et lui recommandez d’avertir les partenaires sexuels qu’il a eus durant les 60 derniers jours. Il sera important de lui offrir un counseling de soutien et vous organisez un rendez-vous avec lui lorsque les résultats de laboratoire seront reçus. Vous prenez en note qu’il faudra avertir la santé publique si le diagnostic est confirmé. La syphilis et le LGV sont des maladies à signalement obligatoire; l’infection au VHS génital l’est aussi dans certaines provinces9.
En définitive
Il existe une synergie déplorable entre le VIH et le VHS. Les patients qui viennent de recevoir ce diagnostic peuvent ressentir de la dépression, de la crainte d’être jugé ou rejeté par des partenaires et de l’anxiété à propos des effets du VHS sur leur VIH9. On prescrit souvent une thérapie suppressive pour prévenir la récurrence, mais elle ne diminue pas le risque de transmission. Il faut insister sur l’importance de pratiques sexuelles plus sécuritaires, notamment l’usage du condom.
Notes
RELEVÉ DES MALADIES TRANSMISSIBLES AU CANADA RMTC
Les faits saillants du RMTC font la synthèse des dernières données probantes sur les maladies transmissibles tirées de récents articles publiés dans le Relevé des maladies transmissibles au Canada, une revue révisée par des pairs publiée en ligne par l’Agence de la santé publique du Canada. Ces faits saillants ont été rédigés par la Dre Patricia Huston, médecin de famille spécialisée en santé publique et rédactrice en chef du Relevé des maladies transmissibles au Canada.
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