L’un des buts du plan stratégique du CMFC est de « répondre aux besoins changeants de nos communautés »1. Le CMFC poursuit ce but en « militant pour des résultats équitables en matière de santé pour les groupes vulnérables et marginalisés, y compris, sans s’y limiter, les Autochtones et les populations rurales et éloignées »1. Pourquoi cette priorité ? Parce que les médecins de famille reconnaissent que certains vivent en moins bonne santé et meurent plus jeunes parce que les déterminants sociaux de la santé prennent le pas sur les efforts de traitement2. Plusieurs déterminants — pauvreté, manque de scolarité, chômage, racisme — sont surreprésentés au sein des populations autochtones, rurales et éloignées.
Je m’intéresse à la santé des populations rurales et autochtones depuis ma formation en médecine dans des petites collectivités du Nord de l’Ontario. J’ai commencé ma carrière de médecin en participant à un projet de l’Université de Toronto à Sioux Lookout. Je travaillais dans le petit hôpital qui offrait des soins à la population autochtone locale ; je me déplaçais en avion, avec des infirmières praticiennes et des agents sanitaires autochtones, pour visiter les collectivités éloignées. Je ne demandais pas mieux que de mettre mes nouvelles connaissances au service des plus démunis. J’ai rapidement constaté que mes compétences, médicaments et conseils n’avaient guère plus d’effet que des diachylons sur une jambe de bois face aux importants problèmes de santé que sont l’abus d’alcool, le suicide, l’automutilation, l’inhalation d’essence et les infections généralisées. À la fin des années 70 et au début des années 80, on commençait tout juste à reconnaître les effets dévastateurs des pensionnats autochtones, de l’absence d’eau potable, des coûts exorbitants de la nourriture et du racisme. C’est seulement plusieurs décennies plus tard que j’ai appris, avec horreur, que l’un des plus actifs pédophiles du Canada abusait de garçons dans les collectivités que je visitais3,4.
L’engagement du Collège de répondre aux besoins des populations vulnérables se fonde sur de solides antécédents. Pauvreté : Un outil clinique pour les professionnels des soins primaires est un outil élaboré en Ontario et lancé à l’échelle nationale par le CMFC et le Centre for Effective Practice en 20 165. Cette même année, le Groupe de travail sur la santé autochtone publiait un document d’information sur le racisme systémique6. Le Plan d’action pour la médecine rurale7 publié en 2017 énonce 20 mesures concrètes pour améliorer la santé des populations rurales, éloignées et autochtones.
Les médecins de famille apportent une contribution significative. À titre de président, j’ai rencontré des leaders autochtones et visité des centres de santé en milieu urbain et au sein de collectivités autochtones. En juin, Dre Darlene Kitty m’a invité dans sa collectivité d’origine, la Nation crie de Chisasibi, sur la côte est de la baie James au Québec. J’ai participé à des conférences hospitalières, visité l’hôpital et des sites communautaires et admiré la beauté des paysages. Dre Kitty avait organisé un forum sur la santé auquel ont participé la chef adjointe, la présidente du Conseil cri de la santé, des dirigeants de l’hôpital de Chisasibi et des médecins de famille en poste depuis longtemps. J’ai alors constaté que les intervenants avaient une profonde compréhension des problèmes qui touchent la santé des membres de la collectivité, un fort sentiment d’engagement et une grande détermination à s’attaquer à ces problèmes. La chef adjointe, Daisy House-Lameboy, a parlé des rencontres trimestrielles où la scolarisation et la santé étaient d’importants points de l’ordre du jour. Les médecins et les infirmières ont souligné le manque de ressources, mais ils ont également insisté sur la valeur du régime alimentaire traditionnel et sur la mesure dans laquelle le sentiment de connexion avec la Terre est partie intégrante de la santé. Ils ont insisté sur l’importance de préparer les professionnels de la santé à travailler dans les collectivités autochtones et à s’adapter à leurs besoins. Par exemple, ces professionnels doivent reconnaître que, dans ces collectivités, parler de ses sentiments ne fait pas partie de la tradition. Chisasibi n’a plus de services de maternité depuis 2001 ; plusieurs ont parlé de la nécessité de ramener les naissances dans les collectivités.
La gouvernance a une plus grande incidence sur la santé que nous ne l’imaginons. Dre Kitty et Bella Moses Petawabano, présidente désignée du Conseil cri de la santé, ont décrit l’importance de la Convention de la baie James et du Nord québécois approuvée en 1975 par les Cris et les Inuits du Nord du Québec8. À la suite de ce traité — considéré comme le premier traité moderne au Canada —, le Conseil cri de la santé a été créé en 1978. Il offre aujourd’hui des services à neuf collectivités et à 20 000 personnes avec 43 établissements de soins, un budget annuel de 223 millions $ et 2500 employés. Récemment, Dre Kitty a plaidé avec succès pour la préservation des services découlant de ce traité dans le cadre d’une audience à laquelle participait le ministre de la Santé du Québec.
Cette visite a brossé un tableau éloquent des soins responsables dispensés aux personnes et à la collectivité ainsi que les politiques9 — et de la manière dont les médecins de famille collaborent avec les collectivités et les décideurs à de multiples échelons à l’amélioration de la santé.
Remerciements
Merci à Dre Darlene Kitty pour la révision de cet article.
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